Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

et de magnifiques hôtels, dont les alentours seront arrosés plusieurs fois par jour pour y entretenir la fraîcheur et les garantir de la poussière: ils ont aussi leurs salons dorés, leurs petites cours et leurs flatteurs.

Les grands fonctionnaires ont également de gros traitemens. La grande propriété est ménagée. Le luxe et la rente sont privilégiés. On sacrifie tout à l'aristocratie de la banque, de la bourse et de l'agiotage.

Aussi, quelle que soit la détresse publique, le roi, les ministres, les grands fonctionnaires, les capitalistes et les banquiers ne la ressentent jamais; pour eux, jamais de misère, et toujours l'abondance.

---

Mais le peuple! Ha! le peuple n'est qu'un ramas de prolétaires et de barbares ; c'est un animal féroce; il faut le museler, comme disait quelqu'un chez Laffitte, le jour même de la prise du Louvre et des Tuileries; il faut le repousser des élections, des administrations, même de la garde nationale: on l'admettra dans l'armée, parce que la discipline en fait un instrument passif, et qu'il faut bien que ce soit la canaille qui se fasse tuer pour défendre les riches.

Quant à l'impôt, le peuple a les épaules larges, le dos robuste, les reins forts; on lui fera payer plus de trois milliards en trois aus; on continuera à lui faire payer les impôts qu'il ne payait pas sous la république, celui sur le sel, celui sur le tabac, celui sur les boissons, etc., etc.; on ajoutera les contributions personnelles et mobilières; on augmentera la taxe sur les alimens.

Il est vrai que l'incertitude, le système contre-révolutionnaire adopté, le mécontentement et les émeutes qui devront nécessairement en résulter, la crainte de la guerre, les manœuvres des carlistes qui retireront leurs capitaux, accapareront l'argent et supprimeront leurs dépenses, ruineront le commerce et l'industrie (1). C'est égal; l'impôt, dit un doctrinaire, est encore le meilleur placement que le peuple puisse faire. D'ailleurs, dit un autre doctrinaire: Il n'y a pas de mal que le peuple sente ce que coûtent les révolutions.

Ne semble-t-il pas, en effet, que, tandis que les carlistes veulent ruiner le peuple dans l'espérance de lui faire regretter Charles X. et de pouvoir l'acheter, le juste-milieu veuille le ruiner aussi pour l'avilir et l'enchaîner ?

Mais que dira ce peuple, réduit à l'ilotisme politique? Que dira

(1) Faillites à Paris en 1824 1825 1826 1827 1828 1829 1830 1831. 264 318 330 1502 466 499 616 697.

ce peuple, plongé dans la plus affreuse misère? car vous auriez peutêtre quelque pitié, heureux de la terre, généralement si peu sensibles, si les médecins vous racontaient tout ce qu'ils ont vu d'horrible dans les réduits où le pauvre, étendu sur la paille, souffre et périt au milieu de ses enfans mourant de faim! Vous seriez peutêtre moins inhumains, hommes d'argent, si chaque matin votre journal vous annonçait, avec la hausse de votre rente, la hausse de la misère, des angoisses et du désespoir !

Que dira ce peuple décimé par un épouvantable fléau que, dans sa haine et sa défiance, il regarde comme un crime du gouvernement de Louis-Philippe, de même qu'il regarda la famine de 1792 comme un crime de Louis XVI? Que dira le peuple? Ne craint-on pas une lutte entre l'aristocratie et la démocratie?

La révolution de 1789 produisit le triomphe de la bourgeoisie, et celle de 1792 amena le triomphe de la masse populaire, dont le courage et le dévouement étaient devenus nécessaires pour repousser l'étranger. Les faubourgs ayant été désarniés au commencement de 1795 (pag. 35), et Babeuf ayant échoué en 1796 (pag. 42) dans sa tentative pour relever cette cause, le peuple devint l'objet exclusif les accusations des gouvernans, des nobles, des aristocrates et des ourgeois coalisés contre lui, toujours réunis dans les salons, ayant seuls le temps et les moyens d'écrire. On ne parla plus ni de la Saint-Barthélemy, ni des autres atrocités de l'ancien régime, ni des trahisons de Louis XVI et des émigrés, ni des terreurs de 94 et 95, mais uniquement des violences populaires, qui cependant n'avaient eu lieu qu'excitées par l'aggression des contre-révolutionnaires et par l'invasion de l'étranger! Epuisé par ses efforts pour la défense du territoire, forcé de s'occuper uniquement de son travail pour gagner sa vie et ceile de ses enfans, n'ayant ni du temps, ni des lieux de réunion, ni des journaux pour repousser la calomnie, il parut donner lui-même sa démission politique, et la restauration, comme le consulat et l'empire, ne s'occupa de lui que pour exiger son sang, ses enfans et des impôts. Son courage et sa générosité dans les journées de juillet méritaient qu'on lui rendit ses droits naturels, et que la société lui procurât quelques avantages, en échange de tous ceux qu'elle retire de lui. Son admirable modération dans la victoire, et sa confiance dans ceux qu'il crut plus éclairés et plus capables, prouvent que de justes concessions l'auraient satisfait et qu'on n'aurait pas eu de déraisonnables exigences à lui reprocher. Lisez, relisez sans cesse le paragraphe 3, tous les journaux, tous les écrits, tous les discours officiels de cette époque : que d'admiration, que de reconnaissance n'exprimait-on pas alors pour le peuple! Que de promesses; que de caresses ne lui prodiguaiton pas aussi!

[ocr errors]

Dans le National du 30, Thiers ne s'écriait-il pas: «injustes « que nous étions; nous croyions que le peuple ne s'intéressait pas « aux questions constitutionnelles qui, depuis quinze ans, s'agitent <<'entre nous et la contre-révolution!...>>

La commission municipale ne disait-elle pas le 31: « Quel peuple « mérita mieux la liberté?... Les vertus sont dans toutes les classes; << toutes les classes ont les mêmes droits; ces droits sont assurés.»

Le duc d'Orléans, répondant à Séguier, n'honorait-il pas cette glorieuse jeunesse qui avait su défendre ses droits et ses foyers? Barthe ne reconnaissait-il pas que les ouvriers avaient manifesté des vertus ignorées jusqu'à ce jour, et n'étaient point restés étrangers au mouvement progressif de notre époque?

Hé bien, qu'a-t-on fait pour le peuple? Quel avantage matériel lui a-t-on accordé? Quelle satisfaction morale lui a-t-on donnée? Une aristocratie financière et bourgeoise, liardeuse et avare, plus étroite, plus mesquine, plus dédaigneuse et plus inhumaine que l'aristocratie de naissance elle-même, semble vouloir lui refuser absolument tout et s'opposer à toute amélioration de son sort. Pour lui, aucun droit politique, aucune participation quelconque aux lois. et par conséquent en réalité l'esclavage; pas d'instruction primaire gratuite ou libre, malgré la loi promise; toujours des impôts aussi inconstitutionnels qu'injustes, même de nouveaux impôts qui l'accablent; presque plus de travail, l'industrie paralysée par un système qui rend la guerre toujours imminente; une effroyable misère qui le livre sans défense au choléra qui le dévore; l'humiliation du dehors à laquelle il est vingt fois plus sensible que ses détracteurs ; des calomnies, des outrages, des violences: voilà son

lot.

:

Mais qu'on y prenne garde le peuple veut ses droits; il est le plus nombreux et le plus fort; réduit au désespoir, il pourrait bien se faire justice lui-même.

Oui, qu'on y prenne garde cette oppression de l'aristocratie contre le peuple est la véritable plaie qui menace la société ; ce n'est pas seulement une plaie politique, c'est encore une plaie sociale.

En parler suffit pour effrayer certaines gens; mais est-ce le récit de la maladie qu'il faut craindre? N'est-ce pas plutôt de laisser subsister sa cause et de l'aggraver même au lieu d'y remédier? Que ceux qui craignent la violence du peuple lui fassent donc rendre justice! Ce sont les hommes qui redoutent le plus le choc des masses populaires qui doivent faire le plus d'efforts pour que l'aristocratie nouvelle ne les pousse pas au désespoir; rester immobile et silencieux devant l'oppression, n'est-ce pas s'en rendre complice, et s'exposer volontairement à toutes ses conséquences?

$26.- Système de division entre les citoyens.

Diviser pour régner,c'est le conseil de la nécessité pour tout gouvernement qui veut être le chef d'un parti.

Mais c'est le conseil de l'enfer.

Après les glorieuses et généreuses journées de juillet, tous les patriotes étaient d'accord et pleins d'enthousiasme. - Rien n'était plus facile que de conserver l'union parmi eux : il suffisait d'adopter une marche vraiment nationale.

Mais aujourd'hui trois partis nous divisent; et ces partis sont irrités, menaçans, prêts à en venir aux mains. La haine est grande entre le parti carliste et le parti populaire, mais bien plus grande encore entre celui-ci et le juste-milieu; rien n'égale la violence et la fureur des prétendus modérés contre les hommes du mouvement qu'on leur a peints comme des anarchistes et des brigands. La division est partout les anciens amis sont devenus ennemis ; le père est dans un camp et le fils dans un autre. Les sergens de ville et les ouvriers, la garde nationale et les jeunes gens, la ligne et le peuple, les ministériels et les patriotes sont prêts à s'égorger; les voisins ont dénoncé leurs voisins, ou bien ont déposé contre eux et les ont fait condamner ; le sang a coulé ; la vengeance appelle la vengeance; la guerre civile est flagrante.

Ha! que de calamités menacent la patrie!...

Malheureux!... Arrêtez, réfléchissez!... Gardes nationaux et jeunes gens, sergens de ville et ouvriers, soldats et patriotes de toutes les nuances, n'êtes-vous pas tous des Français, des frères, et non pas des ennemis?. . C'est Charles X, c'est l'étranger, c'est une furie qui nous divisent!... car que pourraient-ils faire de plus favorable pour eux, de plus funeste pour nous? Qu'ils doivent se réjouir de nos divisions!

Ha, quelle faute de la part du gouvernement s'il n'est coupable que de ne pas savoir maintenir la concorde, lui qu'on paie si cher et à qui l'on donne tant de moyens pour assurer la paix publique ! Quel crime au contraire, quel horrible crime, si ce gouvernement, qui se dit paternel et qui devrait être paternel, souffle lui-même la discorde et la guerre entre ses enfans!

Mais, l'ai-je bien entendu? La dynastie est en péril; la guerre civile seule peut sauver: la guerre civile la sauvera! A combien de malheurs sommes-nous donc encore destinés?

la

$ 27.Système de corruption et de démoralisation.

Pour avoir des partisans, on fait un appel à la cupidité, à l'ambition, à la vanité : on donne des places et des faveurs à ceux qui veulent vendre leur conscience, et l'on repousse l'indépendance et la loyauté; on récompense le vice, et l'on proscrit la vertu.

[ocr errors]

« Votre X....., disait quelqu'un d'importance, est un misérable qui compromettrait un ange, s'il en avait un pour patron. »— Mais depuis qu'il s'est vendu au système du 13 mars, le personnage a changé de langage : X..... est rempli d'esprit, d'honneur et de probité; on lui donne sa confiance, on écoute ses avis, on a peine à se passer de lui.

Que l'on éloigne ou que l'on révoque les patriotes qui veulent rester fidèles à leurs principes, comme Lafayette, Dupont, Laffitte, Comte, etc., afin de les remplacer par des hommes dévoués et serviles, c'est déjà l'indice d'un système anti-national.

Mais que l'on révoque les fonctionnaires députés qui votent contre le système ministériel, comme Joly, Dulong, Bérard, Jousselin, Cordier, de Bryas, Laurence, etc., n'est-ce pas une scandaleuse immoralité? N'est-ce pas dire aux députés qui sont fonctionnaires : sacrifiez-moi votre opinion, l'intérêt de vos électeurs, l'intérêt public, votre devoir et votre conscience, ou bien je vous dépouille de votre traitement, et je vous plonge peut-être dans la misère? Et si ceux qui se vendent ainsi sont des malheureux, ceux qui les corrompent ne sont-ils pas des infâmes?

[ocr errors]

Il est des députés courageux qui savent braver la destitution mais combien y en a-t-il qui n'ont pas la force de les imiter! Quels législateurs! Et quand on voit tant de députés indépendans frappés par le ministère, ne doit-on pas penser que tous ceux qui jouissent de sa faveur l'ont achetée par leur servilité? Quelle estime peuton avoir pour eux!

:

Il en est de même des croix d'honneur distribuées aux députés ministériels des croix d'honneur à des députés! Pourquoi donc? Est-ce pour un vote consciencieux? Mais quel mérite d'avoir une opinion plutôt qu'une autre, et de voter conformément à cette opinion? Pourquoi d'ailleurs ne pas donner la croix à tous ceux qui partagent cette opinion? Est-ce pour un vote complaisant? Mais c'est l'infamie! c'est la corruption! Et cette corruption exercée sur la prétendue représentation nationale, sur l'élite prétendue de la nation, sur les législateurs ; cette corruption, dis-je, est un crime ! Et la croix d'honneur prodiguée pour récompenser la guerre civile, qu'en dirons-nous ?

« ZurückWeiter »