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milieu du Champ de Mars, en plein air, sur un autel de la patrie, après une messe célébrée, au bruit des instrumens militaires, par Talleyrand, alors évêque d'Autun, assisté de quatre cents prêtres vêtus de robes blanches, décorés de ceintures tricolores flottantes, la représentation nationale, des députés spéciaux envoyés par quatre-vingt-trois départemens pour contracter, en leur nom, une fédération fraternelle, des députés de toutes les armées, la garde nationale et toutes les autorités de Paris, en présence de quatre à cinq cent mille spectateurs, latéralement placés sur des gradins de gazon, prêtent serment à cette constitution. Louis XVI, à son tour, JURE de l'observer; la reine elle-même, levant le Dauphin dans ses bras, paraît s'unir aux sentimens du roi.

Quoi de plus solennel et de plus sacré qu'un pareil serment prêté à la nation, en face de ses représentans et sous l'invocation du ciel ! Qui pourrait douter de la sincérité du monarque? Aussi le peuple, toujours confiant et crédule, lui prodigue les acclamations et les témoignages d'attachement et de respect. La joie et l'espérance se répandent dans toute la France avec les députés fédérés retournant dans leurs départemens.

Cependant ce serment solennel n'est qu'un odieux parjure, et Louis XVI trompe la nation et même ses ministres; car, tandis qu'il fait notifier officiellement son acceptation à toutes les puissances, il écrit clandestinement, dit le marquis de Ferrières (tome 2, page 277), une contre-lettre à ses ambassadeurs, pour qu'ils n'ajoutent aucune foi à ces notifications, et pour qu'ils en préviennent les souverains.

Le 16 avril 1791, il écrit à l'évêque de Clermont, qu'il a toujours regardé son acceptation comme un acte forcé, et que, s'il vient à recouvrer sa puissance, il est fermement résolu de rétablir pleinement le culte catholique (dont les prêtres ont été assujettis à prêter serment comme citoyens.)

Vainement le duc de Larochefoucault-Liancourt lui présente-t-il une adresse au nom du département de Paris, pour l'exhorter à suivre franchement la constitution;

Vainement, lui dit il : « Sire, on voit avec peine que vous n'êtes « servi presque que par des ennemis de la constitution; et l'on «< craint que ces préférences, trop manifestes, n'indiquent les vé«ritables dispositions de votre cœur.

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«Sire, par une démarche franche, éloignez de vous les enne« mis de la constitution; annoncez aux nations étrangères qu'il « s'est fait une glorieuse révolution en France; que vous l'avez adoptée ; que vous êtes maintenant le roi d'un peuple libre; et chargez de cette instruction d'un nouveau genre, des ministres «qui ne soient pas indignes d'une si auguste fonction. Que la «nation apprenne que son roi s'est choisi, pour environner sa per

« sonne, les plus fermes appuis de la liberté; car aujourd'hui it << n'est pas d'autres véritables et utiles amis du roi (1).

Il n'en persiste pas moins à ne s'entourer que de prêtres, de nobles et de parens d'émigrés, protestant toujours de sa sincérité, mais travaillant toujours à préparer sa fuite.

Il pousse même la perfidie (dit le marquis de Ferrières, tome 2, page 304) jusqu'à écrire à l'assemblée nationale pour se plaindre de ce que les journalistes osent avancer qu'il a le projet de s'éloigner de Paris; et, peu de jours après, le 20 juin, il part clandestinement, avec la reine, et se dirige vers le camp de Bouillé, à Montmédy, laissant une protestation écrite de sa main, contre la constitution et la révolution, scus l'absurde prétexte que son consentement n'a jamais été libre.

Arrêté à Varennes par le maître de poste; ramené au milieu des gardes nationales des départemens, qui manifestent leur enthousiasme pour la révolution et la constitution; reçu dans un morne et imposant silence par le peuple de Paris, qui partout avait écrit sur les murs: Quiconque saluera Louis, sera battu ; quiconque l'insultera, sera pendu; provisoirement dépouillé de ses fonctions, menacé de la déchéance et d'un jugement; rétabli; reconnaissant. après un long et mûr examen, que la constitution réunit l'assentiment universel, il déclare l'accepter librement et volontairement et, le 14 septembre 1791, dans le sein de l'assemblée nationale, il jure solennellement une seconde fois de la faire fidèlement exécuter. Mais ce second serment n'est qu'un nouveau parjure.

;

Le parti de la cour dans l'assemblée (290 membres de la noblesse et du clergé ), d'accord avec lui, vient de protester d'avance contre la constitution; ses frères et les princes protestent publiquement contre son acceptation; et lui-même, toujours d'intelligence avec eux, ne s'occupe que des moyens d'annuler son nou

veau serment.

1

<< Jamais, dit la reine à Dumouriez, en juin 1792, le roi ni moi «< ne pourrons souffrir toutes ces nouveautés ni la constitution. » (Dumouriez, tom. 2, page 163. Ferrières, tom. 3. Campan, tom. 2).

« J'entends, dit le roi à Mme Campan, peu de jours avant le << 10 août, Mandat (commandant de la garde nationale de Paris) << est un homme qui défendrait mon palais et ma personne, parce « que cela est imprimé dans la Constitution, et qu'il a juré de la maintenir, mais qui se battrait contre le parti qui veut l'autorité

(1) Ce fut Talleyrand qui rédigea cette adresse: du moins il s'en fit un mérite quand il eut été décrété d'accusation par la convention nationale, en novembre 1792, comme traître à la révolution.

♦ souveraine : c'était bon à savoir d'une manière positive; je vois «< ce que je dois attendre de lui.» (Mme Campan, tom. 2, page 233).

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Pendant ce temps, les contre-révolutionnaires émigrent.

Le comte d'Artois a donné l'exemple, aussitôt après le 14 juillet 1789, avec les princes de Condé et de Conti, et la famille Polignac.

Le duc de Bourbon et les tantes du roi partent plus tard.

:

Monsieur, l'aîné de ses frères (devenu depuis Louis XVIII), part le 20 juin 1791, avec les pouvoirs de Louis XVI et le titre de régent. Les plus ardens émigrent d'eux-mêmes; on excite les officiers et les soldats à la désertion; tous les gardes-du-corps passent à l'étranger; on envoie des quenouilles aux nobles qui balancent encore dans leurs châteaux; on menace de dégrader ceux qui resteraient plus de 20,000 hommes s'organisent militairement à Bruxelles, à Worms, et surtout à Coblentz, s'appellent la France extérieure, insultent leur patrie et la menacent de l'attaquer à main armée pour y établir l'autorité souveraine. Louis XVI les désavoue publiquement; mais, tout en les redoutant quelquefois, il les approuve en secret, correspond mystérieusement avec eux, les encourage, autorise et garantit leurs emprunts, leur envoie partie de sa liste civile; et, quand l'assemblée législative veut enfin prendre contre eux et les prêtres assermentés les mesures nécessaires, il refuse d'y donner sa sanction.

L'émigration, s'imaginant d'abord qu'elle suffira pour soumettre les révoltés, agit sans déguisement au nom du roi, enrôle des troupes étrangères, et traite avec le prince de Hohenlohe, qui lui amène un régiment d'infanterie, et dont le fils sera fait maréchal et pair de France après la restauration.

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«< A moins d'avoir vu les réunions d'émigrés à Coblentz et dans «<les Pays-Bas autrichiens, dit l'abbé de Montgaillard (tome 3, page 9), il serait impossible de se faire une idée juste de leur légèreté, de leurs bravades, de leurs vociférations contre le nou<< vel ordre de choses. Des fouets de poste suffiront, disaient-ils, « pour chasser devant nous ces roturiers, ces manans, qui ont pris « des épaulettes et des épées; toute cette canaille se dispersera << aussitôt que nous aurons passé la frontière. »

Nous verrons cette prétendue canaille leur donner de rudes le

çons.

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Mais l'émigration et la cour sentant bientôt leur insuffisance, implorent l'intervention étrangère, et provoquent la coalition de tous les rois contre la France.

Dès le mois de septembre 1790, le baron de Breteuil, ex-ministrc, reçoit, des mains de Louis XVI, un pouvoir illimité pour trai ter avec les cours étrangères, proposer et accepter tous les moyens propres à rétablir en France l'autorité royale telle qu'elle existait avant l'ouverture des états-généraux. (Montgaillard, tome 3, page 150.)

Dès le 3 décembre de la même année, Louis XVI écrit luimême aux souverains de Prusse, de Russie, d'Espagne et de Suède, la lettre suivante :

Lettre de Louis XVI au roi de Prusse.

3 décembre 1790.

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« Je viens de m'adresser directement à l'impératrice de Russie, aux rois d'Espagne et de Suède, et je leur présente l'idée d'un « congrès des principales puissances de l'Europe, appuyé d'une force armée, comme la meilleure mesure pour arrêter ici les factieux, donner les moyens d'établir un ordre de choses plus désirable, et empêcher que le mal qui nous travaille, ne puisse « gagner les autres états de l'Europe. J'espère que votre majesté approuvera mes idées, et qu'elle me gardera le secret le plus absolu sur la démarche que je fais auprès d'elle. Elle sen« tira aisément que les circonstances où je me trouve m'obligent à << la plus grande circonspection. C'est ce qui fait qu'il n'y a que le « baron de Breteuil qui soit instruit de mon secret. »

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La reine écrit à l'empereur d'Autriche, son frère, pour le pres-ser d'intervenir.

Celui-ci signe à Mantoue, le 20 mai 1791, avec le comte d'Artois et le comte de Durfort, porteur des pouvoirs de Louis XVI, la promesse secrète de faire entrer en France, sur la fin de juillet, plus de cent mille hommes, fournis par tous les rois coalisés.

Le 27 juillet suivant, sur la demande de Monsieur et du comte d'Artois, l'empereur et le roi de Prusse signent ensemble le fameux traité de PILNITZ, par lequel, au nom de toutes les puissances qui ont garanti la monarchie française, ils déclarent qu'ils regardent la cause de Louis XVI comme étant leur propre cause, et menacent de faire la guerre à la France si l'assemblée ne se dissout pas, si le roi n'est pas rétabli dans son autorité telle qu'elle était au 23 juin 1789, et s'il n'est pas libre de se rendre au milieu de ses alliés.

« Le comte d'Artois >> (écrit Marie-Christine, archiduchesse d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, à Marie-Antoinette, sa sœur) « a fait merveilles à Pilnitz; le roi de Prusse s'y est montré <«< en roi : nul doute que notre frère (l'empereur d'Autriche) ne << sente enfin la nécessité de courir aux armes, et de venir étouffer <«< dans son sein cette révolte de trois ans, appelée révolution. Conti<< nuez de votre côté à agir avec énergie sur votre FAIBLE ÉPOUx. »

Et ce n'est pas l'affection pour Louis XVI qui détermine les autres rois et l'émigration, mais l'intérêt de la royauté et de l'aristo

cratie.

<< Si nous ne pouvons arriver à temps pour sauver le roi ( dira le << roi de Prusse, après le 10 août), marchons pour sauver la « royauté; remplissons notre devoir envers l'Europe. »

(Baron d'Hardemberg, tom. 1, page 417, etc.).

« On ne conçoit rien (diront aussi les émigrés) aux conférences << du roi de Prusse avec Dumouriez, à moins que l'on ait le projet « de sauver les JOURS DU ROI DE FRANCE et de nous sacrifier.... Alors, « adieu la noblesse, le clergé et les propriétés (Le même, p. 478).»

Les rois sont déterminés encore par leur ambitieux désir d'affaiblir la France et de s'agrandir eux-mêmes en la démembrant, comme on va le voir par le traité de Pavie.

Extrait d'un traité conclu et signé à PAVIE, en juillet 1 1791.

L'empereur reprendra tout ce que Louis XIV avait conquis sur les Pays-Bas autrichiens; joignant ces provinces aux Pays-Bas, il les donnera en échange à l'électeur Palatin, de sorte que les nouvelles possessions jointes au Palatinat porteront le nom de royaume d'Austrasie.

L'empereur aura à perpétuité la propriété et la possession de la Bavière, pour faire à l'avenir masse individuelle avec les domaines héréditaires de la maison d'Autriche.

L'archiduchesse Marie-Christine, sera, avec son neveu l'archiduc Charles, mise en possession héréditaire du duché de Lorraine.

L'Alsace sera restituée à l'Empire. L'évêque de Strasbourg et le chapitre recouvreront leurs priviléges, ainsi que les souverains ecclésiastiques de l'Alle

magne.

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