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CHAPITRE XVIII

Campagne des Russes en Turquie pendant 1829

Les Turks s'étaient mesurés avec quelque avantage en 1828, ils avaient fait comprendre par leurs manœuvres que, désormais, il fallait combattre avec eux comme avec les troupes européennes, dont ils adoptaient l'habillement, l'armement et la discipline ce n'était plus le courage fougueux des hordes se jetant au hasard, en tête et sur les flancs de l'ennemi, sans pouvoir entamer la barrière des baïonnettes sur lesquelles elles venaient se faire tuer. Ils se présentaient maintenant comme des rivaux dignes de lutter avec les vétérans des armées qui avaient appris des Français les moyens de vaincre après avoir été vaincus ; et qui s'étaient formés à la rude école des défaites qu'ils avaient

subies dans la guerre contre le grand capitaine des temps modernes.

Les Russes avaient compris qu'il fallait profiter du temps que dura l'intervalle des opérations, pendant l'hiver de 1828 et 1829, pour se préparer à une campagne plus décisive. Aux 3° et 7° corps qu'on avait complétés vint se joindre le 2e corps, et un essaim innombrable de Kosaks.

Les Turks avaient fait un premier essai des troupes régulières; elles avaient montré de l'aplomb dans la défense, de la vigueur dans l'attaque, mais elles n'étaient pas nombreuses. Les jeunes soldats qui les composaient avaient appris avec peine l'exercice, et l'on dut même souvent employer la violence aucun vieux soldat n'avait voulu s'y plier; et, de plus, les préjugés fanatiques qui étaient encore en vigueur, et qui avaient été excités par la longue lutte que la Porte-Ottomane venait de soutenir contre les Chrétiens, et dans laquelle elle n'avait pas éte heureuse, avaient empêché que les officiers instructeurs, tous étrangers et de diverses nations, portassent les armes et conduisissent leur élèves au combat.

On espérait cependant réunir au camp de Schoumla 60 bataillons d'infanterie régulière et 31 escadrons de cavalerie faisant un effectif de 100 mille hommes mais les mauvaises passions, la répugnance de la population pour les changements dans la manière de monter à cheval, dans le costume, dans l'équipement, dans l'armement et dans

les évolutions ne permirent pas de réaliser ce que Mahmoud avait tenté pour opposer un nombre suffisant d'hommes de nouvelle organisation, aux Russes façonnés et rompus aux exercices, dans les colonies militaires et aux camps.

D'un autre côté, plus le danger, qui n'avait été que retardé dans la précédente campagne, approchait, plus les liens d'unité des provinces turques se desserraient. La Bosnie, dont le peuple est bon guerrier, voulait faire cause à part; la Serbie s'était détachée depuis longtemps de la Porte, par opinion et par sentiment; les Albanais demandaient une somme considérable, payée d'avance, pour fournir environ 30,000 hommes.

Tout faisait donc présumer que, dans la nouvelle campagne, l'armée turque ne serait pas en état de lutter avec celle des Russes ni par rapport à sa force numérique, ni au point de vue du moral, et qu'elle aurait un grand désavantage si on la forçait à une bataille.

Tel devait être le plan de Diébitsch, nommé général en chef de l'armée, d'après les renseignements qu'il avait sur l'infériorité de l'armée turque. Il espérait qu'il attirerait facilement le grandvisir en plaine, en assiégeant Silistrie, cette importante clef du Danube, pour la conservation de laquelle le Grand-Seigneur tenterait l'impossible.

Il avait donc tout préparé en conséquence; et un matériel considérable avait été réuni à Sizeboli, dont le contre - amiral Koumani s'était emparé

le 15 février, avec une petite escadre composée de quelques vaisseaux de guerre et de transport portant un régiment d'infanterie et un escadron de Kosaks.

C'était une place d'armes précieuse pour entreprendre une campagne offensive; aussi, dès le printemps, de grands approvisionnements et des moyens de transport suffisants pour suivre hardiment le projet que le général en chef avait de pénétrer au centre de l'empire turk, s'y trouvaient à sa disposition.

Les troupes russes se mirent en mouvement au milieu du mois de mars pour s'approcher du Danube. On avait jeté ou préparé des ponts de bateaux à Hirsowa et Kalarask, presque vis-à-vis de Silistrie. Les 2 et 3 corps passèrent le fleuve au commencement de mai. Le 8 de ce mois, Diebitch établit son camp près de Tjernawody, là ou la ligne que forment le rempart de Trajan et le lac Karassow vient s'appuyer au Danube.

Les Russes avaient cerné Silistrie le 17 mai. Ils avaient culbuté dans la place un corps turk qui se trouvait dehors, et ils s'étaient emparés des ouvrages avancés. Le même jour, un combat très-vif avait eu lieu entre le grand-visir, qui avait quitté son camp de Schoumla avec 40,000 hommes, et le général Roth, à Eski-Arnautlar. Le grand-visir avait compté sur la réunion d'un autre corps que Hussein-Pacha devait amener de Routchouck, et il

DE LA PUISSANCE RUSSE.

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espérait s'emparer de Pravody et battre les Russes.

Les Turks réussirent en effet dans leur première attaque et mirent le général Roth dans un assez grand danger; mais le général Kamprianoff, profitant de l'ivresse que la victoire leur donnait déjà, fit une sortie vigoureuse à laquelle ils ne s'attendaient pas, leur coupa la retraite par la vallée de Pravody, et les força à se retirer par les hauteurs sur le camp de Schoumla. Au reste, ce fut moins alors contre les forces russes que les Turks échouèrent que contre une ville assez fortifiée pour qu'elle pût résister à une attaque qui demandait d'autres moyens que ceux dont les Turks pouvaient disposer. Cependant cette affaire avait montré l'infanterie régulière, commandée par Halib-Pacha, bien supérieure à ce que les Russes supposaient trouver. Pour dissimuler les pertes qu'éprouva la colonne du général Rynden, ceux-ci ont écrit que les Turks avaient engagé à Eski - Arnautlar 25,000 hommes contre 7,000 hommes, ce qui paraît improbable, puisque la colonne écrasée était de 4,000, et que celles des généraux Kamprianoff et Roth, qui la dégagèrent, devaient être d'une force bien supérieure.

Quoiqu'il en soit, la pointe des Turks n'eut point tout le succès qu'on en attendait; le siége de Silistrie continuait. Les Russes avaient trouvé presque intacts les ouvrages de siége qu'ils avaient faits l'année précédente; ils s'étaient empressés de les

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