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Nous avons dit que les nombreux favoris de Catherine II, et celui dont le règne dura le plus longtemps, Potemkin, en participant à sa puissance, ne cherchaient qu'à l'étendre; l'entreprise la plus importante qu'ils conseillèrent fut celle qui avait pour but de s'emparer de la mer d'Azoff et de la mer Noire. Le développement si rapide d'Odessa, d'Otchakoff, de Kherson, de Taganrog (Jekaterinoslaw), de Sebastopol, de Kaffa et d'Anapa a justifié ces conseils et inspiré toutes les espérances de la Russie, en même temps que toutes les craintes de la Porte-Ottomane; car les ports de Varna, Bourgas, sur la côte d'Europe, et ceux de Sinope et Batoum, sur celle d'Asie, ont perdu toute leur importance, et se trouvent dominés par la fière et redoutable puissance qui n'a plus qu'un pas à faire pour accaparer les relations commerciales de tout l'ancien continent.

Aussi, il ne faut pas s'étonner que ce soit de ce côté que se portent toutes les vues ambitieuses du tzar Nicolas; et que la flotte, que renferme le port de guerre fortifié de Sébastopol, et qui n'a pas maintenant son égal dans le monde, soit la partie la plus importante de ses forces maritimes, et celle sur laquelle il compte le plus pour arriver enfin à la réalisation des projets constants de la politique russe politique qui a toujours fait la première base des traités avec la Porte-Ottomane, de la défense aux vaisseaux de guerre étrangers de pénétrer dans la mer Noire.

Sous ce rapport, la Porte-Ottomane a été bien imprudente; car en voulant se garantir elle-même de dangers supposés contre sa capitale, par l'adoption d'une semblable mesure et par l'interdiction du passage des Dardanelles qui la confirmait, elle laissait la prépondérance de la Russie s'élever contre sa propre existence, et à l'insu de toutes les autres nations.

Le sultan s'est départi d'une défense si contraire à ses intérêts; il a enfin permis à ses deux puissantes alliées de pénétrer les seerets des forces maritimes de la Russie dans la mer Noire; et encore a-t-il fallu que l'horrible massacre de Sinope vint déchirer le bandeau qui couvrait les yeux des hommes d'État du Divan. Un prochain avenir aura décidé du destin de la Turquie; mais si elle se relève du danger qui la presse, qu'elle comprenne enfin qu'elle n'est pas seule intéressée à se garantir des envahissements de la Russie, que la question de son existence touche aux intérêts les plus graves de toutes les nations; et que si elle a été assez téméraire pour laisser sa rivale maîtresse du grand lac qui sépare l'Asie de l'Europe et s'exposer à ses attaques journalières, derrière elle se trouvent des peuples qu'un tel empiétement inquiète et compromet. La première cause d'un traité de paix doit être la libre navigation de la mer Noire. C'est le seul moyen d'affranchir les Principautés, et de donner aux Russes pour frontière non la ligne du Danube, mais celle du Pruth ou du Dniester.

Les côtes septentrionales de la mer Noire auront encore assez d'importance pour les Russes, quand on considère qu'elles leur ouvrent un marché si important où s'écoulent les produits des riches contrées qu'arrosent le Pruth, le Dniester, le Bog, le Dnieper, le Don et le Kouban, et qui formeraient un beau royaume, comme elles sont le plus important fleuron de la couronne des tzars.

C'est dans ces contrées heureuses et d'un grand avenir, si elles pouvaient être constituées en un État indépendant, que la Russie a formé ses plus importantes colonies militaires. C'est là qu'elle a porté son avant-garde contre les provinces méridionales de l'Europe et de l'Asie; tandis que celle des provinces occidentales se trouve dans la Pologne, laquelle, comme nous l'avons déjà dit, a changé, bien malgré elle, de rôle, par la faute des puissances européennes, et qu'elles qu'aient pu être les démonstrations populaires en France en faveur de sa nationalité.

C'est là, en effet, que se trouvent le maintien et l'avenir de la puissance russe, et où elle peut être sans rivale, si elle-même parvenait à défendre le Bosphore de Thrace comme elle défend depuis un siècle celui de Yenikalé. C'est donc là que doivent se porter les efforts des alliés de la Porte-Ottomane. Si on ne peut forcer par mer le dernier, des troupes de débarquement pourraient le prendre à revers; mais surtout qu'on empêche que les Russes ne s'emparent du premier, car ce serait le coup suprême

porté à Constantinople et au commerce du Levant. Il sera difficile, sans doute, d'atteindre la flotte russe qui refusera le combat ; et qui peut, sans peine, se mettre à l'abri non-seulement à Sébastopol, mais dans la mer d'Azoff; vaste port où nul ne saurait pénétrer sans la permission de la Russie.

La flotte de la mer Noire était, il y a dix ans, de 3 vaisseaux à trois ponts, 9 de 84 canons, 7 de 74; total 19 vaisseaux de ligne, plus 6 frégates, 11 corvettes, bricks et goëlettes, 6 bateaux à vapeur, et elle était armée de 1,634 canons. Il est probable que depuis dix ans ces forces se sont augmentées, bien que la mention la plus récente faite par les journaux, de l'état de la flotte russe, semblerait indiquer qu'elle est restée dans le même état. Il existe indépendamment de ces forces une nombreuse flottille de chaloupes canonnières montées par les Kosaks d'Azoff qui font le commerce des côtes de l'Asie. Ceux-ci s'y livrent à la contrebande, tant pour la vente des armes et munitions livrées aux peuplades insoumises du Kaukase, que pour l'achat des filles géorgiennes et circassiennes. Leur audace s'est d'autant plus accrue, que ce commerce a été longtemps contrarié par la Russie, et que le nombre de ces esclaves blanches, toujours vivement désirées par les Turks, va tous les jours en diminuant.

En résumé les forces maritimes composant son armée navale, et sauf ce que nous avons dit sur les auxiliaires qu'elle trouve dans les flottilles de la

Baltique et de la Bothnie, de la Finlande et de la mer Blanche, au nord; et dans celles de la mer d'Azoff et la mer Noire, au sud, se répartissent ainsi :

Flotte de la mer Baltique.

27 vaisseaux de ligne.

18 frégates.

3 corvettes.

12 bricks.

60 bâtiments montés par 30,800 hommes.

Flotte de la mer Noire.

19 vaisseaux de ligne.

12 frégates.

2 corvettes.

41 bâtiments montés par 19,800 hommes.

Dans ce nombre ne sont pas compris les vapeurs. Ainsi, indépendamment de l'armée de terre dont nous avons fait connaître l'organisation et la force dans les précédents chapitres, on doit supposer que près de 80,000 hommes sont affectés à la marine. Ces chiffres parlent assez haut, quand on compare cette situation avec celle existante à l'avénement de Pierre I, et son petit bateau avec la flotte colossale actuelle, dont il a été, comme on l'appelle en Russie, le grand papa.

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