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appelait déjà la Russie à prendre une trop grande part aux affaires de l'Europe; et dans laquelle, pour la première fois, on donnait au grand duc de Moskovie le titre de tzar ou de roi.

Les quatorze années d'anarchie qui précédèrent l'avènement d'Yvan IV l'accoutumèrent au spectacle de la débauche et des supplices; ce prince y contracta de bonne heure cette férocité dont tout son règne a porté l'empreinte. Le premier, il se fait couronner par le métropolitain de Moskou, et il prend la couronne dont Constantin Monomaque s'était servi cinq siècles avant. Il consacre, en 1547, publiquement et en face de l'Europe les titres de tzar ou czar, povelitel et samoderjetz (roi, autocrate et seul possesseur absolu de tout et de toutes les Russies) qu'Yvan III avait déjà adoptés. Il institue les streltzy ou strelitz, premier corps russe régulier armé de fusils, et formé sur le modèle des troupes européennes.

Son règne n'est pas moins intéressant que ceux de Pierre le Grand et de Catherine II; et, de plus, il a formé la première base de cette puissance formidable que nous cherchons à signaler.

Exposé dans le principe à la lâcheté et au soulèvement de ses Boyars, qui l'avaient obligé de lever le siége de Kasan, il punit la rébellion d'une manière terrible : les mutins furent livrés à d'affreux supplices; leurs cadavres, traînés dans les rues, furent jetés dans la Moskva ou la Moskova. Il retourne à Kasan en 1552, et pour la première fois il

se sert de l'artillerie pour foudroyer la ville. Abdoul, khan d'Astrakhan, s'empresse de se soumettre. Les Nogaïs, qui avaient abandonné leurs voisins, furent forcés d'en faire autant. Sélim II, endormi dans les délices de son harem, se réveilla trop tard, il voulut reprendre Astrakhan, il perdit une armée de 40,000 hommes, et la puissance moskovite se trouva, dès lors, établie sur la mer Kaspienne.

Débarrassé de ce côté, Yvan se dispose à profiter des divisions qui existaient alors entre la Suède, la Pologne et la Livonie. Il envahit cette dernière province et la livre aux dévastations les plus affreuses. Les Polonais, auxquels la Livonie avait été cédée par les grands maîtres de l'Ordre des chevaliers Porte-Glaives, s'emparèrent de nouveau de cette principauté, théâtre d'horribles luttes, et ils en chassèrent les Russes. Yvan se trouva avoir à combattre à la fois contre les Tatars de la Krimée qui s'étaient soulevés de nouveau, contre la Suède, contre la Pologne et contre une partie de ses sujets, jaloux des officiers étrangers que le tzar avait attirés dans son armée.

Son caractère ardent ne fit que s'allumer de tous ces obstacles à son ambition. Des flots de sang coulèrent de la Baltique à la mer Noire, en Finlande, en Livonie, à Nowogorod et à Moskou, par le fer du soldat et sous la hache des bourreaux. Il faut lire ce que dit Tilmann, en 1600, de cette guerre de Livonie, où la cruauté se surpassa autant chez

le tzar que chez les soldats qu'il commandait, et que l'expérience de tous les siècles prouve être dans le génie de ce peuple, qui a conservé toute la barbarie de son origine.

Enfin la Suède, dont un gentilhomme français, Pontus de la Gardie, commande les troupes, et la Pologne, sous Etienne Bathory, se liguent étroitement. Yvan est chassé de la Livonie, poursuivi jusque dans Polotsk. Les Tatars de la Krimée se soulèvent de nouveau et parviennent jusqu'à Moskou. Effrayé, pour la première fois, Yvan voit chanceler son trône; il désire la paix, il cherche un médiateur, et, chose qu'on ne saurait comprendre, il le trouve dans le pape Grégoire XIII. Antoine Possevin, le plus habile et le plus délié des Jésuites d'alors, est envoyé à Moskou, et, en 1582, il parvient à faire conclure la paix. Le roi de Pologne rend les conquêtes qu'il a faites sur les Russes. Yvan IV renonce à la Livonie, il obtient une trève de trois ans avec la Suède, et fait en même temps un accord avec le khan de Krimée. Ces traités déterminent les bornes du territoire russe à cette époque.

Un événement qui doit être particulièrement remarqué eut lieu dans ce même temps: c'est le passage des Anglais dans la mer Blanche, et leurs communications avec les provinces intérieures de la Russie, qui opéraient une espèce de révolution et préparaient l'influence de leur politique et l'ascendant de leur commerce dans cet empire. Une

tempête avait dispersé les vaisseaux qu'Édouard VI envoyait, en 1553, sous le célèbre navigateur Cabot, pour chercher, au nord-est, un passage pour aller à la Chine et aux Indes; un seul vaisseau, échappé à la tempête, entra, par hasard, dans la mer Blanche, et jeta l'ancre à l'embouchure de la Dvina, sur une côte alors presque déserte, près du monastère de Saint-Nicolas, à la place où fut depuis Arkhangel.

Richard Chancellor, qui commandait ce bâtiment, apprend qu'il est sur les terres de la Russie. Le tzar, informé de l'arrivée de ces étrangers, les fait venir à Moskou, les interroge sur le sujet de leur voyage, et, sachant qu'ils cherchent à établir des relations de commerce, il les encourage par un accueil favorable.

La reine Marie profite de cette heureuse découverte. Richard Chancellor fait un second voyage en 1555, et présente au tzar une lettre de Philippe et de Marie; et plus heureux encore que la première fois, il obtient, en faveur des Anglais, une autorisation générale de s'établir et de commercer dans toutes les parties de la domination russe, avec exemption de toute espèce de droits, taxes et impôts.

Une charte très-curieuse et peu connue (note 2), même en Angleterre, rapportée par W. Tooke, est donnée à Moskou, à la date du 20 août de l'année du monde 7063, et elle sert de base à celle que la reine Marie donna elle-même à une compagnie des

tinée à faire le commerce avec la Russie (1). Cette compagnie imagina de transporter les marchandises anglaises jusqu'en Perse, en passant par la Russie.

Antoine Jenkinson fit un troisième voyage à la baie de Saint-Nicolas, et porta à Moskou une lettre d'Élisabeth qui venait de succéder à Marie, et par laquelle Yvan était sollicité d'accorder le privilége exclusif que la compagnie désirait. Ce privilége fut accordé en 1567; et, deux ans plus tard, Thomas Randolphe, envoyé en qualité d'ambassadeur, obtint une patente encore plus favorable, qui assurait les mêmes priviléges de commercer d'Astrakhan & Nowogorod.

La compagnie anglaise ayant été obligée de renoncer à la route périlleuse qu'elle voulait prendre, à cause du brigandage des Kosars ou Kosaks (Cosaques), envoya des troupes contre eux, ils furent battus. L'un de leurs chefs, Yermak, échappé des rives du Dniéper ou Borysthène, avec 5 à 6,000 aventuriers, poursuivi de désert en désert, fut poussé par le désespoir en Sibérie. Il soumit cent peuplades diverses, et parvint jusqu'à l'embouchure de l'Irtisch et s'établit à Sibir. De là il envoya solliciter sa grâce à

(1) Les Tzars de Moskovie comptaient leurs années à partir de la création du monde. Ce ne fut que dès le 1er janvier 1700 qu'ils ont commencé à compter à partir de la naissance de Jésus-Christ, en conservant toutefois le vieux style qui est de douze jours en arrière du nouveau style dont se sert le reste de l'Europe.

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