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armées et leurs machines de guerre avec une étonnante célérité, au sein du pays conquis et jusqu'aux extrémités de la terre habitable. Ils rompirent, par cette facilité de se mouvoir en restant en bon ordre, les coalitions des princes de l'Orient; ils prévinrent souvent la réunion des essaims de barbares, et arrêtèrent long-temps leurs redoutables invasions: enfin ces routes militaires, d'une solidité presque indestructible, dont les vestiges sont encore aujourd'hui des modèles imparfaitement imités, étaient les véritables chaînes dont les vainqueurs chargeaient les vaincus, et que ceux-ci étaient contraints de forger eux-mêmes.

Plein de ces grands souvenirs, le vainqueur de l'Égypte et de l'Italie, encore dans la vigueur de l'âge (il n'avait que trente-deux ans), tenant sous sa dépendance plus de la moitié de la population du continent européen, disposant d'une nombreuse et valeureuse armée, pouvait croire qu'il s'était élevé jusqu'à la célébrité d'Alexandre, d'Annibal et de César. Non-seulement ses flatteurs, mais ses ennemis eux-mêmes, le comparaient à ces brillans météores de l'espèce humaine : il avait sans cesse leur image sous les yeux; leur histoire, l'examen critique de leurs grandes actions, le parallèle de leur génie, de leur caractère et de l'influence qu'ils avaient exercée sur l'esprit de leur siècle, étaient les sujets les plus

fréquens de ses entretiens avec les chefs de l'armée, les savans et les artistes ; il n'aspirait à rien moins qu'à surpasser ses modèles, et comme conquérant, et comme législateur.

On ne saurait expliquer, autrement que par cette noble folie, par l'ivresse de la gloire, la chimère qu'il s'était faite d'une domination universelle, toute semblable à celle des Romains : nul ne connaissait pour. tant mieux que lui tout ce que la différence des temps, les effets de la civilisation, la diffusion des lumières, presque au même degré chez toutes les nations, amoncelaient d'obstacles que les anciens Romains n'avaient pas rencontrés, et dont leurs efforts et leur constance n'auraient vraisemblablement pas triomphé. Si, dans la méditation de ces vastes projets, il était forcé d'arrêter sa pensée sur ces considérations, il s'élevait bientôt au-dessus d'elles, et allant toujours du connu à l'inconnu, voyant tout ce qu'il avait, en si peu de temps, entrepris et achevé, il trouvait dans son génie, dans ce qu'il appelait sa force intérieure, assez de moyens pour vaincre de nouvelles difficultés, assez de confiance pour s'abandonner à sa

fortune.

Telle était la disposition d'esprit du premier Consul à l'époque à laquelle se rapporte l'objet de cette note. Nous continuerons de l'observer avec la même sévérité, la même justice, à d'autres époques de son im

mense carrière, persuadé que les salutaires avertis semens de l'histoire ne ressortent pas moins de la peinture fidèle des caractères extraordinaires que de la narration exacte des plus mémorables événemens.

Nous avons du nous borner, dans cette note, présenter une idée générale de l'importance des tra vaux exécutés au Simplon, et nous regretterions de n'être pas entré dans de plus grands détails, si le beau Mémoire de M. Ch; Dupin sur la route du Simplon et le plan gravé par M. Tardieu, n'avaient été récemment publiés par M. Panckoucke dans la première livraison de sa Collection des Monumens, des Victoires et Conquêtes des Français. Ceux de nos lecteurs qui désireraient satisfaire à cet égard leur curiosité, trouveront dans ce Mémoire l'historique le plus complet de cette grande entreprise, les noms des savans ingénieurs qui l'ont conduite à sa perfection, la description topographique du terrain, celle des ouvrages d'art par lesquels on a triomphé de l'aspérité des lieux et des causes de dégradation, avec autant de succès qu'en puissent obtenir le génie et les efforts des hommes contre l'action des élémens et du temps.

NOTE TROISIÈME.

CHAPITRE II. Page 85.

Sur l'influence des écrivains dans les matières · politiques.

Nous avons fait remarquer à nos lecteurs, que la virulence des écrits qui furent publiés en France et en Angleterre pendant la paix éphémère conclue å Amiens, avait contribué à amener la rupture entre les deux puissances. Quoique nous ayons parlé de cette guerre de plume comme d'un incident qui aggravá sans doute les griefs réciproquement allégués, mais ne dut point être considéré comme l'une des principales causes de la seconde guerre, il est du moins certain que l'intervention des écrivains de parti empêcha l'ouverture de nouvelles négociations; et ne laissa à M. de Talleyrand aucun moyen de les

renouer.

Tandis que les uns vantaient la politique du gouvernement anglais, justifiaient son manque de foi, et représentaient son obstination à rallumer la guerre en Europe comme le seul espoir d'y conserver les prétendus principes de la société profondément ébranlés par le succès de la révolution, d'autres apolo

gistes, empressés de servir les vues ambitieuses du premier Consul, approuvaient son intolérante fierté, son mépris des formes et des ménagemens qui auraient pu consolider la paix.

Ce qui rendit si funeste à cette époque l'influence de ces publications semi-officielles, c'est que, du côté de la France, rien ne pouvait la tempérer : la liberté de la presse avait péri par ses propres excès; Bonaparte, qui dans sa toute-puissance n'aurait pas dû la détruire, la trouva abattue à ses pieds, et l'y tint enchaînée ; seul, et pour lui seul, il voulut manier cette arme presque toujours nuisible au pouvoir absolu, parce que la force ne saurait produire la conviction; celui qui parle sans contradicteurs, et du même point élevé d'où il commande aux peuples d'obéir, attire rarement leur confiance; au point de civilisation où les sociétés humaines sont parvenues, la loi, c'est-àdire la volonté commune, est le seul modérateur possible; la seule digue contre l'abus

. De l'art ingénieux

De peindre la parole et de parler aux yeux.

Mais la contrainte de l'expression de la pensée dans quelque gouvernement et sous quelque forme qu'on entreprenne de l'établir, est un contre-sens politique; ceux qui, à l'exemple du conquérant moderne, se promettraient des résultats salutaires et durables d'une elle mesure, n'auraient embrassé qu'une chimère,

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