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car si la gloire nationale avait besoin de nous, nous serions inconsolables de n'y pas être 1».

Bonaparte mettait une grande exactitude à instruire le Directoire et la France de ses progrès et de sa situation. Beaucoup de ses courriers et de ses dépêches y parvinrent malgré les croisières ennemies. Ainsi tous les principaux événemens qui s'étaient passés en Égypte, furent publiés par le Directoire. Malgré leur éclat, ils n'excitaient pas tout l'intérêt dont ils étaient dignes. L'attention publique se portait de préférence sur les armées continentales, que la guerre, de nouveau rallumée, faisait rentrer de toutes parts en campagne.

Le brick le Rivoli arriva en France au mois de ventôse. Le Directoire fit publier en ces termes les nouvelles qu'il avait apportées d'Égypte :

<< La fortune continue de seconder le génie et la valeur. Tout ce que Bonaparte entreprend, lui réussit au-delà même de son espérance. L'Égypte Haute et Basse, cette vaste et fertile contrée, est non-seulement toute entière soumise aux armes de la République, mais encore défendue sur tous les points par des fortifications élevées avec la même célérité qui signale nos victoires. Les Grecs, bénissant les libérateurs qui les ont affranchis du joug des Mamlouks, s'enrôlent en foule, et se distinguent sous les drapeaux tricolors'. Les Turcs, forcés de reconnaître la justice d'un gouvernement qui protége, châtie, récompense avec la même

'Lettre du 27 frimaire.

Les Grecs étaient tout au plus 200; les Cophtes, très-nombreux, ne voulaient pas du service militaire; les Druses ne firent rien pour les Français.

impartialité, se montrent amis des vainqueurs. Les Druses, peuples qui habitent le Mont-Liban, sont en guerre ouverte avec Djezzar-Pacha, et n'attendent que les Français pour se joindre à eux. Pour la gloire de nos républicains, quelques misérables essayent encore de leur résister; et ceux-là sont, ou des Arabes accoutumés à vivre de pillages et d'assassinats, ou le reste impuissant des beys tyrans de l'Égypte. C'est parmi ce rebut de l'humanité, que l'Angleterre a cherché et trouvé de dignes alliés.

Notre brillante position en Égypte est le fruit de vingt victoires successives de l'armée qui a repoussé le peu de Mamlouks, qui n'a pas péri, au-dessus des cataractes du Nil, ou dans les rochers de la Syrie, et qui ne nous ont coûté que deux ou trois cents braves. Aussi voit-on là ce que l'on n'a jamais vu ailleurs, une armée dont le nombre a doublé par les combats, dont la santé s'est fortifiée au milieu des fatigues des camps, et dont les armes et l'équipement, en temps de guerre, annoncent l'abondance de la paix.

Cette armée, forte de soixante mille hommes d'infanterie, de dix mille de cavalerie, montés sur des chevaux arabes, et d'une escadre de plusieurs vaisseaux, frégates et chaloupes canonnières, se fait tellement estimer par sa bravoure et sa bonne conduite, des habitans du pays, qu'un des principaux d'entre eux disait, en style oriental, à un général français: Sultan, tu ne devrais

'L'armée comptait alors 20,000 hommes d'infanterie et 2,000 de cavalerie.

pas donner du pain à tes soldats, ils méritent d'étre nourris avec du sucre.

Mais si le héros qui commande cette armée sait la faire aimer des peuples qu'elle a soumis, il ne la rend pas moins redoutable à ceux qui osent se déclarer contre elle. Des malheureux, que l'or de l'Angleterre avait soulevés au Kaire et dans quelques villages, ont fait la triste expérience que le bras tout-puissaut de la République Français, qui élève et soutient ceux qui s'appuient sur lui, écrase ceux sur qui il pèse. »>

La situation de l'armée d'Égypte était assez belle pour n'avoir pas besoin de ces exagérations que n'autorisait point la correspondance du général en chef, dans laquelle, au contraire, la vérité était fidèlement représentée.

Bonaparte écrivit à Tippo-Saïb :

« Vous avez déjà été instruit de mon arrivée sur les bords de la Mer-Rouge, avec une armée innombrable et invincible, remplie du désir de vous délivrer du joug de fer de l'Angleterre. Je m'empresse de vous faire connaître le désir que j'ai, que vous me donniez, par la voie de Mascate et de Mokka, des nouvelles sur la situation politique dans laquelle vous vous trouvez. Je désirerais même que vous pussiez envoyer à Suez ou au grand Kaire, quelque homme adroit qui eût votre confiance, avec lequel je pusse conférer 1. » Il écrivit à l'iman de Mascate:

« Je vous écris cette lettre pour vous faire con

Lettre du 6 pluviôse.

naître ce que vous avez déjà déjà appris sans doute, l'arrivée de l'armée française en Égypte.

Comme vous avez été de tout temps notre ami, vous devez être convaincu du désir que j'ai de protéger tous les bâtimens de votre nation, et que vous les engagiez à venir à Suez, où ils trouveront protection pour leur commerce.

Je vous prie aussi de faire parvenir cette lettre à Tippo-Saïb, par la première occasion qui se trouvera pour les Indes '. »

Il paraît que les frégates de l'Ile-de-France reçurent trop tard les ordres du Directoire; elles ne vinrent donc point dans la Mer-Rouge. D'ailleurs, la déclaration de guerre de la Porte ne permettait plus à Bonaparte d'envoyer des secours à Tippo-Saïb, et les événemens ultérieurs enlevèrent tout moyen de correspondance entre eux.

Aussitôt que l'expédition d'Égypte était sortie de Toulon, le ministère anglais avait envoyé des renforts dans l'Inde, et avait poussé vivement la guerre contre Tippo-Saïb, qui, trahi par ses alliés et par la fortune, battu, repoussé, renfermé dans sa capitale, trois mois après la lettre de Bonaparte, perdit la vie en combattant aux portes de son palais, le 14 floréal an vII (3 mai 1799).

Des trois buts qu'avait eus l'expédition d'Égypte, le troisième, celui d'attaquer la puissance anglaise dans l'Inde, paraissait, sinon manqué, du moins loin de s'accomplir; mais les deux premiers semblaient faciles à remplir; l'établisse

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ment d'une colonie française, et l'ouverture d'un grand débouché à son commerce.

En vain les Anglais et les ennemis de la France affectaient alors de tourner en ridicule l'expédition d'Égypte, et de prédire avec un air d'assurance la ruine de l'armée française. Des aveux un peu plus tardifs ont révélé les terreurs dont fut agité le cabinet britannique. M. Dundas dit, dans la séance du 8 juillet 1800, à la chambre des communes : « Lorsque les Français envahirent l'Égypte, l'effroi fut général; l'Europe et l'Orient tremblèrent; nos possessions dans l'Inde ne couraient pas moins de dangers que l'empire Ottoman 1». Bonaparte écrivit au sultan de la Mekke:

« J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite, et j'en ai compris le contenu. Je vous envoie le réglement que j'ai fait pour la douane de Suez, et mon intention est de le faire exécuter ponctuellement. Je ne doute pas que les négocians de l'Hedjas ne voient avec gratitude la diminution des

droits que j'ai faite pour le plus grand avantage

,

du commerce et vous pouvez les assurer qu'ils jouiront ici de la plus ample protection.

Toutes les fois que vous aurez besoin de quelque chose en Égypte, vous n'avez qu'à me le faire savoir, et je me ferai un plaisir de vous donner des marques de mon estime . »

A leur arrivée en Égypte, les Français avaient été frappés d'un grand étonnement, en trouvant le peuple privé des choses utiles ou agréables à la

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