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accompagnaient la récolte, à peu près comme si l'on prenait pour le culte des raisins ou des blés, les fêtes champêtres qui ont lieu en France, aux vendanges et aux moissons.

Les jours employés à tirer les ognons de la terre étaient encore, lors de l'expédition des Français, regardés comme des fêtes dans quelques parties de l'Égypte, telle que Rahmanieh. Son territoire était le seul de la province de Bahyreh, et même des provinces environnantes, où la culture de l'ognon fût étendue ; et ils jouissaient d'une si grande réputation, qu'à la Mekke les marchands de légumes prétendaient vendre des ognons de Rahmanieh. C'était vers le commencement de juin que les cultivateurs en faisaient la récolte; elle durait cinq jours, et c'étaient cinq jours de fête. Les habitans des villages environnans arrivaient en grand nombre au lieu du travail : les uns venaient y faire des provisions, d'autres y apportaient quelques marchandises et principalement des gâteaux, des dattes sèches et du chorbeh.

La secte des psylles remonte, dans l'Égypte, à la plus haute antiquité. On en introduisit un jour chez le général en chef. On leur fit plusieurs questions relativement aux mystères de leur secte, et à la relation qu'elle avait avec les serpens auxquels ils paraissent commander. Ils montraient plus d'audace que d'intelligence dans leurs réponses. On en vint à l'expérience. « Pouvezvous connaître, leur dit le général, s'il y a des serpens dans ce palais ? dans ce palais? et, s'il y en a, pouvez

vous les obliger à sortir de leur trou? » Ils répondirent affirmativement à ces deux questions. On les mit à l'épreuve; ils se répandirent dans les appartemens; un moment après, ils déclarèrent qu'il y avait un serpent. Ils recommencèrent leurs recherches pour découvrir où il était, prirent quelques convulsions en passant devant une jarre, placée à l'angle d'une des salles du palais, et indiquèrent que l'animal était là ; l'animal était là; effectivement on l'y trouva. Ce fut un vrai tour de Comus ; on se regarda, et on convint qu'ils étaient fort adroits '.

Le général en chef ayant résolu de se rendre à Suez, partit du Kaire le 4 nivôse (24 décembre). Les généraux Berthier, Dommartin et Caffarelli, le contre-amiral Gantheaume, le commissaire-ordonnateur d'Aure, Monge, Berthollet, Dutertre, Descotils, Costaz et l'ingénieur Lepère l'accompar gnèrent. Plusieurs négocians, que des intérêts de commerce appelaient à Suez, profitèrent de cette occasion favorable pour s'y rendre.

On passa la nuit du 4 au 5 nivôse auprès du Berket-el-Haggi (lac des pèlerins), où se trouvait un poste fortifié, occupé par les Français.

Le 5 au soir, la caravane s'arrêta auprès de l'arbre de Djamaat qu'on aperçoit seul et plusieurs heures avant d'y arriver, au milieu d'une plaine couverte de cailloux. Le chemin de ce désert était tracé sans interruption par des ossemens d'hommes et d'animaux de toute espèce qui y

Denon, tome 1, page 109.

avaient péri à défaut de vivres ou d'eau. Cette plaine est le point le plus élevé de la route qui conduit du Kaire à la Mer-Rouge, et le froid y était si vif qu'en reposant on était bientôt engourdi et gelé. Il fallait se promener ou s'agiter sans cesse; cette localité ne présentait guère de moyens pour allumer du feu, car on se fit un devoir de respecter l'arbre de Djamaat. C'était un if sous lequel Bonaparte dressa sa tente, pour en écarter ceux que la tentation aurait portés à mutiler ce bel arbre, point de repos agréable aux voyageurs, dans cette contrée stérile. On parvint cependant à allumer quelques feux avec des osse

mens.

On quitta l'if de Djamaat le 6 nivôse, à trois heures du matin. Bonaparte qui, pendant la journée de la veille, avait réglé sa marche sur celle de la caravane, s'en détacha avec sa suite, résolu d'arriver à Suez dans la journée même. Le gros de la caravane coucha auprès du puits d'Ageroud, près duquel se trouve aussi un château fortifié. Ce puits, profond de 50 à 60 brasses, fournit une eau salée que les hommes ne peuvent boire, mais qui est bonne pour les chameaux et les chevaux arabes. Une enceinte flanquée de deux tours est construite autour des sources; non loin de là aussi est le château qui tombe en ruines. Ce sont des constructions arabes qui avaient eu pour objet d'assurer la jouissance du puits dont les eaux servent à abreuver les bestiaux de la caravane de la Mekke. Un mois ou deux avant le passage des pélerins on y envoyait des chameaux

pour tourner une roue à chapelet, qui élevait. l'eau du puits et la versait dans des rigoles, d'où elle se rendait dans trois réservoirs spacieux en maçonnerie et enduits d'un ciment imperméable. Ces constructions faites dans le désert, loin de toutes les ressources, ont une certaine grandeur. Le général en chef ordonna de faire au mécanisme du puits toutes les réparations nécessaires pour le mettre en état de servir.

D'Ageroud à Suez il y a environ cinq heures de marche; une heure avant d'arriver, on trouve le Byr-Suez (puits de Suez), dont les eaux sont un peu moins salées que celles d'Ageroud.

Le 7 nivôse, des capitaines venus de l'Hedjas et de l'Yémen, en rade à Suez, furent présentés au général en chef. L'un d'eux, venu de Mascate, confirma la nouvelle des prises faites sur les Anglais, par les croisières de l'Ile-de-France, et apprit que les dispositions de l'iman de Mascate étaient favorables aux Français. Six frégates françaises, commandées par le contre-miral Sercey, avaient fait pour plus de 20,000,000 de prises aux Anglais.

Bonaparte entendit tous ces capitaines, leur fit connaître que l'intention de la République était que les négocians et les navigateurs fussent protégés de toutes les manières, et les congédia après avoir donné en leur présence un ordre pour modérer les droits de douanes sur les cafés. Parceval de Grandmaison, membre de l'Institut, était directeur des douanes à Suez, et la légion maltaise en formait la garnison.

TOME II.

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GUERRE D'ÉGYPTE.

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Un capitaine, venant d'Yambo, arriva en rade par un gros temps et échoua au point qu'on ne voyait plus que les mâtures de son bâtiment. Il se crut ruiné et ne fit rien pour réparer ce malheur. Les Français parvinrent à mettre à flot son navire, et à sauver une partie de la cargaison. Le tout lui fut restitué gratuitement, à sa grande surprise, car il ne pouvait concevoir un tel désintéressement.

Après avoir ordonné la reconnaissance du port, des côtes et de la navigation du golfe, pour la défense de Suez, et avoir fait des dispositions pour modérer les droits excessifs imposés sur le commerce faciliter les importations et les exportations, et pour rétablir des relations utiles avec les Arabes des tribus voisines, Bonaparte voulut passer en Asie, visiter les sources de Moïse, situées à trois lieues sud-est de Suez, dans l'Arabie-Pétrée, et reconnaître la rive orientale de la Mer-Rouge, du côté des montagnes de Tor. Il fallait faire une route de sept à huit lieues en contournant le fond du golfe. Bonaparte, accompagné d'une suite et d'un détachement de cavalerie, traversa la mer à gué, vis-à-vis un monticule de ruines, que d'Anville prétend être l'emplacement d'Arsinoë. Les autres personnes, faisant partie de cette expédition, s'embarquèrent.

Protégé dans sa marche par un banc de sable et de roche, et guidé par des Arabes montés sur des dromadaires, Bonaparte arriva sans accident sur l'autre rive, distante d'environ cinq quarts de lieue. Cependant les chevaux avaient de

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