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On ne suivra point ces variations ni les quatre routes bien distinctes par lesquelles on communiquait avec l'Inde. Nous nous occuperons seulement de celle qui passait par le golfe Arabique et l'Égypte. Elle avait trois directions. L'une traversait l'isthme et se rendait d'Aïlath à Rhinocolure', l'autre passait de la côte Arabique au Nil, et existe encore de Cosseïr à Qéné; enfin la troisième, et c'est la plus courte, allait du fond du golfe Arabique au bord du Nil. La distance directe de Suez au Kaire n'est pas de 30 petites lieues c'est cette étendue que les anciens eurent naturellement le projet de traverser par eau, en y creusant un canal; c'est celle que suivent de préférence les caravanes qui vont chercher les marchandises à la Mekke ou à Suez pour les déposer au Kaire.

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Jusqu'à l'an 622 de notre ère, on n'a sur la navigation du canal aucun fait bien positif ou qui n'ait été le sujet d'une grande controverse, mais les détails historiques et circonstanciés qu'on trouve dans Maqrizy et dans El-Makya, doivent enfin lever tous les doutes sur son existence et sa durée. On voit dans ces auteurs arabes qu'un canal antérieurement dérivé du Nil à Fostat, et aboutissant dans le canal des Rois, que le calife Omar venait de recreuser, portait dans la Mer-Rouge; ce canal aurait été navigable pendant plus d'un siècle. Le canal déjà fort encombré par l'insouciance des gouverneurs arabes, plus disposés peut-être

'Pirozónoupa, El-A'rych.

alors à favoriser l'Égypte que la Mekke, parce qu'il n'était destiné qu'à exporter les denrées du pays au détriment des Égyptiens, comme faisaient les beys à l'égard de Constantinople, fut enfin fermé du côté de la mer par l'ordre du calife Abou-Cafar-el-Mansour, dans l'intention de couper les vivres à un rebelle de la Mekke qui voulait s'ériger en souverain de cette ville. Depuis plus de mille ans, le canal resta dans l'oubli.

La découverte du cap de Bonne-Espérance ouvrit également à toutes les nations une nouvelle voie pour le commerce de l'Inde, une voie où il n'avait plus à lutter contre les caprices, les méfiances et les avanies des peuples mahométans. Cependant dans les xvi. et xvII. siècles, les Turcs eurent la pensée de rétablir le canal de Suez; mais ils n'y donnèrent aucune suite.

Avant la guerre, le commerce de l'Inde par l'Égypte se soutenait encore à côté de celui qui se fait par l'Atlantique. La ville du Kaire traitait pour environ 150 millions d'affaires, et la plus grande partie de ce commerce consistait en objets apportés de Suez et de Gedda, et en argent ou marchandises d'Europe pour en faire l'échange.

Le but principal de l'expédition d'Égypte, annoncé par le Directoire, étant de nuire au commerce de l'Angleterre et d'attaquer sa puissance jusque dans l'inde, Bonaparte porta ses premiers regards vers Suez et sur l'ancienne communication des deux mers. Il fallait avant tout s'emparer de l'isthme. Le désert qui sépare la Mer-Rouge du Kaire était habité par des tribus d'Arabes assez

nombreuses, qui y exerçaient une souveraineté absolue, puisque la caravane de la Mekke était obligée de leur payer un droit de passage. Une expédition fut ordonnée pour occuper la ville de Suez; le général Bon en fut chargé.

Il partit du Kaire le 13 frimaire avec un petit corps de troupes, l'enseigne de vaisseau Collot pour être commandant d'armes du port, dix matelots, un moallem destiné aux fonctions d'inspecteur des douanes et huit ou dix de ses gens. Des officiers de l'artillerie et du génie devaient bientôt suivre pour y commander ces deux armes. La première opération, recommandée au général Bon, était de faire remplir toutes les citernes, et de conclure un accord avec les Arabes de Tor pour qu'ils continuassent à fournir toute l'eau existant dans les citernes en réserve. Il lui était ensuite ordonné de retrancher Suez en entier ou en partie, de manière à être à l'abri des attaques des Arabes, et d'avoir une batterie de gros canons qui battît la mer. Si avec deux pièces qu'il emmenait et celles qu'il trouverait dans la place, il n'en avait pas assez, on lui en enverrait d'autres. Il devait vivre dans la meilleure intelligence avec les patrons des bâtimens venant de Yambo et de Gedda, et leur écrire pour les assurer qu'ils pouvaient en toute sûreté continuer leur commerce, et qu'ils seraient spécialement protégés; se procurer parmi les bâtimens qui venaient à Suez une ou deux des meilleures felouques et les faire armer en guerre; envoyer, 24 heures après son arrivée, par des Arabes et en

duplicata, un mémoire sur sa situation militaire, celle des citernes, du pays et le nombre de bâtimens; expédier tous les jours un exprès arabe avec promesse d'être bien payé au Kaire quand il y apporterait les lettres; donner toutes les nouvelles qu'il pourrait recueillir sur la Syrie, Gedda et la Mekke. L'intention du général en chef était que le général Bon restât à Suez assez de temps pour fortifier cette place, de manière à ce que la compagnie des janissaires, commandée par Omar, les marins et les canonniers, pussent la défendre contre les Arabes, et si ces forces n'étaient pas suffisantes, le général en chef se proposait de les renforcer avec quelques troupes grecques'.

Eugène Beauharnais faisait partie de cette expédition. Plein d'une sollicitude paternelle pour ce jeune homme, Bonaparte lui écrivit : « J'ai vu avec plaisir par votre lettre que vous étiez entré à Suez à la tête de l'avant-garde. Marchez toujours avec l'infanterie; ne vous fiez point aux Arabes, et couchez sous la tente. Écrivez-moi par toutes les occasions. Je vous aime ».

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Des convois, expédiés sur les traces du général Bon, lui conduisirent du riz, du biscuit, de l'eaude-vie, de l'avoine pour les chevaux, des matelots, des outils, des sapeurs, des ouvriers de toute espèce et l'adjudant-général Valentin. Bonaparte, lui recommandant de renvoyer au Kaire les chameaux qui portaient tous ces objets, lui écrivit :

'Lettre de Bonaparte, du 11 frimaire.

'Lettre du 21.

« Ayez soin surtout que les chameaux des Arabes soient parfaitement libres : il faut faire ce que veulent ces gens-là. Laissez passer les lettres pour Gedda sans les décacheter; laissez aller et venir 'chacun librement. Le commerce est souvent fondé sur l'imagination. La moindre chose est un monstre pour ces gens-ci qui ne connaissent pas nos mœurs. Si vos rhumatismes, au lieu de se guérir, continuaient à empirer, vous laisseriez le commandement à l'adjudant-général Valentin, et vous reviendriez au Kaire. J'ai ordonné au kiaya des Arabes de me faire venir deux bouteilles d'eau de la source chaude qui se trouve à deux journées de Suez, sur la côte de la Mer-Rouge *».

yeux

« J'ai reçu votre lettre avec le croquis que vous m'avez envoyé, écrivit Bonaparte à Eugène Beauharnais; il est très-bien fait. Par le numéro de votre dernière lettre, j'ai vu que j'avais reçu les trois autres. Ayez-soin de ne pas coucher à l'air, ni les découverts. Je vous embrasse.» Un guerrier entreprenant, Tippo-Saïb, roi de Mysore, faisait alors trembler les Anglais dans l'Inde. Le Directoire avait ordonné au contre-amiral Sercey, commandant la division de frégates stationnée à l'Ile-de-France, d'aller croiser à l'entrée de la Mer-Rouge. Bonaparte espérait que cette escadre s'avancerait jusqu'au fond du golfe Arabique, et il l'attendait à Suez. Il écrivit au général Bon : « Il serait nécessaire que vous fissiez

'Lettres des 23, 25 et 28 frimaire.

'Lettre du 26.

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