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ses petits canons, et, prenant les devans à l'aide de ses rameurs, précéda de quelques minutes les deux frégates qui entrèrent à pleines voiles dans le port. Les bastions de la citadelle tirèrent spontanément le canon en signe de réjouissance.

Au bruit de cette canonnade inattendue, les habitans d'Ajaccio se portèrent en foule sur le port. A peine les frégates eurent-elles jeté l'ancre, qu'elles furent entourées d'embarcations. L'air retentit des cris de vive Bonaparte! Les autorités vinrent à la poupe du Muiron, et firent, ainsi que tous les citoyens, éclater leur joie en reconnaissant le général. Un orateur lui fit le récit succinct de tous les événemens politiques et militaires qui s'étaient passés pendant son absence.

Bonaparte apprit ainsi la suite des revers des armées en Italie, la reddition de Mantoue, les batailles de Novi, de la Trebbia, la descente des Anglo-Russes en Batavie, et la révolution directoriale du 30 prairial.

Les citoyens voulurent passer de leurs embarcations à bord des frégates. On leur opposa en vain les lois sanitaires : « Il n'y a pas de quarantaine pour Bonaparte, pour le sauveur de la France!» s'écrièrent-ils. La municipalité ellemême joignit ses instances à celles des habitans, pour décider le général à se rendre à terre. Il ne se fit pas prier longtemps; il débarqua, et fut conduit au milieu des acclamations et de l'ivresse générale dans sa maison paternelle.

Les troupes étaient sous les armes; elles n'a

vaient ni vêtement ni chaussure. Bonaparte demanda où en était la caisse; elle n'avait rien reçu depuis sept mois. Le payeur était en avance. Il s'était obligé pour 4,000 francs qu'il avait répartis entre les corps, afin d'assurer la subsistance et d'apaiser les aubergistes, qui refusaient la table aux officiers. Bonaparte fut indigné de cet abandon. Il remit tout ce qu'il avait de disponible, et fit aligner la solde. Il ne voulut pas que l'uniforme excitât la pitié. Le soir, il y eut bal, illumination. Le pauvre le disputait au riche.

Il trouva son pays en proie à des divisions; la municipalité et l'administration départementale s'accusaient réciproquement; les prisons étaient pleines, les partis en présence. Le public perdait patience. Bonaparte intervint comme médiateur dans ces discussions; les prisons furent ouvertes, la paix et la confiance rétablies.

Les vents soufflaient toujours du nord-ouest, et retinrent les frégates dans le port d'Ajaccio depuis leg vendémiaire jusqu'au 15. Dans cet intervalle, elles essayèrent une fois d'en sortir; mais les vents les forcèrent à rentrer. Quoiqué Bonaparte eût fait suivre les frégates par deux avisos, la Revanche et l'Indépendant, pour plus de sûreté il fit préparer à Ajaccio une gondole avec 14 rameurs choisis, qui fut amarinée au Muiron, afin d'échapper plus facilement à l'ennemi sur un des trois bâtimens, si on le rencontrait.

Enfin le 15, à sept heures du soir, on mit à la voile, et le 16, au soir, on aperçut les côtes de

France. Au moment où le soleil se couchait, la vigie découvrit une voile. L'adjudant du contreamiral Gantheaume monta sur le grand mât, et aperçut huit à dix voiles qu'il assura être des vaisseaux de ligne anglais. Un morne silence succéda subitement aux bruyans éclats de joie par lesquels on venait de saluer les rivages de la patrie. Le contre-amiral Gantheaume, pensant que les frégates avaient été vues, crut devoir engager Bonaparte à s'embarquer sur la gondole pour gagner la côte la plus voisine, ou retourner en Corse.

Non, non! s'écria-t-il, cette manœuvre nous conduirait en Angleterre, et je veux arriver en France. Lorsque nous aurons échangé quelques boulets avec les Anglais, et perdu tout espoir de sauver nos frégates, nous verrons '.

On se borna donc à changer de direction. Le contre-amiral ordonna le branle-bas général, et mit le cap au nord, nord-ouest. Le canon des Anglais, pour les signaux de nuit, indiquant qu'ils prenaient la bordée du large, donna la conviction qué les frégates n'avaient pas été aperçues. A minuit, elles touchaient les côtes de France; mais la grande obscurité de la nuit empêchait de voir où l'on était. On mit en panne pour attendre le jour : il parut, et fit distinguer le cap Taillat, entre les

On a vu longtemps dans la maison de l'amiral Gantheaume, à Aubagne, un dessin représentant la petite flottille qui avait ramené Bonaparte d'Égypte. Au ciel, en avant du Muiron, brillait un corps lumineux, et au bas on lisait : Nous gouvernions sur son étoile!

îles d'Hières et Fréjus. Il fut décidé d'entrer dans ce port. Le 17 vendémiaire, à dix heures du matin, on y jeta l'ancre, et, à midi, Bonaparte toucha le sol de la France, le 47°. jour de son départ d'Alexandrie, échappant aux vaisseaux anglais qui couvraient la Méditerranée.

Nota. La suite de la campagne d'Égypte sous le généralat de Kléber et de Menou, jusqu'au retour de l'armée d'0rient en France, prendra place dans l'Histoire générale, à l'époque du consulat.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

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