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postérité, j'abandonne l'Égypte avec le plus grand regret. L'intérêt de la patrie, sa gloire, l'obéissance, les événemens extraordinaires qui viennent de se passer, me décident à traverser les escadres ennemies pour me rendre en Europe. Je serai d'esprit et de coeur avec vous; vos succès me seront aussi chers, que ceux où je me trouverai en personne, et je regarderai comme mal employés tous les jours de ma vie où je ne ferai pas quelque chose pour l'armée dont je vous laisse le commandement, et pour consolider le magnifique établissement dont les fondemens viennent d'être jetés.

L'armée que je vous confie est toute composée de mes enfans. J'ai eu dans tous les temps, même au milieu de leurs plus grandes peines, des marques de leur attachement. Entretenez-les dans ces sentimens; vous le devez à l'estime et à l'amitié que j'ai pour vous, et à l'attachement que je leur

porte. >>

Soldats! dit Bonaparte dans ses adieux à l'armée, les nouvelles d'Europe m'ont décidé à partir pour la France; je laisse le commandement de l'armée au général Kléber. L'armée aura bientôt de mes nouvelles; je ne puis pas en dire davantage. Il me coûte de quitter des soldats auxquels je suis si attaché; mais ce ne sera que momentanément, et le général que je leur laisse a la confiance du gouvernement et la mienne. »

Il écrivit au divan du Kaire :

« Ayant été instruit que mon escadre était prête, et qu'une armée formidable était embar

quée dessus, convaincu, comme je vous l'ai dit plusieurs fois, que, tant que je ne frapperai pas un coup qui écrase à la fois tous mes ennemis, je ne pourrai jouir tranquillement et paisiblement de la possession de l'Égypte, la plus belle partie du monde ; j'ai pris le parti d'aller moi-même me mettre à la tête de mon escadre, en laissant le commandement, pendant mon absence, au général Kléber, homme d'un mérite distingué et auquel j'ai recommandé d'avoir pour les ulemas et les cheyks la même amitié que moi. Faites ce qui. vous sera possible pour que le peuple de l'Égypte ait en lui la même confiance qu'en moi, et qu'à mon retour, qui sera dans deux ou trois mois, je sois content du peuple de l'Égypte, et que je n'aie que des louanges et des récompenses à donner aux cheyks. >>

Le général en chef donna l'ordre au général Menou de se rendre de suite à Alexandrie pour prendre le commandement de cette place, de Rosette et du Balıyreh; d'envoyer à Kléber, par une occasion très-sûre, la dépêche qui lui conférait le commandement en chef, et de n'expédier ses lettres pour le Kaire que 48 heures après que les frégates auraient disparu.

Bonaparte resta une heure au puits de Beïdah, remonta à cheval, et, au lieu de se diriger sur Alexandrie, prit brusquement à droite, pour ga gner au plus près le bord de la mer qu'il atteignit après deux heures de marche. Lorsqu'il fut arrivé sur la plage, on aperçut distinctement une voile à environ trois lieues au large; elle causa

quelque inquiétude. On craignait que ce ne fût Sidney Smith qui revenait prendre sa situation de blocus.

Le rendez-vous assigné par Bonaparte au général Menou et au contre-amiral Gantheaume était à la première citerne que l'on rencontre en allant d'Alexandrie à Abouqyr, et qui est à une lieue de ce fort. Il ordonna à son aide-de-camp Merlin de s'y transporter, afin de guider ces deux généraux vers l'endroit où il s'était arrêté pour les attendre. Merlin partit escorté d'un homme à cheval et trouva Menou et Gantheaume à l'endroit qui lui avait été indiqué. Gantheaume prit l'alarme lorsque Merlin lui parla du bâtiment qu'on avait aperçu; il monta sur une dune de sable pour le reconnaître, et se convainquit bientôt qu'il courait sa bordée vers l'île de Chypre, ce qui lui fit présumer qu'il avait été envoyé pour reconnaître ce qui se passait dans le port d'Alexandrie. Il se rendit auprès du général en chef, lui fit part de ses craintes et l'engagea à ne pas perdre un instant pour s'embarquer. «Bon, répondit Bonaparte, ne craignez rien, la fortune ne nous trahira pas; nous arriverons en dépit des Anglais. »

L'endroit où Bonaparte avait joint le bord de la mer et avait fait halte était éloigné d'une petite lieue d'Alexandrie. Depuis ce point jusqu'à la ville, la côte est bordée de dunes peu élevées, qui empêchent cependant d'apercevoir la mer. Une demi-heure avant le coucher du soleil, il se mit à cheminer le long du rivage, et, couvert du

côté de la terre par ces dunes, il se dirigea vers le Pharillon, situé à la pointe orientale du port neuf, à une portée de canon de la ville, d'où on ne pouvait être aperçu. La nuit était close et fort obscure lorsqu'on arriva au Pharillon, et les chaloupes des frégates qui devaient s'y trouver pour recevoir Bonaparte et sa suite n'étaient pas encore au rivage.

Le général Menou envoya un de ses aides-decamp en ville chercher des hommes pour recueillir les chevaux de Bonaparte, de sa suite, et ceux de ses guides, confiés en attendant à quelques palfreniers.

On était depuis une demi-heure sur le rivage, les chaloupes des frégates n'arrivaient pas, et, au risque de donner l'éveil à la ville d'Alexandrie, on fut obligé de brûler des amorces, pour les avertir de l'arrivée de Bonaparte, et leur indiquer l'endroit où il les attendait : elles répondirent enfin à ce signal; elles arrivèrent. Le général en chef dit à Menou en le quittant: « Mon cher, vous autres tenez-vous bien ici! Si j'ai le bonheur de mettre le pied en France, le règne du bavardage est fini». Il monta sur sa chaloupe; les autres per sonnes de sa suite, sans distinction de rangs ni de grades, s'empressèrent de s'embarquer, et se mirent pour cela dans l'eau jusqu'aux genoux entraînés par leur impatience, par la crainte de ne pas y trouver place, et d'être laissés en arrière.

'Las Cases, tome vi, page 23.

Le général Menou partit pour Alexandrie, afin d'envoyer de suite à bord des frégates les généraux Marmont, Lannes et Murat ainsi que Denon.

Les frégates le Muiron et le Carrère, destinées à transporter le général Bonaparte, son état-major et les officiers-généraux qu'il emmenait avec lui, étaient mouillées au dehors de la passe du port neuf, à demi-portée de canon du Pharillon. On arriva à neuf heures du soir à bord du Muiron, destiné au général en chef. Il faisait calme plat, et on se mit aussitôt à table, en faisant des voeux pour qu'un vent favorable mît promptement en état d'appareiller; on regardait comme important de pouvoir, avant le jour, se trouver hors de vue de terre, tant par la crainte de la croisière anglaise qui pouvait reparaître d'un moment à l'autre, qu'à cause de la garnison d'Alexandrie dont on craignait le mécontentement, lorsqu'elle apprendrait l'embarquement de Bonaparte.

Sur le Carrère étaient embarqués le chef de division Dumanoir, les généraux Lannes, Murat et Marmont; sur le Muiron, Bonaparte, Bourienné, l'aide-de-camp Lavalette, le contre-amiral Gantheaume, les généraux Berthier et Andréossy, les savans Monge et Berthollet '.

Trois petits bâtimens, la pinque la Revanche, et les deux avisos, l'Indépendant et la Foudre,

Au moment où on allait mettre à la voile, un bateau arriva aux frégates; il portait Parceval, littérateur, membre de l'institut du Kaire, qui insista vivement pour être embarqué. Aux sollicitations de Monge et Berthollet, Bonaparte le fit recevoir à bord du Carrère.

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