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de la situation des choses et le pressaient de revenir.

A cette époque si funeste aux armes de la République et si féconde en divisions parmi les premières autorités de l'État, un parti, portant ses vues au-delà des affaires militaires, songea sérieusement à une réforme dans la constitution. Une des bases principales de cette réforme était de renforcer le pouvoir exécutif et de le concentrer dans les mains d'un seul homme. On regardait Sieyes comme le chef de ce parti, parce qu'après avoir refusé, en l'an Iv, les fonctions de directeur, par le seul motif qu'il ne s'y croyait nullement propre, il venait cependant de les accepter en l'an vII. Les journaux le signalaient ouvertement pour être revenu de son ambassade à Berlin avec des projets tout faits, et même concertés avec les puissances. Il n'était pas nécessaire de nécessaire de supposer de semblables combinaisons pour persuader qu'un personnage tel que Sieyes, frappé des malheurs de sa patrie, cherchât à y mettre un terme par une nouvelle organisation politique. Parmi les principaux de ce parti, on remarquait Lucien Bonaparte. On y était d'accord sur la nécessité d'une réforme, et sur celle de mettre à la tête du gouvernement un militaire capable de résister aux nombreux ennemis de la République sur les champs de bataille ainsi qu'au conseil. On n'était pas unanime sur le choix de l'homme, ni sur le moment d'opérer. Parmi les généraux, Bonaparte, Kléber se présentaient au premier rang; mais ils étaient en Égypte. Parmi ceux qui étaient en,

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France, on pensait à Joubert, à Moreau, quelques-uns à Bernadotte. Joubert réunissait le plus de suffrages. On espérait qu'à la tête de l'armée d'Italie, ce candidat au pouvoir se recommanderait par une grande victoire, lorsque la mort le mit hors de rang. Moreau ne s'était pas relevé dans l'opinion des patriotes des soupçons qu'avait fait planer sur lui sa conduite équivoque dans la trahison de Pichegru. Bernadotte, par l'exagération de son républicanisme et ses liaisons avec les jacobins, s'était discrédité auprès des hommes qui méditaient une réforme. La grande renommée de Bonaparte était intacte. On ne peut pas douter que ses frères et ses partisans n'eussent fait tous feurs efforts pour l'instruire de l'état des choses en France et l'engager de se rendre à leurs vœux.

Dans la guerre qui précéda et suivit la révolution directoriale du 30 prairial, le Corps législatif reprocha au Directoire la perte de l'Italie, et la déportation de Bonaparte en Égypte avec l'élite de l'armée. Les directeurs se déchargeaient sur le général absent de la responsabilité de cette entreprise. Dans une réunion de représentans, où les défenseurs du Directoire s'étaient exprimés d'une manière équivoque sur Bonaparte, son frère Joseph, renonçant à sa réserve naturelle, prit la parole: suivant lui, on abandonnait l'armée d'Orient et son général; on les vouait à une perte certaine ; c'était le comble de l'ingratitude et trahir la pas trie, qui avait le plus grand besoin de tous ses défenseurs. On assure que le Directoire, et Sieyes alors en était membre, se décida de nouveau à

écrire à Bonaparte pour l'inviter à revenir. Quoi qu'il en soit, Joseph, et nous en avons son témoignage, persuadé au contraire que son frère n'avait plus rien à espérer du Directoire, lui envoya un Grec nommé Bourbacki, avec des dépêches, pour lui faire connaître la véritable situation des choses. Bourbacki reçut de Joseph une lettre en triplicata; il en cacha une copie dans la semelle de ses bottes, une autre dans une canne creuse, et la troisième enfin, dans ses cheveux, sous sou ruban de queue. Il paraît que les agens du Directoire firent tout ce qu'ils purent pour empêcher son départ et lui enlever ses dépêches; que, trahi par les ouvriers qu'il avait employés, il ne put conserver que la copie qu'il avait cachée sous son ruban de queue. Il parvint cependant à s'enbarquer sur un bâtiment de sa nation, à traverser les flottes turques et anglaises et aborda à Alexandrie. A quelle époque arriva-t-il en Égypte et où remit-il ses dépêches à Bonaparte? c'est ce qu'on n'a pu savoir par son frère, le colonel Bourbacki, de qui on tient ces détails. Quoi qu'il en soit, il paraît qu'à leur réception, Bonaparte voulait déjà retourner en France et se servir.du navire qui avait amené Bourbacki; mais il renonça à ce projet sur l'observation que ce navire pourrait difficilement tenir la mer et échapper à la poursuite des Turcs et des Anglais. En effet, Bourbacki s'étant rembarqué, fut pris par les Turcs, réduit en esclavage, et ne recouvra sa liberté qu'à la paix avec la Porte. Miot dit avoir une idée confuse d'avoir entendu parler au Kaire d'un voyage mysté

rieux de ce Grec qui décida Bonaparte à quitter l'Égypte.

Dans sa lettre du 22 pluviôse au Directoire, déjà citée, Bonaparte, en annonçant l'arrivée de Hamelin et Livron, ajoutait : « Je ne me permets aucune réflexion sur les affaires de la République, puisque je n'ai eu aucune nouvelle depuis dix

mois ».

Le 10 messidor, il écrivait encore au Directoire : « Je n'ai point reçu de lettres de France » depuis l'arrivée de Moureau, qui m'a apporté » les nouvelles du 5 nivôse et de Belleville, du » 20 pluviôse. J'espère que nous ne tarderons pas » à en recevoir : nos sollicitudes sont toutes en » France. Si les rois l'attaquaient, vous trouve>> riez dans vos bonnes frontières, dans le génie » guerrier de la nation et de vos généraux, des » moyens pour leur rendre leur audace funeste. » Le plus beau jour pour nous sera celui où nous » apprendrons la formation d'une République en » Allemagne ».

Que penser de l'assertion d'un écrivain qui fait arriver à Abouqyr, le 8 ventôse, un courrier parti de Gênes le 25 pluviôse, apportant au Kaire et ensuite à Acre, où se trouvait alors Bonaparte, des journaux et des lettres qui apprenaient que l'Italie était envahie, qui attristèrent l'armée, et qui decidèrent le général en chef à partir1?

La défaite de Schérer, sous les murs de Vérone, n'eut lieu qu'un mois après, du 5 au 10 germinal.

'Martin, tome 1, page 337.

Le courrier parti de Gènes était celui de Belleville dont Bonaparte parlait au Directoire dans sa lettre du 10 messidor, d'où il résulte qu'il ignorait encore à cette époque que la guerre fût même recommencée.

Il faut conclure de tous ces faits, que Bonaparte était autorisé par ses instructions à revenir en France quand il le jugerait à propos; que le Directoire l'y autorisa de nouveau d'une manière spéciale; que ses partisans, et notamment ses frères, lui écrivirent pour l'instruire de l'état des choses en France et en Europe.

Qu'il eût reçu ou non ces autorisations et ces avertissemens, c'est sur la plage d'Abouqyr, sur les ruines fumantes du fort qu'il prend une résolution qui doit décider des destinées du peuple français, des affaires de l'Europe et de l'avenir de Bonaparte, c'est là qu'a lieu une communication de la plus haute importance qui le détermine à quitter l'Égypte.

Le 15 thermidor au matin, Bonaparte ayant reçu à Alexandrie l'avis que le fort d'Abouqyr capitulait, expédia aussitôt son aide-de-camp Merlin auprès du général Menou, pour prendre une connaissance exacte et détaillée de la situation de la place au moment de sa reddition, et de l'état de la garnison prisonnière. Après avoir rempli sa mission dans le fort, Merlin se rendit sous la tente du général Menou, et y trouva un parlementaire de Sidney Smith qui venait d'y arriver, sous prétexte de traiter de l'échange des prisonniers. Après avoir exposé l'objet de sa mis

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