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Bonaparte se prépare à passer en France.-Motifs qui l'y déterminent et but qu'il se propose. — Il quitte le Kaire et se rend à Alexandrie-Il donne le commandement de l'armée à Kléber et lui laisse ses instructions.-Bonaparte s'embarque à Alexandrie. Sa traversée. Il atteint les côtes de France.

Bonaparte est sur le point de quitter l'Égypte. Isolé de la France, sans marine, sans moyen de recrutement, sans argent, sans ressources, il prévoit le moment très-prochain où son armée, affaiblie par les combats, par les maladies, en proie à tous les besoins, assaillie par l'Europe, l'Afrique et l'Asie, sera forcée d'abandonner sa conquête, trop heureuse si par une honteuse capitulation, il en échappe quelques débris aux ravages de la peste et aux armes des barbares. C'est poursuivi par cette triste perspective que Bonaparte déserte son armée, l'abandonne à son mauvais sort, prend la fuite, et traverse les mers pour venir en France réparer sa fortune.

Voilà du moins l'opinion qui, sur la foi de quelques voix hostiles, s'est le plus généralement répandue.

Il n'est point de circonstance de la vie de Bonaparte qui ait donné lieu à plus de conjectures, de suppositions, de romans; portons-y la lumière et cherchons la vérité.

Empruntant d'abord les expressions même d'un des écrivains les plus passionnés contre Bonaparte, nous dirons : « Sans doute il est un genre d'exaltation désintéressée qui n'aurait pas permis à un guerrier de se séparer ainsi de ceux qui l'auraient suivi et qu'il laissait dans la détresse. Mais le général courait de tels risques en traversant les mers couvertes de vaisseaux anglais, le dessein qui l'appelait en France était en lui-même si hardi, qu'il est absurde de traiter de lâcheté son départ d'Égypte. Il ne faut pas attaquer un être de ce genre par des déclamations communes. Tout homme qui a produit un grand effet sur les autres hommes, doit être approfondi pour être jugé ».

Les instructions du général en chef de l'armée d'Orient étaient-elles par écrit ou verbales? On ne peut le dire. Différentes recherches faites sur les registres du Directoire et dans les dépôts publics, pour les retrouver, ont été infructueuses. Si ces instructions ont existé, l'original en est perdu, ou du moins il n'est point en Europe.

Mais on assure que Bonaparte avait reçu du Directoire carte blanche pour faire da guerre et la paix en Orient, pour revenir en France, quand il le jugerait convenable, ramener son armée, ou la laisser et se nommer un successeur 3. On n'aura pas de peine à croire que Bonaparte qui, pendant

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› Considér. sur la révol., par madame de Staël, t. 11, p. 229.

* Montholon, tome v, p. 553.

3 Ibid., tome 11, page 220.

TOME II.-guerre d'égYPTE.

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son commandement en Italie, s'était arrogé une grande indépendance, ne partit point pour une expédition lointaine sans qu'on lui eût laissé la plus grande latitude dans toutes ses opérations.

Il est certain qu'avant de partir de Paris pour se rendre à Toulon, il dit plusieurs fois qu'il était autorisé à quitter l'Égypte avec ou sans son armée, suivant les circonstances. Il dit à son frère Joseph: « Si la République peut véritablement s'affermir, si l'on peut se passer de moi en France, je resterai en Orient. Il m'ouvre un assez vaste champ de gloire; d'un côté Constantinople et de l'autre l'Inde..... Si on a encore la guerre en Europe; si nos vieilles habitudes monarchiques, en contradiction avec nos lois actuelles, mettent aux prises l'opinion et le gouvernement républicain, s'il faut une main unique et forte pour soutenir nos institutions nouvelles jusqu'à ce qu'elles soient soutenues par les mœurs et l'habitude, si l'opinion me rappelle, je reviendrai ».

L'ambassade de Prusse ayant été proposée à Joseph Bonaparte, 'il fut reconnu et convenu, dans une conférence entre lui, son frère le général et les directeurs, qu'il ferait mieux de rester au conseil des Cinq-Cents, parce qu'il y aurait plus de facilité pour correspondre avec le général en chef de l'armée d'Orient, et pour l'informer des événemens qui pourraient le décider à revenir en France.

La correspondance de Bonaparte ne permet pas de douter que l'autorisation ne lui en eût été donnée. Il avait écrit au Directoire, le 27 frimaire

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an VII (17 décembre 1798): « Nous attendons » des nouvelles de France et de l'Europe: c'est » un besoin vif pour nos âmes, car si la gloire » nationale avait besoin de nous, nous serions in>> consolables de n'y pas être ».

Lorsque Bonaparte partit pour la Syrie, la République, d'après le témoignage des citoyens Hamelin et Livron, arrivant d'Europe, jouissait encore de la paix; mais tout annonçait la guerre. Il écrivit au Directoire, lé 22 pluviôse: « Si, dans le courant de mars, le rapport du citoyen Hamelin m'était confirmé, et si la France était en guerre contre les rois, je passerais en France ». Voilà une résolution positive; et certes, Bonaparte ne l'aurait point annoncée d'avance au Directoire, s'il n'avait pas été autorisé à la prendre.

On trouve dans plusieurs recueils la lettre suivante du Directoire à Bonaparte, du 7 prairial

an VII:

« Les forcés extraordinaires que développent » l'Autriche et la Russie, la tournure sérieuse et >> plus qu'inquiétante qu'a prise la guerre, exi» gent une concentration de celles de la Républi» que. En conséquence, le Directoire a ordonné » à l'amiral Bruix d'employer tous les moyens en » son pouvoir pour être maître de la Méditerra» née, et faire voile vers l'Égypte pour ramener » l'armée que vous y commandez. Il est en même » temps chargé de s'entendre avec vous sur les » moyens d'embarquement et de transport. Vous » êtes le mieux en état de juger si vous pouvez, » avec sureté, laisser en Égypte une partie de

» vos forces; et, dans ce cas, le Directoire vous >> autorise à en donner le commandement à celui » que vous jugerez convenable. Le Directoire » vous verrait avec plaisir revenir à la tête des » armées républicaines que vous avez comman» dées jusqu'à présent avec tant de gloire.

Signés

Treilhard, Reveillère-Lépaux et Barras. » On a contesté l'authenticité de cette pièce; on a dit qu'elle ne se trouvait ni sur les registres ni dans les minutes de correspondance déposés dans les archives du gouvernement. Un écrivain 'a prétendu que la signature de cette lettre ou de toute autre avait été surprise aux directeurs.

Quoi qu'il en soit, le directeur Merlin atteste que lorsqu'on vit les armées de la République battues, l'Italie envahie et les frontières menacées, les regards du Directoire, ceux de beaucoup de Français se portèrent naturellement vers le général qui l'avait conquise, et qu'il délibéra à l'unanimité de rappeler Bonaparte. Mais cette décision ne lui parvint point. L'amiral Bruix, qui avait été chargé de la porter et de ramener le général, rentra le 27 thermidor dans le port de Brest, sans avoir touché l'Égypte, après une course heureuse ou savante, mais qui n'eut aucun résultat.

Si la lettre du Directoire, ajoute-t-on, ne parvint pas à Bonaparte, du moins reçut-il des avis de ses frères Joseph et Lucien, qui l'informaient

Miot. Expédition d'Égypte, page 266.

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