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néral et de l'armée..... L'Angleterre inspirait 4 dictait l'expédition d'Égypte par l'influence même de Talleyrand.

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Je pourrais surtout insister sur le manifeste de la Turquie, après notre descente en Égypte et sur tous les détails et les circonstances. subséquentes de cette entreprise qui ne pouvait avoir dans le moment actuel aucun but salutaire, dès qu'on n'avait pas l'assentiment du grand-seigneur, et qui procurait seulement à l'Angleterre le double avantage de se débarrasser d'une partie de nos plus braves soldats, et de nos généraux les plus habiles, et en même temps de nous brouiller irréconciliablement avec la Porte et les puissances barbaresques, et de faire pour ainsi dire un lac anglais de la Méditerranée. Ce fut alors que l'ambassadeur anglais Smith, échappé de Paris, grâce aux fidèles agens du cabinet britannique, alla régner en son nom au sein du divan, activer luimême les armemens contre nous dans le port de Constantinople, et ouvrir aux flottes russes le passage des Dardanelles.

Législateurs, ces vérités sont trop évidentes, et aujourd'hui on voudrait nous persuader que Bonaparte seul a conçu l'expédition d'Égypte, et les ex-directeurs, dans leurs mémoires justificatifs, prétendent rejeter sur lui toute la responsabilité de cette guerre. Oui, sans doute, Bonaparte put céder à l'enthousiasme, à des illusions qui

' Assertion téméraire, répétée depuis par des écrivains qui font de l'histoire un roman.

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C'est un fait avéré.

flattaient un coeur généreux; mais ils vous trompent ceux qui osent lui attribuer la conception d'une entreprise qu'ils avaient eux-mêmes méditée et préparée depuis longtemps, et dont leurs imprudens discours avaient laissé percer le vérita ble but.

Écoutez, six mois auparavant, dans une séance de l'Institut national, du mois de messidor an v ', le citoyen Talleyrand-Périgord, qui n'était pas encore arrivé au ministère des relations extérieures, et qui parvint à s'y faire installer avant le 18 fructidor; écoutez son discours, et qu'il ose encore se refuser à être proclamé le promoteur, l'instigateur et le directeur suprême de la déportation de 40,000 Français sur les sables de l'Afrique !

« Il faut, dit Talleyrand-Périgord, se préparer » à établir des colonies nouvelles; notre situation » intérieure rend un déplacement d'hommes né» cessaire; ce n'est pas une punition qu'il s'agit » d'infliger, mais un appât qu'il faut présenter. » Et combien de Français doivent naturellement » adopter l'idée d'un établissement dans des con»trées éloignées! Combien en est-il pour qui un >> ciel nouveau est devenu un besoin, et ceux qui, » restés seuls, ont vu tomber sous le fer des as»sassins tout ce qui embellissait pour eux la terre » natale, et ceux pour qui elle est inféconde, et » ceux qui n'y trouvent que des regrets, et ceux » même qui n'y trouvent que des remords; ct

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D'autres disent dans une séance du Cercle constitutionnel de la rue de Lille, dont il avait été un des fondateurs.

» cette multitude de malades politiques, ces ca»ractères inflexibles qu'aucun revers ne peut » plier; ces imaginations ardentes qu'aucun rai>> sonnement ne ramène, et ceux qui se trouvent » toujours trop resserrés dans leur propre pays, » et les spéculateurs aventureux, et les hommes » qui brûlent d'attacher leur nom à des décou» vertes et à des fondations de villes, à des civi» lisations; tel pour qui la France constituée est >> trop calme; ceux enfin qui ne peuvent se faire » à des égaux, et ceux qui ne peuvent se faire à >> aucune dépendance!

» Quant aux lieux, ajoute le citoyen Talleyrand, » qui pourraient recevoir ces colonies, annoncer » avec trop de précision ce qui sera fait, est le » vrai moyen de ne pas faire.» Toutefois il parle avec éloge des côtes d'Afrique; il rappelle que le duc de Choiseul s'occupait, dès 1769, d'un établissement dans l'Égypte, afin de retrouver là, et avec un immense avantage pour notre commerce, les mêmes productions qui pourraient un jour nous échapper ailleurs. Il fait un appel aux hommes éclairés, pour qu'ils disent, lorsqu'il en sera temps, où peuvent s'établir le plus utilement les nouvelles colonies réclamées par tant d'hommes agités qui ont besoin de projets, par tant d'hommes malheureux qui ont besoin d'espérances 1.

Remarquez, et n'oublions jamais que Bonaparte, partant pour l'Afrique, était convaincu

'Ce discours prêtait sans doute à des inductions, mais celles qu'en tirait l'orateur étaient exagérées.

que la paix était certaine, et qu'elle allait être signée à Rastadt sur les bases convenues à CampoFormio; qu'on lui en donna l'assurance claire et précise. Souvenons-nous surtout qu'on avait assuré Bonaparte que le grand-seigneur consentirait à cette expédition, et devait même la favoriser. S'il est vrai, comme on pourrait le prouver, que Talleyrand-Périgord devait aller à Constantinople en qualité d'ambassadeur, tandis que Bonaparte s'emparerait de Malte, et que le général ait tellement été abusé, qu'il ait, à son arrivée à Alexandrie, envoyé des dépêches à cet ambassadeur, je le demande aux hommes de loi, de quelle manière devons-nous juger les auteurs de semblables intrigues? >>

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Les ex-directeurs, l'ex-ministre Talleyrand ne trouvèrent pas un défenseur sur ce chef d'accusation. Pas une seule voix ne s'éleva à la tribune pour répondre à Briot. On croyait l'armée d'Égypte perdue, et personne ne voulait paraître, même en rétablissant la vérité, assumer sur soi la responsabilité d'une expédition dont l'issue était dès lors regardée comme malheureuse.

Moins d'un mois après le discours de Briot (8 vendémiaire an VIII), le Directoire envoya aux conseils la lettre de Bonaparte, du 10 thermidor, qui annonçait la victoire d'Abouqyr.

A la lecture de cette dépêche, les représentans se levèrent par un mouvement spontané en criant: Vive la République! et décrétèrent, après des éloges et au milieu des acclamations, que l'armée d'Égypte avait bien mérité de la patrie.

Huit jours s'étaient à peine écoulés, que le Directóiré adressa aux conseils une nouvelle lettre de Bonaparte (du 17 thermidor), annonçant la reddition du fort d'Abouqyr. Aux triomphes de l'armée d'Égypte, se joignaient ceux de Masséna en Suisse, ceux de Brune en Batavie. La victoire revenait aux drapeaux français qu'elle avait désertés. L'enthousiasme fut à son comble. Le président du conseil des Cinq-Cents, Chazal, quitta le fauteuil, et dit « Ce grand nom de Bonaparte qui remplit l'Orient, s'impose de nouveau dans la balance de nos destinées. Il y pèsera pour la paix du monde; il y pèsera de tout son poids et de tout celui de l'Égypte conservée ».

« O toi, dit Garat au conseil des Anciens, toi qui parles toujours de ta fortune, tandis que le monde entier parle de ton génie! O toi qui es aujourd'hui pour nous le héros de l'Asie et de l'Afrique, comme tu le fus d'abord de l'Italie, ce sera aussi toujours dans tes profondes conceptions, dans ton âme et dans tes soldats que la République verra les puissantes causes de ces faveurs du destin qui t'accompagnent et te suivent devant Jaffa et devant Acre, au camp des Pyramides, devant Alexandrie, à Abouqyr, comme dans Rivoli et Arcole. »

L'expédition d'Égypte était donc dès lors jugée non sur les motifs bien ou mal fondés, d'après lesquels on l'avait entreprise; mais, à la manière ordinaire des passions et des partis, on la blâmait ou on l'approuvait d'après ses succès ou ses

revers.

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