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avec sévérité; mais nos contemporains ne seront pas surpris que mes collègues et moi nous ayons partagé l'enthousiasme général, et cédé à l'ascendant du génie d'un héros couvert de gloire, qui répondait à toutes les objections, aplanissait toutes les difficultés, et sut vaincre tous les obstacles. »

Accusé comme les ex-directeurs, Talleyrand, ministre des relations extérieures, publia des éclaircissemens sur les inculpations qui lui étaient faites dans les pamphlets et les journaux.

<«<lls me reprochent, y disait-il, l'expédition d'Égypte qu'on sait très-bien, au reste, avoir été préparée avant l'époque de mon ministère, et n'avoir nullement été déterminée par moi '.

Mais si cette expédition où le génie de Bonaparte, où sa gloire et celle de son invincible armée nous assuraient, nous assurent encore tant de succès, n'avait point été faite, et que l'on pût alléguer, avec quelque fondement, que c'est moi qui en ai combattu le projet, combien ces mêmes hommes ne se croiraient-ils pas autorisés à me dire que, sans doute par des vues secrètes et bien anti-françaises, j'ai voulu, malgré le vœu de tous les hommes éclairés, priver la République du

C'est un fait certain et très-facile à vérifier, que le citoyen Magallon, consul général de la République en Égypte, d'après un grand nombre de mémoires qu'il avait envoyés, tous relatifs à une entreprise sur l'Égypte, reçut, avant mon entrée au ministère, un congé pour revenir en France. Ce n'était, ce ne pouyait être que pour donner des renseignemens à l'appui de ces mémoires. (Note de l'écrit d Talleyrand.)

plus magnifique établissement du monde, d'un établissement qui allait porter le coup le plus terrible à la puissance britannique dans l'Inde?

Ils me reprochent aussi qu'on n'ait point, par l'envoi d'un ambassadeur à Constantinople, tenté une négociation avec la Porte, et tâché de prévenir sa déclaration de guerre. Mais si la nomination ainsi que le départ de l'ambassadeur éussent précédé le départ pour l'Égypte, avec quel plaisir n'eussent-ils pas dit qu'on voulait sans doute par-là révéler le secret de l'attaque et assez tôt pour la faire échouer. Que si, au contraire, l'envoi de l'ambassadeur avait eu lieu aussitôt après, ne se fussent-ils pas empressés d'objecter alors que c'était appeler sur un négociateur français d'inévitables dangers, que d'ordonner son départ avant d'être instruit du succès de l'expédition? »

Il parnt bientôt des observations de Charles Delacroix sur les éclaircissemens publiés par le citoyen Talleyrand. Delacroix se défendait d'avoir concouru à l'expédition d'Égypte, et la rejetait

entièrement sur son successeur.

Dans un écrit intitulé: Sur les observations du citoyen Charles Delacroix, relatives aux éclaircissemens publiés par Talleyrand, ce ministre, qui venait lui-même d'être remplacé, rappelait les faits relatifs au projet de conquête de l'Égypte, non pour en inférer qu'il fallût attribuer à son prédécesseur cette expédition que maintenant il désavouait, mais pour montrer que de son temps on s'en était occupé aux relations extérieures. Il était hors de doute que Charles Delacroix

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avait eu, comme beaucoup d'autres avant lui, ta pensée d'une expédition en Égypte, ou du moins le projet de punir les beys, soit par nous-mêmes, disait-il dans sa lettre à Magallon, soit par la Porte; mais il écrivait aussi : il faut remettre à d'autres temps tout projet sur l'Égypte : et en effet, pendant son ministère, il ne fut pas question d'une semblable entreprise.

L'idée de ce projet n'appartenait pas non plus à Talleyrand; mais il est certain qu'à la première ouverture de Bonaparte, ce ministre l'avait adopté, et qu'il avait ensuite franchement concouru à son exécution. Ce n'était ni un crime, ni un tort. Le tort était de vouloir rejeter sur son prédécesseur une partie de la responsabilité de l'expédition d'Égypte, parce qu'elle n'avait plus la faveur publique. Le tort était de n'avoir pas envoyé un ambassadeur à Constantinople pour donner satisfaction à la Porte, et prévenir une rupture avec cette puissance. La réponse de Talleyrand à ce reproche était loin d'être satisfaisante. Que cet envoi n'eût pas précédé l'expédition, on en concevait le motif; mais il devait la suivre de près. On en avait senti la nécessité. C'était une chose convenue avec Bonaparte. Cet ambassadeur devait être Talleyrand lui-même. A son défaut, on avait nommé Descorches. On ne le fit partir que lorsque la Porte se fut jetée dans les bras des Russes et des Anglais, et eut déclaré la guerre, c'est-àdire lorsqu'il n'y eut plus rien à faire à Constantinople, ni moyen d'y arriver.

Dans sa Réponse aux dénonciations portées au

Corps législatif contre lui et ses anciens collè gues, les membres du Directoire, la ReveillèreLépaux disait : « Le premier de ces chefs d'accusation est la violation du territoire ottoman par l'expédition d'Égypte. Mais comment attribuer au Directoire une conception dont la France et l'Europe entière s'obstinent à faire honneur au héros de l'Italie ? Il n'est pas exact de représenter l'invasion de l'Égypte comme une violation du territoire ottoman; les Mamlouks y formaient depuis longtemps une puissance indépendante. Ils s'étaient montrés les ennemis du grand-seigneur, des puissances européennes et surtout des Français. La Porte, loin de donner aucun signe de mécontentement lors du débarquement des troupes républicaines, parut très-disposée au contraire à agir selon ses vrais intérêts. Ce ne fut qu'après le funeste combat d'Abouqyr qu'elle entra dans la coalition. A qui attribuer le désastre d'Abouqyr? à l'imprudence d'un amiral du choix du général en chef. Mais il a expié par une mort courageuse une faute qui a été si fatale à son pays. Respectons sa cendre. Cette expédition fut tenue secrète. N'était-elle pas de nature à exiger un mystère que ceux même qui le blåment aujourd'hui, approuvèrent hautement alors? Le Corps législatif ne s'est-il pas associé aux événemens de cette expédition, en décrétant plusieurs fois à

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'Ceci n'est rien moins que prouvé.

Pourquoi ne s'était-on pas mis en mesure de l'empêcher?

l'unanimité que l'armée d'Égypte avait bien mérité de la patrie? Le gouvernement n'a donc pas trahi la nation, ou le Corps législatif lui-même serait coupable de trahison '.

D'ailleurs est-il bien sûr que cette expédition si décriée aujourd'hui ne se terminera pas à la gloire de la France? Les Anglais tremblans pour leurs possessions dans l'Inde, le Turc alarmé dans son sérail, la voient-ils du même oeil que nos accusateurs? Ceux qui voudraient nous traîner à l'échafaud pour la prétendue déportation de Bonaparte et de 40,000 Français, seront les premiers adulateurs du vainqueur de la Syrie °; ô hommes! ô esprit de parti!»>

A la séance du conseil des Cinq - Cents (12 fructidor an vII), Briot, dans un discours trèsétendu sur la situation de la France, traita aussi cette question.

« Après le traité de Campo-Formio, le génie de Bonaparte, disait l'orateur, effrayait à la fois l'Angleterre et les ennemis intérieurs de la République. Pitt, épouvanté, vit l'armée d'Angleterre s'avancer, Bonaparte à sa tête. Ses flottes devenaient inutiles; le camp tracé autrefois par César sur les bords de la Tamise, pouvait être relevé par Bonaparte. 11 ordonna la déportation du gé

'Cet argument était sans réplique en ce qui concernait le Corps législatif.

C'est ce qui arriva en effet, moins de trois mois après cette prédiction.

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