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La Sublime-Porte a déclaré la guerre dans le mois de janvier à la République Française avec une précipitation inouïe, sans attendre l'arrivée de l'ambassadeur Descorches, qui déjà était parti de Paris pour se rendre à Constantinople, sans me demander aucune explication, ni répondre aux avances que j'ai faites.

J'ai cependant espéré, quoique sa déclaration de guerre me fût parfaitement connue, pouvoir la faire revenir, et j'ai, à cet effet, envoyé le citoyen Beauchamp, consul de la République, sur la caravelle. Pour toute réponse, on l'a emprisonné; pour toute réponse, on a créé des armées, on les a réunies à Gaza, et on leur a ordonné d'envahir l'Égypte. Je me suis alors trouvé obligé de passer le désert, préférant faire la guerre en Syrie à ce qu'on la fit en Égypte.

Mon armée est forte, parfaitement disciplinée, et approvisionnée de tout ce qui peut la rendre victorieuse des armées, fussent-elles aussi nombreuses que les sables de la mer. Des citadelles et des places fortes hérissées de canons, se sont élevées sur les côtes et sur les frontières du désert je ne crains donc rien, et je suis ici invincible; mais je dois à l'humanité, à la vraie politi que, au plus ancien comme au plus vrai des alliés, la démarche que je fais.

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Ce que la Sublime-Porte n'obtiendra jamais par les armes, elle peut l'obtenir par une négociation. Je battrai toutes les armées, lorsqu'elles projetteront l'envahissement de l'Égypte; mais je répondrai d'une manière conciliante à toutes les ouver TOME II. - Guerre d'Égypte.

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tares de négociations qui me seront faites. La République Française, dès l'instant que la Sublime-Porte ne fera plus cause commune avec nos ennemis, la Russie et l'empereur, fera tout ce qui sera en elle pour rétablir la bonne intelligence, et lever tout ce qui pourra être un sujet de désunion entre les deux États.

Cessez donc des armemens dispendieux et inu tiles; vos ennemis ne sont pas en Égypte, ils sont sur le Bosphore, ils sont à Corfou, ils sont aujourd'hui, par votre extrême imprudence, au milieu de l'Archipel.

Radoubez et réarmez vos vaisseaux; reformez vos équipages; tenez-vous prêts à déployer bientôt l'étendard du prophète, non contre la France, mais contre les Russes et les Allemands qui rient de la guerre que nous nous faisons, et qui, lorsque vous aurez été affaibli, lèveront la tête et déclareront bien haut les prétentions qu'ils ont déjà. Vous voulez l'Égypte, dit-on; mais l'intention de la France n'a jamais été de vous l'ôter.

Chargez votre ministre à Paris de vos pleins pouvoirs, ou envoyez quelqu'un chargé de vos intentions ou de vos pleins pouvoirs en Égypte. On pourra, en deux heures d'entretien, tout arranger: c'est là le seul moyen de rasseoir l'empire musulman, en lui donnant la force contre ses véritables ennemis, et de déjouer leurs projets perfides; ce qui, malheureusement, leur a déjà si fort réussi.

Dites un mot, nous fermons la Mer-Noire à la Russie, et nous cessons d'être le jouet de cette

puissance ennemie que nous avons tant de sujets de haïr, et je ferai tout ce qui pourra vous convenir.

Ce n'est pas contre les Musulmans que les arinées françaises aiment à déployer et leur tactique et leur courage; mais c'est au contraire, réunies à des Musulmans qu'elles doivent un jour, comme cela a été de tout temps, chasser leurs ennemis communs.

Je crois en avoir assez dit par cette lettre à votre excellence; elle peut faire venir auprès d'elle le citoyen Beauchamp que l'on m'assure être détenu sur la Mer-Noire. Elle peut prendre tout autre moyen pour me faire connaître ses intentions.

Quant à moi, je tiendrai pour le plus beau jour de ma vie celui où je pourrai contribuer à faire terminer une guerre à la fois impolitique et sans objet '. »

Nous avons déjà dit que les faits militaires dont l'Égypte était le théâtre avaient attiré l'attention du monde entier; la nouvelle s'en était répandue dans l'Orient et dans l'Afrique; tous les esprits en Europe étaient en suspens. On attendait l'issue de cette grande entreprise. Les traits multipliés de courage et de patience qui l'avaient signalée, les dangers auxquels l'armée était sans cesse exposée, les fatigues inexprimables qu'elle endurait, les talens supérieurs et le dévouement des géné

'Lettre du 30 thermidor (17 août ).

raux avaient excité l'admiration générale, Partout on était frappé de la nouveauté de ces circonstances, de ce concours inaccoutumé d'exploits de guerre et de découvertes savantes, et surtout de tant de dispositions militaires, civiles et politiques qu'exigeaient du général en chef le soin de conquérir et celui de gouverner. L'Angleterre elle-même, tout en représentant l'expédition d'Égypte comme une folie dont la témérité serait nie par la ruine de l'armée qui l'avait entreprise, en prouvait l'importance et avouait hautement ses frayeurs, par les efforts qu'elle faisait pour arracher à Bonaparte sa conquête. Cependant, par une bizarrerie déplorable, au sein même de la République, on entendit des citoyens français, aveugles échos de l'Angleterre, répéter ses paroles dédaigneuses et ses sinistres prédictions.

pu

Tandis que l'armée d'Égypte se préparait à remporter la victoire d'Abouqyr, on la voyait succombant sous le poids des besoins, des souffrances de toute espèce, et sous le nombre des ennemis qui s'étaient armés de toutes parts contre elle. Les esprits les plus calmes ou qui s'intéressaient le plus à ses succès, croyaient que, sans communication avec la France, depuis la perte de la flotte et la retraite de Syrie, sans espoir d'obtenir des renforts et des secours, elle serait enfin épuisée, même par ses triomphes. Les revers des armes françaises en Europe ne contribuaient pas peu à en faire prévoir en Égypte, et à faire regretter l'absence de ces troupes et de ces généraux d'élite, qui se consumaient dans une con

quête lointaine, tandis que la patrie était menacée sur ses propres frontières.

En effet, Corfou avait capitulé avec les TurcoRusses, L'archiduc Charles, par les batailles de Pfullendorf et de Stokach, avait forcé Jourdan à repasser le Rhin précipitamment. Schérer avait perdu l'Italie; rien ne semblait plus devoir arrêter les Austro-Russes qui, du haut des Alpes, se débordaient en torrent.

Au milieu des craintes ou de l'exaspération que produisaient les malheurs de la patrie, loin de se réunir pour les conjurer, on se divisait, on s'en accusait mutuellement. Cette expédition d'Égypte qui, dans son principe, avait trouvé tant d'approbateurs, n'était donc plus qu'une folle ou même une criminelle entreprise. Ceux qui y avaient le plus contribué s'en défendaient alors, d'abord tout bas, ensuite ouvertement.

Elle fut reprochée aux membres du Directoire éliminés par le coup d'état du 30 prairial. Ils furent accusés d'avoir déporté dans les déserts de l'Arabie 40,000 hommes formant l'élite des armées, le général Bonaparte, et avec lui la fleur des savans, des hommes de lettres et des

artistes.

« Nous avons exilé Bonaparte! s'écria Rewbell au conseil des Anciens (24 messidor). Sans la malheureuse catastrophe d'Abouqyr, je serais peut-être resté le seul censeur de la brillante expédition d'Égypte..... Bonaparte se laisser exiler!..... N'est-ce pas lui faire injure?..... La postérité pourra peut-être juger son expédition

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