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La géographie avait étendu ses recherches sur les ports, les lacs et les côtes. Elle avait fixé la position des lieux remarquables et fondé ses mesures sur l'observation du ciel. La physique avait étudié les propriétés du climat, le cours du Nil, le système des irrigations, la nature du sol, celle des animaux, des minéraux et des plantes. Les beaux-arts avaient retrouvé leurs antiques modèles, et avaient travaillé à en recueillir fidèlement les vestiges. Bonaparte suggérait ou encourageait toutes les découvertes; il embrassait en même temps la guerre, la politique, les lois et les sciences.

Les recherches entreprises sous ses auspices furent toutes secondées, et souvent même dirigées par les généraux, les ingénieurs et les militaires. Plusieurs d'entre eux y consacraient tout le loisir que pouvaient leur laisser les opérations de la guerre, et rédigeaient des mémoires sur la géographie physique du Delta, la condition politique des divers habitans, le cours du Nil, la nature du sol, la description des antiquités. On profitait de toutes les facilités qui pouvaient s'offrir pour parcourir et observer le pays que les armées occupaient. Il ne se faisait aucune reconnaissance militaire sans qu'un ou plusieurs membres des commissions savantes n'y fussent adjoints pour tenter quelques découvertes utiles. L'inspection des côtes ou des déserts voisins, les expéditions éloignées, les marches des détachemens, les négociations ou les combats avec les tribus errantes, les opérations administratives, tout devint

l'occasion ou le but d'une nouvelle recherche. On n'avait pu d'abord explorer que le Delta. La campagne de Desaix ouvrit la Haute-Égypte. Ainsi que nous l'avons dit, Denon l'accompagna.

Le général en chef y envoya une commission pour prendre des renseignemens sur le commerce, l'agriculture, l'histoire naturelle, les arts et les antiquités. Elle fut composée de Girard, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées; Jollois, Devilliers, Dubois-Aymé et Duchanoy, ingénieurs ordinaires; de Descotils, Rosières et Dupuis, ingénieurs des mines, et Castex, sculpteur. Une des parties les plus importantes de la mission des ingénieurs des ponts-et-chaussées était d'examiner le régime du Nil, depuis la première cataracte, et d'étudier le système d'irrigation de la Haute-Égypte.

Cette commission partit du Kaire le 29 ventôse an vII. Sa marche fut subordonnée aux opérations de l'armée. Cependant, à force de persévérance, en se mettant sous la protection des détachemens envoyés à la poursuite des Mamlouks, les commissaires parvinrent jusqu'à l'île de Philoe, et parcoururent plusieurs fois les deux rives du fleuve. Ils se séparèrent pour remplir des missions particulières, ou allèrent au Kaire porter le fruit de leurs travaux et de leurs recherches.

Vers la fin de l'an vII, on avait donc déjà beaucoup travaillé à la découverte et à la description des monumens. On avait reconnu le temple magnifique de l'ancienne Tentyris, les pompeux vestiges de Thèbes, les demeures vraiment royales

des Pharaons. On avait pénétré au-delà d'Éléphantine, dans cette île sacrée, qui semble être elle-même un seul monument élevé par les Égyptiens à la gloire des beaux-arts et des dieux. Denon avait rapporté une collection de dessins qui avaient piqué la curiosité et excité l'émulation. On avait fait des observations importantes sur le cours du Nil, la nature physique du sol, l'agriculture, le commerce et la géographie ancienne.

Mais, dans les derniers jours de thermidor, Bonaparte résolut de donner encore un plus grand développement à ces travaux. La Haute-Égypte était conquise et paisible; il devenait plus facile de compléter ce qu'on n'avait pu qu'ébaucher, ou de relever ce qu'on avait été forcé de négliger, tant qu'on n'avait pas été maitre du pays. Il chargea donc deux commissions composées de 25 artistes et savans, de se rendre dans la Haute-Égypte pour en observer les merveilles en sécurité et avec plus d'exactitude. Il ordonna luimême le plan de ce voyage et en régla tous les détails avec la plus attentive prévoyance'.

Bonaparte fit une dernière tentative pour ouvrir des négociations avec la Porte. Il remit à l'effendi fait prisonnier au fort d'Abouqyr, une lettre pour le grand-visir, et chargea le général Kléber

'Les travaux des savans ont été réunis ensuite dans ce grand et immortel ouvrage que Bonaparte, premier consul, fit exécuter, et qui se continua sous le règne de l'empereur. Il forme une des plus belles parties de l'expédition, ou plutôt c'est tout ce qui est resté pour en consacrer à jamais les glorieux souvenirs.

d'expédier ce messager à Chypre, d'où il se rendrait à Constantinople. Cette lettre, remarquable par la sagacité avec laquelle étaient exposés les véritables intérêts de la Porte, était ainsi

conçue :

<< Grand parmi les grands éclairés et sages, seul dépositaire de la confiance du plus grand des sultans.

"

J'ai l'honneur d'écrire à votre excellence par l'effendí qui a été fait prisonnier à Abouqyr, et que je lui renvoie pour lui faire connaître la véritable situation de l'Égypte, et entamer des négociations entre la Sublime-Porte et la République Française, qui puissent mettre fin à la guerre qui se trouve exister pour le malheur de l'un et de l'autre État. Par quelle fatalité la Porte et la France, amies de tous les temps, et dès lors par habitude, amies par l'éloignement de leurs frontières, la France, ennemie de la Russie et de l'empereur, la Porte ennemie de la Russie et de l'empereur, sont-elles cependant en guerre?

Comment votre excellence ne sentirait-elle pas qu'il n'y a pas un Français de tué qui ne soit un appui de moins pour la Porte?

Comment votre excellence, si éclairée dans la connaissance de la politique et des intérêts des divers États, pourrait-elle ignorer que la Russie et l'empereur d'Allemagne se sont plusieurs fois entendus pour le partage de la Turquie, et que ce

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Martin dit Mustapha-Pacha; c'est évidemment une erreur.

n'a été que l'intervention de la France qui l'a enipêché?

Votre excellence n'ignore pas que le véritable ennemi de l'islamisme est la Russie. L'empereur Paul . s'est fait grand-maître de Malte; c'està-dire a fait vou de faire la guerre aux Musulmans : n'est-ce pas lui qui est chef de la religion grecque, c'est-à-dire des plus nombreux ennemis qu'ait l'islamisme?

La France, au contraire, a détruit les chevaliers de Malte, rompu les chaines des Turcs qui y étaient détenus en esclavage, et croit, comme l'ordonne l'islamisme, qu'il n'y a qu'un seul Dieu.

Ainsi donc la Porte a déclaré la guerre à ses véritables amis, et s'est alliée à ses véritables ennemis.

Ainsi donc la Sublime-Porte a été l'amie de la France tant que cette puissance a été chrétienne, et lui a fait la guerre dès l'instant que la France, par sa religion, s'est rapprochée de la croyance musulmane. Mais, dit-on, la France a envahi l'Égypte; comme si je n'avais pas toujours déclaré que l'intention de la République Française était de détruire les Mamlouks, et non de faire la guerre à la Sublime-Porte; était de nuire aux Anglais, et non à son grand et fidèle ami l'empereur Sélim.

La conduite que j'ai tenue envers tous les gens de la Porte qui étaient en Égypte, envers les bâtimens du grand-seigneur, envers les bâtimens de commerce portant pavillon ottoman, n'est-elle pas un sûr garant des intentions pacifiques de la République Française?

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