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Qosseïr a 250 mètres de longueur sur 150 de largeur; les maisons y sont basses; l'eau, dont les gens riches font usage, vient de 9 lieues. Les environs sont tout à fait déserts. La ville n'est habitée que par des marchands d'Égypte et d'Arabie, qui s'en vont lorsque leurs affaires sont terminées. Elle n'a point d'habitans proprement dits. Le port est entièrement ouvert au vent d'est; il est abrité à l'ouest par le rivage, et au nord par un banc de madrépores et de coraux qui forme un quai naturel. La position de Qosseïr, à l'entrée de plusieurs vallées qui débouchent en Égypte, l'a fait choisir pour l'entrepôt du commerce de la HauteÉgypte avec l'Arabie. L'Égypte y envoie du blé, de la farine, des fèves, de l'orge, de l'huile et d'autres denrées; et l'Arabie, du café, du poivre, des gommes, des mousselines et quelques étoffes de l'Inde. La côte est habitée par des tribus de pêcheurs; le poisson y est très-abondant; ils le font sécher au soleil; les soldats français le prenaient avec la main, après l'avoir tué à coups de sabre ou de bâton.

Les Ababdeh, tribu nomade, occupaient les montagnes situées à l'orient du Nil, au sud de la vallée de Qosseïr, pays autrefois connu sous le nom de Trogloditique. Les marchands qui faisaient le commerce de Qosseïr, leur payaient différens droits en nature, moyennant quoi les Abahdeh veillaient à la sûreté de la route et escortaient les caravanes. Ils étaient mahométans et guerriers. Ils différaient entièrement par leurs moeurs, leur langage, leur costume, leur constitution physi

que, des tribus arabes qui, comme eux, occupent les déserts. Les Arabes étaient blancs, se rasaient la tête, portaient le turban, étaient vêtus, avaient des armes à feu. Les Ababded étaient noirs; mais leurs traits avaient beaucoup de rapport avec ceux des Européens; ils avaient les cheveux naturellement bouclés et point laineux; ils les portaient assez longs, et ne se couvraient jamais la tête; ils n'avaient, pour tout vêtement, qu'un morceau de toile qu'ils attachaient au-dessus des hanches et qui ne dépassait pas le milieu des cuisses; ils n'avaient point d'armes à feu, et portaient la lance et le sabre.

Après être resté deux ou trois jours à Qosseïr, Belliard en partit, et y laissa une garnison et l'adjudant-général Donzelot. Débarrassée de l'artillerie et des bagages, sa marche fut plus rapide; dans moins de trois jours, il revint à Qéné.

Bonaparte demanda à Desaix une relation de tout ce qui s'était passé dans la Haute-Égypte depuis son départ du Kaire, travail que personne ne pouvait bien faire que lui-même, et lui témoigna sa satisfaction sur l'occupation de Qosseïr. Il lai annonça l'envoi de plusieurs officiers du génie, pour diriger les travaux de ce port, de Qéné et des autres points de la Haute-Égypte. Il finissait ses dépêches par des complimens pour Friant, Belliard et Donzelot, et en assurant Desaix de son estime et de son amitié '.

Lettres des 27 et 30 prairial (15 et 18 juin).

« L'occupation de Qosseïr, écrivit Bonaparte au Directoire, celle de Suez et d'El-Arych ferment absolument l'entrée de l'Égypte du côté de la Mer-Rouge et de la Syrie, comme les fortifications de Damiette, Rosette et Alexandrie rendent impraticable une attaque par mer, et assurent à jainais à la République la possession de cette belle partie du monde, dont la civilisation aura tant d'influence sur la grandeur nationale et sur les destinées futures des plus anciennes parties de

l'univers.

Mourad-Bey est retiré avec peu de monde dans les Oasis, d'où il va être encore chassé. HassanBey est à plus de quinze jours au-dessus des cataractes. La plupart des tribus arabes sont soumises et ont donné des otages; les paysans s'éclairent, et reviennent tous les jours des insinuations de nos ennemis. Des forts nombreux, établis de distance en distance, les retiennent d'ailleurs, s'ils étaient mal intentionnés. Les Arabes d'Yambo ont péri pour la plupart '. »

Telle était en effet la vraie situation de la HauteÉgypte. Il ne restait plus à Desaix qu'un expédition à faire; c'était celle contre Mourad-Bey dans la grande Oasis, qui avait été différée à cause de l'apparition des Anglais devant Qosseïr. Desaix en chargea le général Friant, qu'il regardait avec raison comme un officier plein de mérite, de zèle, et doué de beaucoup de talens militaires. La si

Lettre du 5 messidor (23 juin).

'Lettre à Bonaparte, du 20 thermidor (7 août).

tuation de Mourad paraissait misérable; mais il vivait encore, et lui seul était une puissance. Tout avait cédé devant Desaix, « habile, vigilant, plein d'audace, comptant la fatigue pour rien, la mort pour moins encore, et qui serait allé vaincre au bout du monde. » Mourad, seul, avait égalé, sinon surpassé, en adresse, en constance, en activité, son redoutable adversaire. Au milieu des débris des Mamlouks et des Arabes, il restait debout, et se faisait encore craindre. Desaix, libre des soins de la guerre, ne s'occupa plus que d'administration. Il divisa la Haute-Égypte en deux gouvernemens, dont les chef-lieux furent Syout et Qéné. Il se réserva le premier, et confia le second à Belliard. Ils faisaient des tournées dans les villages pour régler avec les cheyks et les habitans les travaux des canaux et des digues, discuter des plans d'amélioration, concilier les intérêts du gouvernement et ceux des cultivateurs. Ceux-ci se livraient paisiblement à la culture de leurs terres; ils apportaient des rafraîchissemens aux soldats, dont la contenance amicale les rassurait. Les gens aisés ne cachaient plus leurs moyens et en usaient ouvertement. Les villages arrêtèrent entre eux d'abolir un usage barbare, le rachat du sang, c'est-à-dire la vengeance à main armée des crimes, des injures, des dommages, et de s'en remettre à la justice des Français. Le commerce reprenait son cours, les cafés de Moka arrivaient à Suez et

Antommarchi, tome 1, page 408.

à Qosseïr; les blés s'exportaient en Arabie. La Haute-Égypte offrait l'aspect d'un peuple entièrement soumis à un gouvernement paternel. « Cela ressemble, disaient les Égyptiens, au temps du cheyk prince Amman. » C'était un Arabe puissant, dont la justice vivait toujours dans leur mémoire. Ils donnaient à Bonaparte le nom de Grand * Sultan', et à Desaix celui de Sultan Juste. Belliard était aussi propre à l'administration qu'à la guerre; il dirigeait les irrigations, encourageait les cultures, et dispersait les beys; il était agronome, gouverneur, capitaine, aussi redouté des Mamlouks qu'agréable aux cheyks1.

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