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d'éclat Rapp, aide-de-camp de Desaix, s'y fit remarquer par sa bravoure et fut blessé d'un coup de sabre. La bataille de Samhoud jeta l'épouvante parmi les nombreux alliés de Mourad ; le nom de Desaix fut craint et respecté, non-seulement dans l'Égypte supérieure; mais encore dans l'Éthiopie et dans les déserts de l'Arabie.

Le lendemain, il continua de poursuivre Mourad; mais, pour atteindre un ennemi qui se retirait sur son propre terrain, l'artillerie était trop lourde, l'infanterie et la grosse cavalerie trop lentes; à peine la cavalerie légère pouvait-elle y parvenir. Le 5, on passa à Denderah, l'ancien Tentyris, dont le temple antique imprima un sentiment de respect à toute l'armée qui s'y arrêta spontanément. Le 7, au matin, en détournant la pointe d'une chaîne de montagnes qui forme un promontoire sur le Nil, on découvrit tout à coup, dans tout son développement, l'antique Thèbes, la ville aux cent portes. A l'aspect de ces ruines gigantesques, tous les rangs de l'armée retentirent d'applaudissemens, comme si elles eussent été le but de ses glorieux travaux, et si elles avaient complété sa conquête.

Desaix arriva à Esneh où il laissa le général Friant et sa brigade, se dirigea le lendemain sur Syène, et arriva le 13 devant cette dernière ville de l'Égypte méridionale, après avoir essuyé des fatigues excessives, et poussant toujours devant lui son ennemi. Mourad, Hassan, Soliman et 8 autres beys se voyant poursuivis avec cet acharneinent, affaiblis par leurs pertes, hors d'état de

combattre, s'enfoncèrent dans l'affreux pays des Barabras, au-dessus des cataractes, à 4 jours de Syène. Le 14, Desaix traversa le Nil pour occuper cette ville, sur la rive droite. Le même jour, un détachement se porta sur l'île de Philoc, autrefois dernière limite du vaste empire romain. On rencontra, à travers les rochers de granit, les carrières où l'on détachait les blocs qui servaient à faire ces statues colossales dont les ruines frappent encore d'étonnement et d'admiration.

Des montagnes hérissées d'aspérités noires et aiguës, réfléchies d'une manière sombre dans les eaux du Nil, resserré par une infinité de pointes de granit qui le partagent en déchirant sa surface et le sillonnent de longues traces blanches; ces formes et ces couleurs austères, contrastant avec le vert des groupes de palmiers parsemés dans les rochers, et avec le plus beau ciel du monde, voilà le tableau que présente ce qu'on appelle la cataracte et qui n'en mérite pas le nom. Ce n'est qu'un brisant du fleuve qui s'écoule à travers les roches, en formant, dans quelques endroits, des cascades peu sensibles, de quelques pouces de

hauteur.

On y trouva plus de 50 barques que les Mamlouks y avaient remontées avec des peines infinies, et qu'ils avaient été forcés d'y abandonner '.

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Le terme de la marche des Français en Égypte

Berthier dit dans sa relation qu'il y en avait 150; mais Desaix, dans la sienne : plus de 50 barques et beaucoup d'effets.

fut inscrit sur un rocher de granit. Le drapeau de la République flotta sur les cataractes et, dès ainsi dire ce moment, la Haute-Égypte fut pour

con quise.

Les habitans de l'ile de Philoe l'avaient quittée et s'étaient retirés dans une seconde île plus grande, d'où ils faisaient entendre des cris. Ils refusèrent d'envoyer une barque qui était de leur côté. A défaut d'embarcations, on ne put entrer dans l'île et on retourna à Syène. Desaix laissa y Belliard avec la 21°. légère et en partit le 16 avec sa cavalerie, répartie sur les deux rives du Nil, pour retourner à Esné, où était resté le général Friant. Son intention était d'occuper le pays puis Syène jusqu'à Girgeh, par des cantonnemens, pour lever les impositions.

de

Syène n'était plus qu'un grand village, mais mieux bâti et avec des rues plus droites que les villages ordinaires, et très-peuplé, au milieu duquel était un château turc, masqué de tous côtés et qui ne pouvait être d'aucune défense. Belliard s'y établit. On fit des lits, des tables, des bancs; on se déshabilla, on se coucha. Après une marche aussi fatigante que rapide, ce fut une véritable volupté pour le soldat. A peine y était-on établi depuis deux jours que déjà il y avait dans les rues des tailleurs, des cordonniers, des barbiers, des traiteurs français avec leur enseigne. Bientôt après on ajouta le superflu au nécessaire. On eut des jardins, des cafés, des jeux publics et des cartes à jouer. Au sortir de la ville, une allée d'arbres

TOME II. -GUERRE D'Égypte.

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se dirigeait au nord; les soldats y mirent une colonne milliaire, avec l'inscription: Route de Paris. N°. onze cent soixante-sept mille trois cent quarante. C'était après avoir reçu une distribu tion de dattes, pour toute ration, qu'ils avaient eu cet accès de gaîté.

Près de Syène est l'île d'Éléphantine, où les terres, parfaitement cultivées et arrosées, donnent 4 à 5 récoltes par an. Les habitans en sont nombreux et aisés. C'est un véritable jardin, d'autant plus remarquable, qu'on y trouve réunies une grande variété de cultures et de belles ruines, qu'il est environné des déserts stériles.

Belliard, ayant appris que les Mamluks venaient sur la rive droite du Nil fourrager jusqu'à deux lieues de lui, se mit en devoir de les repousser, partit avec 400 hommes, et s'avança sur Philoe, par la route de terre, à travers le désert. Elle paraissait construite en chaussée, et avoir été autrefois très-fréquentée.

Les habitans de Philoe étaient revenus dans leur île, mais décidés à ne point recevoir les Français. Belliard continua sa route dans la Nubie, à travers un pays aride et sauvage, jusqu'à Taudi, mauvais village sur le Nil. Les Mamlouks venaient de l'abandonner, laissant leurs ustensiles et leur repas tout servi. On apprit le matin, par un espion qui avait été dépêché la nuit, que les Mamlouks ne se croyant pas en sûreté au village de Demiet, distant de 4 lieues de Taudi, en étaient partis à minuit. Le but de cette expédition étant rempli,

Belliard résolut de retourner à Syène. Pour tenir l'ennemi éloigné, il fallait dépouiller le pays. Belliard traita avec les habitans; ils vendirent leur bétail et leur récolte sur pied, qu'ils détruisirent, et ils le suivirent en Égypte, ne laissant derrière eux qu'un désert.

C'est en descendant des cataractes vers Philoe que l'on est surtout frappé de la somptuosité de ses monumens. Cette île ayant été l'entrepôt d'un commerce d'échange entre l'Égypte et l'Éthiopie, on serait tenté de croire que les Égyptiens les avaient élevés pour donner une grande idée de leur richesse et de leur magnificence aux peuples qui venaient commercer avec eux.

On entra encore en pourparlers avec les habitans de l'ile; on les trouva toujours plus obstinés dans leur opposition. On y revint le lendemain avec l'intention et les moyens de les soumettre. Dès qu'ils aperçurent la troupe, ils recommencèrent leurs cris, et se montrèrent avec les habitans de la seconde ile, accourus à leur secours, la plupart nus, armés de sabres, de boucliers, de fusils de rempart à mèches et de longues piques. On leur cria qu'on ne voulait pas leur faire de mal; ils répondirent qu'ils n'étaient pas des Mamlouks pour reculer, et qu'ils étaient résolus à se défendre; on commença à se fusiller. Il fallut travailler 36 heures à construire un radeau. Les soldats, protégés par du canon à mitraille, s'emparèrent de la seconde île. Les habitans, frappés de terreur, se jetèrent alors dans le fleuve, hom

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