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sept vaisseaux de ligne et quatre vaisseaux espagnols venant de Manille, sur lesquels il allait s'embarquer pour le golfe Persique. D'autres, et c'était l'opinion de Volney, regardant comme chimériques de semblables entreprises, pensaient qu'il fallait se contenter de pourvoir à la conservation de l'Égypte et ramener le théâtre de la guerre vers l'Europe, à Constantinople. Lorsqu'on fut instruit en France qu'une partie de l'armée d'Orient était entrée en Syrie, et quand ses premiers succès furent connus, la renommée répandit bientôt que Bonaparte avait pris Saint-Jeand'Acre; les journaux le faisaient aller à Jérusalem, à Damas, et marcher sur Constantinople avec une armée de 100,000 hommes, recrutée dans le pays.

On publiait à Paris une lettre du chirurgien en chef Larrey, du 8 pluviôse, qui semblait accréditer ces bruits, et annonçait que, dans l'armée française, on avait cru que Saint-Jean-d'Acre n'était pas le seul but de l'expédition de Syrie. « Nous allons, disait-il, partir pour la Syrie; suivez-nous maintenant, la carte de Volney à la main. Nous allons nous diriger sans doute vers l'Euphrate, si célèbre par les armées dont ses rives ont été couvertes. Nous ne désespérons pas de voir Constantinople. » Des politiques, partant de cette supposition, publièrent un écrit intitulé: De la conquête probable de l'empire ottoman par Bonaparte.

« On annonce, y disait-on, que Bonaparte, suivi de 200,000 combattans, outre l'armée française, après avoir conquis la Syrie, rendu plu

sieurs peuples à la liberté, a pénétré dans l'Anatolie, et, qu'au départ du courrier, le quartiergénéral de ce conquérant était à Angouri, à 85 lieues de Constantinople. S'il est vrai qu'il ait fait des progrès aussi rapides, et qu'il soit suivi d'une armée aussi nombreuse, nul doute qu'il ne s'empare de Constantinople et qu'il ne change la face de l'empire ottoman. Peut-être détrônant Sélim et créant un sultan qui lui sera dévoué, s'en fera-t-il un allié pour combattre l'Autriche et la Russie. Peut-être est-il dans la destinée de ce grand homme de revenir en Europe par cette route glorieuse, de refouler les barbares du nord dans leurs déserts ', et, devenu pour la seconde fois le libérateur de l'Italie, de signer à Vienne la paix générale et la liberté de plusieurs nations. En effet, Bonaparte, après avoir subjugué l'empire ottoman et l'avoir ramené à l'alliance de la République, pourrait facilement imposer aux Russes et marcher en Autriche par Belgrade. Qui sait si Passwan-Oglou ne s'unirait pas à ses grandes entreprises et si la couronne impériale ne lui serait point offerte par le nouvel Alexandre, pour prix de ses services? Il y a sans doute quelques rapports sympathiques entre ces deux héros. Qui sait si la Pologne, voyant de si près les étendards de la liberté, ne leverait point celui de la révolte contre ses tyrans ?... A ces nouvelles, les hordes d'Autrichiens et de Russes qui

Les Austro-Russes, conduits par Suwarow, combattaient alors les Français en Italie.

saccagent l'Italie, fuiraient précipitamment de cette malheureuse contrée, pour aller défendre leurs maîtres. Nos phalanges républicaines, fondant sur ces barbares, du haut des Apennins, les immoleraient à l'humanité qu'ils ont outragée, et Vienne verrait peut-être Macdonald et Moreau embrasser dans ses murs le héros dont ils sont les émules. Ces idées paraîtraient gigantesques si Bonaparte n'était point à la tête d'une armée française. >>

Ainsi, dès cette époque, en France, on croyait qu'il n'était rien de grand et de hardi que Bonaparte ne pût entreprendre en Orient. Déjà on reconnaissait dans son caractère et dans son génie ces traits qui indiquent un homme extraordinaire et appelé à opérer une grande révolution dans la politique européenne. On annonçait même que l'empereur de Maroc et les puissances barbaresques s'étaient rangés sous ses drapeaux et avaient conclu avec lui une alliance offensive contre la Porte-Ottomane. L'illusion produite par ces romans sur l'imagination confiante des Français fut de courte durée; on ne tarda point à apprendre que l'armée de Syrie avait levé le siége d'Acre et repassé le désert.

Mais il paraît certain que Bonaparte avait eu le projet ou du moins l'espoir de marcher, en cas de succès, sur Constantinople ou vers l'Inde. Devant Saint-Jean-d'Acre, dans ses entretiens et dans sa correspondance avec ses généraux, on voit percer ce dessein. S'il fût parvenu à soumettre à ses armes la Syrie jusqu'à l'Euphrate, il

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eût levé des tributs dans les principales villes de ces contrées, et tous les chrétiens de l'Asie se seraient rangés sous sa bannière. Que pouvait alors l'Angleterre avec ses vaisseaux? Tels furent, du moins, les brillans rêves auxquels s'abandonna le chef de l'armée d'Orient, telles furent les hardies conceptions auxquelles osa s'élever son génie. Napoléon lui-même a révélé ces projets dans une note où il expose les motifs de l'expédition de Syrie.

« Les Mamlouks de Mourad et d'Ibrahim-Bey, dit-il, les Arabes du désert de l'Égypte, les Druses, les Mutualis, les chrétiens et tout le parti du cheyk Daher en Syrie pouvaient se réunir à l'armée maîtresse de cette contrée, et la commotion pouvait se communiquer à toute l'Arabie. Les provinces de l'empire ottoman qui parlent arabe appelaient de tous leurs voeux un grand changement et attendaient un homme. Avec des chances heureuses on pouvait se trouver sur l'Euphrate au milieu de l'été, avec 100,000 auxiliaires, qui auraient eu pour réserve 25,000 vétérans français des meilleures troupes du monde et des équipages d'artillerie nombreux. Constantinople alors se trouvait menacée, et, si l'on parvenait à rétablir des relations amicales avec la Porte, on pouvait traverser le désert et marcher sur l'Indus à la fin de l'automne '. >>

Mémoires de Napoléeon, Gourgaud, tome 11, page 301.

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Campagne de Desaix dans la Haute-Égypte, depuis la bataille de Sédiman jusqu'à l'établissement des Français à Qosseïr.

Quoique battu à Sédiman et à Medineh-Fayoum, Mourad-Bey, à la faveur de sa cavalerie que l'infanterie française ne pouvait atteindre, était toujours resté maître des provinces de la HauteÉgypte, et avait conservé une attitude menaçante.

Il avait, de ce côté, rallié à son parti presque toutes les tribus arabes du Sayd, et s'était mis en correspondance avec les croisières anglaises devant Alexandrie et les provinces de la BasseÉgypte. Par la crainte d'une invasion des Français en Nubie, il entraînait les peuples de ce pays dans sa querelle; les Arabes d'Yambo débarquaient à Qosseïr pour le rejoindre.

Desaix était venu au Kaire pour demander à Bonaparte des renforts et se concerter avec lui. Il avait obtenu 1,000 hommes de cavalerie et 3 pièces d'artillerie légère, commandés par le général Davoust. Il fut convenu que Desaix poursuivrait vivement Mourad-Bey jusqu'aux cataractes du Nil, et détruirait les Mamlouks, ou les chasserait entièrement de l'Égypte.

Il partit de Beny-Soueyf, le 26 frimaire, à la

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