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Hassan-Bey revint, me parla de la guerre que la Sublime-Porte nous a déclarée, et me dit que l'Angleterre et la Russie allaient conjointement nous attaquer. Je lui dis en italien : Croyez-vous que la Porte s'unisse jamais à la Russie, son ennemie naturelle, et qui ne cherche qu'à s'agrandir à ses dépens? Je lui répétai que vous aviez de fréquentes correspondances par la Syrie avec Constantinople, et que le grand-seigneur ne l'ignorait pas. Le Turc, qui l'accompagne, me dit alors, avec l'accent de la férocité, qu'à Rhodes 146 Français avaient été chargés de fers, et que cette mesure avait été suivie dans tous les pachalics. Elle sera un jour désavouée par le grandseigneur. Au reste, ajoutai-je, qu'Hassan-Bey sache qu'en Égypte la religion est respectée, les mosquées consacrées, les Arabes repoussés. Qu'il lise la proclamation du divan, et il reconnaîtra dans les Français les alliés de la Sublime-Porte. ➡Je lui remis alors une proclamation, mais il la prit sans la lire.

M. Lallowell me proposa de parcourir son vaisseau. J'acceptai. Un émigré français, employé comme pilote, m'aborda dans la première batterie, parut vivement regretter son pays, et me demanda, s'il était vrai que 50,000 Grecs se fussent réunis à nous. Il ajouta, mais plus bas, que les Arabes qui se rendaient à bord tous les jours, faisaient mille contes absurdes; qu'on commençait à ne plus les croire, et qu'on n'en était pas content. Il me dit qu'il y avait 1 prisonniers français à bord. Je témoignai le désir de les voir; ce sont

des soldats de la 4°. légère. Je leur demandai s'ils étaient bien.-Nous n'avons qu'une demi-ration, me répondirent-ils. Un officier s'avança précipitamment et me dit : L'équipage lui-même n'a que la demi-ration, je vous assure. Je le crois, monsieur, lui répliquai-je, nous partageons toujours avec nos prisonniers.

Le vaisseau du commodore Hood était encore très-loin. M. Lallowell fit servir à dîner. Il avait plus de laisser aller; il me parla de la paix, de l'ambition de notre gouvernement; et finit par ces mots : C'est vous qui ne voulez pas la paix. Je lui rappelai, quoique assez légèrement, que, vainqueurs des puissances continentales, c'était toujours nous qui l'avions offerte; que dernièrement encore, maître de la Styrie, de la Carniole et de la Carinthie, vous fites envers le prince Charles une démarche pleine de loyauté et de franchise, en lui écrivant cette lettre que je lui récitai toute

entière.

Eh bien, soit dit M. Lallowell, sur lequel cette lettre avait fait effet: A une paix honorable pour les deux nations!

A 5 heures, nous nous embarquâmes, M. Lallowell, Hassan-Bey et moi, pour nous rendre à bord de M. Hood. Nous y arrivâmes à 8 heures du soir. Il me reçut plus froidement encore que ne l'avait fait d'abord M. Lallowell; il me fit entrer, sortit, et causa longtemps avec ce capitaine et le bey. Il rentra; je lui dis: Vous savez, M. le commodore le sujet de ma mission près de vous. -Oui; mais Hassan-Bey ne recevra pas la lettre

de M. Bonaparte.- Cependant il l'eût reçue ce matin, si vous l'aviez permis. (J'appuyai fortement sur ce mot.)-Eh bien! que ce Turc la présente, il la recevra ou ne la recevra pas, il est parfaitement libre. Muhammed la présenta. Hassan-Bey la reçut et l'ouvrit. L'interprète anglais s'approcha; ils la lurent; sourirent ironiquement à diverses reprises; M. Hood affectait aussi de rire. J'ai été très-étonné, me dit-il, du Turc que le général m'a envoyé sous le pavillon parlementaire turc. Vous doutez donc de la déclaration de guerre que vous a faite la Porte? Eh bien, je vous donne ma parole d'honneur qu'elle est réelle. Et M. Bonaparte que fait-il ?-Il est parti pour Suez après avoir reçu un courrier de cette ville; il a conclu un traité d'alliance avec les Arabes du Mont-Sinaï et les princes du Mont-Liban. J'avais déjà parlé légèrement de l'arrivée à Suez de vaisseaux et de bâtimens de transport à quelques officiers.

Je demandai ensuite à M. Hood, s'il y avait longtemps qu'il n'avait reçu des nouvelles d'Europe. Depuis plus de sept semaines; j'en attends tous les jours; je m'empresserai de faire passer les journaux à M. Bonaparte. Le général Manscourt m'a fait demander ses lettres par un parlementaire très-aimable, ajouta-t-il en riant. Je transmettrai celles qui seront indifférentes, je vous en donne ma parole. Je ferai même passer un mot en France ou en Italie. Oh! yous êtes bien bon, repris-je précipitamment ; c'est inutile. Depuis le commencement de septembre, tous les

cinq ou six jours, il part un bâtiment pour France. Déjà plusieurs officiers et aides-de-camp du général en chef ont été expédiés. - Oui! — Assurément; vous devez en avoir pris beaucoup. Avezvous pris le frère du général Bonaparte?-Comment, le frère de M. Bonaparte?—Oui. Il est parti d'Alexandrie, il y a 25 ou 30 jours. Il parut ne pas le croire; je le lui confirmai.--Au surplus, il n'échappera pas aux croisières supérieures.-Il me demanda ensuite si j'étais venu d'Abouqyr, et si j'ignorais la lettre que lui avait écrite l'adjudant-général Lescale. Il me la communiqua. Elle pouvait être mieux.

-Mon intention, continua M. Hood, est de me conduire envers vous comme votre nation se conduira envers nous. Vous voyez que j'eusse pu ne pas vous recevoir. Je suis même étonné que M. Lallowell vous ait permis de vous rendre à son bord venant d'Abouqyr.-Je lui répondis que j'étais parti de Rosette, mais que la barre du Nil étant trop forte, j'avais été obligé de venir par Abouqyr. Qu'au reste, il pouvait être dangereux pour nous que des parlementaires pénétrassent dans un fort et dans un poste dont ils pourraient reconnaître la position, tandis qu'il n'était de nulle conséquence pour eux qu'un parlementaire vînt de tel ou tel point, se rendît à tel ou tel bord. -En vous envoyant des lettres, reprit M. Hood, je ne suivrai pas l'exemple de votre gouvernement qui vient d'ordonner que toutes les lettres adressées à des Anglais, et prises sur quelque bâtiment que ce soit, soient portées en France,

Vous faites la guerre comme on ne la fit jamais; nous la ferons comme vous; nous vous imiterons, de quelque manière que vous agissiez.-Je crois, M. le commodore, lui ai-je répondu, que sur ce point nos deux gouvernemens n'ont rien à se reprocher; quant au général Bonaparte, sa manière de faire la guerre a toujours été franche, loyale, et réglée par l'humanité. Je lui racontai alors les attentions que vous eûtes pour le maréchal Wurmser, au siége de Mantoue; que vous lui aviez envoyé toutes sortes de rafraîchissemens pour ses malades, générosité qui avait fort étonné le vieux maréchal. Je lui parlai de l'humanité avec laquelle les deux nations belligérantes avaient mutuellement traité leurs prisonniers.

J'ajoutai que je savais que votre intention était de fournir aux Anglais les choses qui leur seraient agréables, et qui pourraient leur manquer. M. Hood parut surpris de cette politesse, remercia, et me dit qu'il ne manquait de rien.

Je continuai en lui disant que vous désiriez que le premier parlementaire qu'il enverrait fût adressé à Rosette. Mais, dit-il, en m'interrompant, il me paraît plus simple de l'envoyer à Alexandrie. -Le genéral désire que vous ayez la complaisance de le faire venir à Rosette; les ordres sont donnés pour que, de là, il soit introduit au Kaire. Dans ce cas, le général désire que vous choisissiez quelqu'un qui soit intelligent, et qui ait votre confiance.-Eh bien, soit! je suivrai cette marche.

Je saisis cette occasion pour offrir à un ministre protestant qui venait de témoigner un vif désir

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