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taille, vif, intrépide, conduisait sa troupe avec ordre et hauteur. Il se présenta au général en chef, marcha pendant quelques temps à ses côtés, le serrant de très-près, et causant avec beaucoup de familiarité. « Sultan Kébir, lui dit-il, j'aurais un bon conseil à vous donner.-Eh bien, parle, mon ami, je le suivrai, s'il est bon. Voici ce que je ferais si j'étais à votre place. En arrivant au Kaire, je ferais venir le plus riche marchand d'esclaves et je choisirais pour moi les vingt plus jolies femmes; je ferais venir ensuite les plus riches marchands de pierreries et je m'en ferais donner une bonne part. J'en ferais autant avec tous les autres; car à quoi bon régner si ce n'est pour acquérir des richesses?-Mais, mon ami, s'il était plus beau de les conserver aux autres? » Cette maxime parut le faire penser, mais non le

convaincre.

Les blessés qui n'avaient pu être évacués par mer et qui suivaient l'armée dans sa retraite, n'avaient pour toute nourriture que quelques galettes de biscuit et un peu d'eau douce; on les pansait avec l'eau saumâtre des puits que l'on trouvait en route. Un grand nombre d'entre eux, affectés de blessures graves à la tête et à la poitrine, ou privés de quelques membres, traversèrent 60 lieues de désert sans nul accident, et presque tous, en rentrant en Égypte, se trouvèrent guéris. Les causes de ce prompt rétablissement étaient le changement de climat, l'exercice, les chaleurs sèches du désert et la joie que chacun d'eux éprouvait à son retour dans un pays qui, par les cir

constances et ses grandes ressources, était devenu pour les soldats presque aussi cher que leur propre patrie.

L'armée trouva sur sa route, dans les bas-fonds du désert, quelques bassins d'eau douce et bourbeuse, remplis de petits insectes, parmi lesquels se trouvait une espèce de sangsue, de la grosseur d'un crin de cheval et longue de plusieurs lignes seulement; mais susceptible d'acquérir le volume d'une sangsue ordinaire, gorgée de sang. Les soldats, pressés par la soif, se jetaient sur ces lacs et en buvaient l'eau avec avidité. Bientôt plusieurs d'entre eux ressentirent une grande irritation et des piqûres très-douloureuses à la gorge. Ils maigrissaient à vue d'oeil, perdaient l'appétit et le sommeil. Larrey fut pendant quelques temps embarrassé sur la cause de cette maladie. Enfin, après avoir examiné un soldat, il lui abaissa la la langue avec une cuiller et découvrit une sangsue grosse comme le petit doigt dont la queue se présentait à l'isthme du gosier. Il l'arracha avec une pince et le malade se trouva soulagé. Une vingtaine de soldats éprouvèrent le même accident '.

L'armée continua sa marche sur Qatieh où elle arriva le 16 (4 juin), après avoir horriblement / souffert de la soif. Quoique les divisions marchassent à distance, l'eau des puits était moins abondante et plus saumàtre qu'au premier passage.

'Larrey, Relation chirurgicale de l'armée d'Orient, page 154.

Bonaparte trouva à Qatieh le général Menou qui y était arrivé depuis quelques jours pour se rendre dans son gouvernement de Palestine. L'armée se reposa à ce poste pendant deux jours. Accompagné de Menou et de Monge, Bonaparte alla visiter les ruines de Peluse, situées à quatre lieues sur le bord de la mer. Dans le désert, le soldat aurait à peine cédé sa place à son général pour s'approcher d'un source fangeuse; à Peluse, Bonaparte se trouva suffoqué par la chaleur. On lui céda un débris de porte où il put pendant quelques instans se mettre à l'ombre, et on lui faisait là, disait-il, une immense concession. Il alla ensuite reconnaître le fort de Tineh, et l'ancienne bouche tanitique du Nil, nommée par les Arabes Omfàreg, située à trois lieues nord-ouest de Peluse. Il ordonna des travaux pour augmenter les fortifications de Tineh, et revint à Qatieh. Il laissa une garnison de 600 hommes dans le fort et en réunit le commandement à celui d'El-Arych. Le général en chef se mit en marche avec les troupes, excepté la division Kléber qui alla s'embarquer à Tineh pour se rendre à Damiette, par le lac Menzaleh. Arrivé dans la plaine de sable, située entre le Pont-du-Trésor et Salhieh, l'armée éprouva les effets terribles du Kamsín. Ce vent empoisonné et brûlant incommoda tellement les soldats, qu'ils furent contraints de se mettre la face dans le sable, à l'exemple des chameaux, jusqu'à la fin de la tempête qui dura plus de deux heures; le chirurgien en chef Larrey, fortement

suffoqué, perdit connaissance et fut sur le point de périr. Quelques soldats, convalescens de la peste, succombèrent dans cette tourmente.

L'armée arriva à Salhieh le 20 prairial (8 juin); le général en chef prit des mesures sanitaires pour empêcher que la contagion qui avait régné dans l'armée de Syrie, ne se répandit en Égypte. Il fit soumettre à une quarantaine tous les individus attaqués de la fièvre à bubons, et ordonna aux officiers de santé de faire des visites dans les différens corps pour s'assurer de la salubrité de l'armée '.

En rentrant sur le territoire égyptien, Bonaparte apprit avec indignation que Sidney Smith, après avoir échoué dans ses tentatives pour corrompre l'armée de Syrie, les avait renouvelées quelques jours après en Égypte. Non content d'avoir essayé par ses intrigues de séduire les troupes et de soulever les habitans, ce commodore avait ouvertement fait sommer Almeyras, commandant à Damiette, de se rendre, annonçant que le général en chef avait péri devant Acre avec son armée. Il avait écrit au commandant des

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troupes françaises au Kaire, accompagnant sa lettre de la proclamation de la Porte 3. Dugua avait dédaigné d'y répondre.

Le général en chef, considérant

'Arrêté du 21 prairial.

que,

dans cette

Voyez la lettre de Sidney Smith, du 25 mai (6 prairial), pièces justificatives, no. IV.

3 Voyez cette proclamation, pièces justificatives, no. III.

circonstance, l'ennemi avait fait l'abus le plus condamnable du caractère sacré de parlementaire, ordonna que tout parlementaire qui serait porteur d'écrits, lettres ou imprimés de la nature des propositions faites au général Dugua par le commandant de l'escadre anglaise, serait arrêté, détenu pendant six heures, et renvoyé pour toute réponse avec les cheveux coupés. Il écrivit de Salhieh à Dugua: « Le commandant anglais qui a sommé Damiette est un extravagant. Comme il a été toute sa vie capitaine de brûlots, il ne connaît ni les égards, ni le style que l'on doit prendre quand on est à la tête de quelques forces. L'armée combinée dont il parle a été détruite devant Acre où elle est arrivée 15 jours avant notre départ, comme je vous en ai instruit par ma lettre du 27 floréal. Je partirai d'ici demain et je serai probablement le 26 ou le 27 à Matarieh, où je désire que vous veniez à la rencontre de l'armée, avec toutes les troupes qui se trouvent au Kaire, hormis ce qui est nécessaire pour garder les forts. Vous mènerez avec vous le divan et les principaux du Kaire, et vous ferez porter les drapeaux que je vous ai envoyés, en différentes occasions, par autant de Turcs à cheval. Il faut que ce soit des odjaklys; après quoi nous rentrerons ensemble dans la ville. Quand vous serez à 100 toises devant nous, vous vous mettrez en bataille, la cavalerie au centre et l'infanterie sur les ailes; nous en fe

rons autant.

Il me tarde beaucoup d'être au Kaire pour pou

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