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se ranger en bataille. Toute la garnison était hors des murs et présentait une ligne formidable; elle combattit avec un acharnement et une fureur qu'elle n'avait point encore déployés. Elle persistait toujours à marcher sur les batteries, et pénétra dans le boyau qui couronnait le glacis de la tour de brèche; mais le général de brigade Lagrange, qui commandait la tranchée, attaqua les Turcs avec deux compagnies de grenadiers, reprit le boyau, et, malgré la résistance la plus opiniâtre, les poursuivit jusque dans les places d'armes extérieures, et de là les rejeta derrière les murs. Le champ de bataille resta jonché des cadavres de l'ennemi: il n'avait pas encore fait une perte aussi énorme. Ce fut le dernier combat où les Français signalèrent leur courage contre les Musulmans, sur le sol de la Syrie.

Les postes avancés étant rentrés au camp dans la journée du 1o. prairial (20 mai), toute l'armée se trouva réunie, et, à neuf heures du soir, Bonaparte leva le siége de Saint-Jean-d'Acre. La division Lannes se mit en marche sur la route de Tentoura, suivie des équipages de l'armée et de la division Bon, qui, depuis la mort de son général, était commandée par Rampon. La division Kléber prit position en arrière du dépôt de la tranchée, et la cavalerie se plaça devant le pont de Kerdanneh, à 1500 toises de la place. La division Reynier quitta la dernière la tranchée, se replia dans le plus grand silence, portant à bras l'artillerie de campagne, et suivit la marche de l'armée. Lorsqu'elle eut passé le pont, la division

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Kléber fit son mouvement; elle fut suivie de la cavalerie qui eut l'ordre de ne quitter la rivière que deux heures après le départ de toute l'infanterie. Cent dragons furent laissés pour protéger les ouvriers chargés de détruire les deux ponts,

Le général en chef avait préféré lever son camp pendant la nuit, pour que la garnison n'en eût pas connaissance, et que l'armée, qui devait cotoyer la mer jusqu'à Caïffa, ne fût pas maltraitée par le feu des vaisseaux anglais. Les Turcs continuèrent leur feu pendant toute la nuit et ne s'aperçurent qu'au jour de la retraite des Français. Ils ne poursuivirent point l'armée, trop affaiblis pour quitter leurs murailles, et s'estimant très-heureux d'être délivrés d'un ennemi aussi redoutable.

Avant de quitter Caïffa, les Français brûlèrent les magasins, firent sauter les fours qu'ils avaient construits, le fort et les murs de la ville. Ils continuèrent leur route et arrivèrent le 2 prairial au matin au petit port de Tentoura, sur lequel le général en chef avait évacué l'artillerie de siége et celle qu'il avait prise aux Turcs. Mais on n'avait pas assez de chevaux pour la transporter en Égypte; on jeta 22 canons à la mer, et on brûla les affûts et les caissons. Tous les moyens de transport furent réservés pour l'évacuation des blessés et des malades, même de ceux qui avaient la peste. Généraux, officiers, administrateurs, tous ceux qui avaient des chevaux les donnèrent; il ne resta pas un seul Français en arrière. Au mo ment où l'armée partait de Tentoura, un piqueur

amena un cheval à Bonaparte qui marchait à pied avec l'état-major. « Avez-vous donc oublié, lui dit le général, d'un ton sévère, que j'ai ordonné que tous mes chevaux, sans exception, fussent conduits à l'ambulance pour servir au transport des blessés ? >>

L'armée arriva, le 3, à Césarée; elle campa parmi des débris de colonnes de marbre et de granit, qui annonçaient ce qu'avait été autrefois cette ville. Bonaparte et l'état-major se baignèrent dans la mer avec une partie de l'armée.

Le 4 prairial, elle continua sa route sur Jaffa. Près du port d'Abou-Zamboura, elle rencontra un grand nombre de Naplousains réunis depuis quelques jours pour s'embarquer sur des bâtimens anglais et aller renforcer la garnison d'Acre. Le général en chef leur fit donner la chasse par la cavalerie et ordonna de fusiller tous ceux qui seraient pris les armes à la main.

L'armée arriva, le 5, à Jaffa. On s'occupa de l'évacuation des blessés, tant par mer que par terre. Comme il n'y avait dans le port qu'un petit nombre de bâtimens, le général en chef fut obligé de prolonger le séjour de l'armée dans cette ville jusqu'au 9 prairial, pour achever l'évacuation par terre. Pendant ce temps, on fit sauter les fortifications de Jaffa; on jeta à la mer toute l'artillerie en fer qui se trouvait dans la place, et on ne réserva que celle de bronze.

Les habitans de plusieurs cantons n'avaient cessé depuis le commencement de la campagne de tenir une conduite hostile envers les Français.

Ils s'étaient attiré leur vengeance en pillant les convois et en égorgeant les soldats qui les escortaient. Avant de rentrer en Égypte, Bonaparte résolut de les punir. Des colonnes mobiles se répandirent dans les villages, chassèrent les habitans, enlevèrent les bestiaux, brûlèrent les habitations et les récoltes. En détruisant toutes les ressources de ces contrées, on ôtait aussi aux troupes ennemies les moyens de poursuivre l'armée française et de troubler sa retraite. Des écrivains qui ont traité de cette campagne et qui, dans leur extrême sensibilité, n'ont cessé de s'attendrir sur le mal fait par les Français à ces pauvres orientaux, comme on sait si bons, si humains et si généreux, n'ont pas manqué de déplorer ces ravages, en effet tristes résultats de la guerre, et d'en faire un chef d'accusation contre Bonaparte, comme si, même en Europe, les armées des nations les plus policées n'en avaient pas, de tout temps, commis de semblables, pour leur utilité et pour nuire à leur ennemi.

Dans la campagne de Syrie, Jaffa se trouve être un point sur lequel plusieurs faits remarquables ont appelé particulièrement l'attention de l'histoire. Nous avons déjà essayé d'en éclaircir un relatif aux prisonniers passés par les armes. Nous en avons rappelé un autre, l'attouchement des pestiférés, témoignage honorable du dévoûment de Bonaparte au salut de l'armée. Il nous reste à en examiner un troisième dont on a fait contre lui un chef d'accusation: il s'agit de l'empoisonnement de malades français. C'est encore l'Anglais

Robert Wilson qui le premier le révéla '. Suivant cet écrivain, il n'y en avait pas moins de 580 à Jaffa, auxquels, pour , pour hâter leur mort, on donna de l'opium mêlé avec leur nourriture. Miot dit seulement que le bruit courut dans toute l'armée (et que le fait ne paraît que trop avéré), que quelques blessés du Mont-Carmel et une grande partie des malades à l'hôpital de Jaffa périrent par les médicamens qui leur furent administrés. Suivant Martin, c'est dans l'hôpital de Caïffa que le crime fut commis. On se trouva dans le plus grand embarras pour le transport d'une immense quantité de malades et de blessés; on leur administra des médicamens empoisonnés pour accélérer leur mort. Quelques blessés même se sauvèrent à la nage sur les bâtimens anglais où ils furent traités avec humanité 3. Pour rendre le fait encore plus odieux, on a représenté le médecin en chef Desgenettes comme ayant, dans cette circonstance, héroïquement combattu Bonaparte, et refusé de lui prêter son ministère. D'autres écrivains ont réduit à 50 environ le nombre des pestiférés jugés intransportables, auxquels il fut administré de l'opium à Jaffa, d'après la décision unanime d'un comité convoqué par Bonaparte. Ils ajoutent que plusieurs eurent une crise salutaire qui les sauva, et que 15 ou 18 succombèrent 4.

▾ Histoire de l'expédition britannique en Égypte, par Égypte, par Robert

Thomas Wilson, tome 1, page 127.

2

Miot, page 205,

5 Martin. Histoire sur l'Expédition d'Égypte, t. 1, p. 314. ▲ Victoires et Conquêtes.- Voyage en Autriche, etc., par Cadet-Gassicourt, page 391.

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