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tranchée, les lança dans ce moment sur la brèche. Leur arrivée enflamma les assaillans d'une nouvelle ardeur. Les Turcs étaient parvenus à couronner la grande brèche et soutinrent l'assaut avec beaucoup de courage. Le combat se rétablit avec acharnement sur les trois brèches. Plusieurs fois les assiégés furent culbutés derrière leurs murs; mais, remplacés bientôt par des troupes fraîches, ils chargeaient les assiégeans avec vigueur, reprenaient possession de la brèche et les rejetaient dans le fossé. On voyait des grenadiers se battre corps à corps avec des Turcs sur des tas de décombres et de cadavres. Les officiers et les généraux combattaient à l'arme blanche, confondus dans la mêlée. Lannes, blessé à la tête par un coup de feu, fut contraint de se retirer. La nuit était venue, et l'ennemi se présentait sur tous les points dans un nombre effrayant; les Français désespérèrent de pouvoir pénétrer dans la ville, et, ayant vu partir leur chef, le suivirent dans la tranchée. Le général Rambault avec ses 200 grenadiers, coupé de la brèche par l'ennemi, et cerné dans la ville, y trouva la mort ainsi que la plus grande partie des siens.

La perte des Turcs, dans cette journée, fut énorme. Exposés au feu de toutes les batteries françaises chargées à mitraille, un grand nombre avaient péri sur la brèche, et les fossés étaient remplis de leurs cadavres, sans compter ceux qui avaient été tués derrière les murs. Les Français firent jouer leurs batteries pendant toute la journée du 20 floréal. Les succès qu'ils avaient obte

nus dans le dernier assaut parurent tels au génėral en chef, qu'il résolut d'en donner un nouveau le 21 floréal. Il se porta lui-même dans la tranchée à deux heures du matin, pour reconnaître les progrès du feu de la veille et de la nuit, et pour disposer l'attaque. Il espérait surprendre les assiégés, et pouvoir se loger en force sur le rempart. Au moment où il observait la brèche, une bombe lancée par l'ennemi tomba à ses pieds. Deux grenadiers se jetèrent sur lui, le placèrent entre eux, et le couvrirent en élent leurs bras au-dessus de sa tête. La bombe eclata, et personne n'en fut atteint. Le génél Verdier conduisit les troupes à l'assaut; elles parvinrent au point indiqué, surprirent les gardes et les égorgèrent. Bonaparte s'avança lui-même jusqu'au pied de la brèche, cherchant à exalter le dévoùment des soldats par son exemple, et resta pendant quelques instans exposé au feu des remparts. Mais arrêtés par le retranchement intérieur qu'il leur fut impossible de franchir, ils furent obligés de se retirer, rapportant au camp le général Bon, blessé à mort dans l'assaut.

Les batteries des assiégeans continuèrent de jouer pendant toute la journée. A quatre heures du soir, la division Kléber, qui venait d'arriver, sollicita et obtint l'honneur de monter à la brèche. Formée en colonne d'attaque, elle marchait pleine d'ardeur et de confiance, commandée par Kléber

'Un de ces grenadiers, nommé Doménil, devint dans la suite général, et perdit une jambe dans la campagne de Russie.

en personne. Mais après avoir sauvé la vie à ce général, à la bataille du Mont-Thabor, Bonaparte ne voulant point risquer de perdre, dans un assaut incertain, une tête qui lui était si chère, envoya dire à Kléber de revenir près de lui. Le chef de brigade Venoux eut ordre de le remplacer. Avant de partir pour ce poste honorable, il dit au général Murat, son ami : « Si ce soir Acre n'est pas prise, sois assuré que Venoux est mort ». Il mena les troupes à la brèche. Cet assaut, où l'on fit de part et d'autre des prodiges de valeur, fut aussi infructueux que les précédens pour les Français. La nouvelle enceinte de Saint-Jean-d'Acre ne pût être forcée; mais quand les soldats rentrès rent au camp, Venoux n'était plus fidèle à sa promesse, il avait péri de la mort des braves en combattant sur les remparts.

Dans les trois derniers assauts, les Français eurent environ 500 blessés et plus de 300 tués parmi lesquels l'adjudant-général Fouler, les of ficiers d'état-major Netherwood, Pinault, Monpatris, Gerbaud et Croisier, aide-de-camp de Bonaparte. Dans les sorties que tenta l'ennemi, et même dans les assauts, les Français firent un grand nombre de prisonniers.

« J'ai été parfaitement content de l'armée, écrivit Bonaparte au Directoire : dans ces événemens,

et dans un genre de guerre si nouveau pour les

Européens, elle fait voir que le vrai courage et les talens guerriers ne s'étonnent de rien et ne se rebutent d'aucun genre de privation. Le résultat sera, nous l'espérons, une paix avantageuse, un

accroissement de gloire et de prospérité pour la République'. »

Les cadavres des soldats tués en combattant sur les murs, répandus dans les fossés et en avant de la tranchée, exhalaient une infection dangereuse. Le feu de l'ennemi ne permettant pas d'y pénétrer pour les nettoyer, Bonaparte voulut ouvrir une négociation avec Djezzar pour leur donner la sépulture et pour échanger les prisonniers faits de part et d'autre. Parmi ceux que le général en chef proposait de restituer était Abdallah - Aga, pris par les Français dans le sac de Jaffa . Il envoya dans la ville un Turc arrêté la veille comme espion; il était porteur d'une lettre de Berthier qui invitait le pacha à nommer un chargé de pouvoir pour s'aboucher sur ces objets avec un officier français. Les Turcs ne voulurent point laisser entrer le parlementaire et tirèrent sur lui; l'artillerie continua de jouer de part et d'autre. Le 24, Bonaparte envoya de nouveau son parlementaire aux Turcs; on le laissa entrer dans la ville, et on l'y retint prisonnier. Le soir, au signal d'un coup canon, l'ennemi fit une sortie générale; mais Bonaparte qui l'avait prévue, avait ordonné au commandant de l'artillerie Dommartin de se tenir prêt à faire une vive décharge à bombes et à mitraille dès que les Turcs se réuniraient pour sortir des murs 3. Le feu des batteries fut dirigé avec

de

'Lettre de Bonaparte, du 22 floréal (11 mai).

2 Lettre de Berthier à Djezzar, du 22 floréal.
3 Lettre de Bonaparte à Dommartin, du 22 floréal.

tant d'habilité, que l'ennemi fut repoussé sur-lechamp dans la place.

Dans la nuit du 25 au 26 floréal, Sidney Smith mit à la voile et s'éloigna de Saint-Jean-d'Acre. Il avait appris que le contre-amiral Perrée, en croisant devant Jaffa, s'était emparé de deux avisos anglais et de deux gros bâtimens séparés par les vents de la flotte turque, sur lesquels se trouvaient six pièces d'artillerie de campagne, une quantité considérable de harnois et de provisions de bouche, 400 hommes de troupes, l'intendant de la flotte et 150,000 francs en numéraire. Inquiet sur le sort d'une flottille qu'il avait envoyée' devant le port d'Abou-Zaboura pour embarquer des Naplousains que Djezzar croyait avoir de nouveau déterminés à se soulever, le commodore anglais se dirigea sur ce point et arriva assez tôt pour dégager cette flottille à qui Perrée donnait la chasse. Les frégates françaises prirent le large et ne furent point poursuivies par les Anglais qui s'empressèrent de retourner à Saint-Jean-d'Acre.

Le 27, au point du jour, l'ennemi fit une nouvelle sortie et fut repoussé avec une grande perte derrière ses murs. A sept heures du matin, il en tenta une autre. Un corps de l'armée de Rhodes, exercé à l'européenne et armé de baïonnettes, dé boucha des places d'armes en colonnes serrées et se dirigea sur la tranchée où le général Verdier, qui y commandait, l'accueillit par une vive fusillade. Le général en chef fit replier les postes avancés, et fit jouer les batteries de campagne qui, chargées à mitraille, balayaient les rangs enne

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