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Il s'avançait à leur tête, sous le feu d'une terrible fusillade qui plongeait du premier étage, lorsqu'il reçut une blessure dangereuse qui le renversa. Loin de perdre courage, aigris par les nouveaux obstacles qu'ils rencontraient à chaque pas, ces braves se hissèrent à plusieurs reprises, sur les épaules les uns des autres, pour tenter d'escalader le premier étage. Après avoir lutté pendant plusieurs heures contre des difficultés insurmontables, ne voulant point rentrer au camp avant que le général en chef ne les eût rappelés, il parvinrent à se pratiquer un logement à l'abri du feu de l'ennemi, et s'y maintinrent jusqu'à la nuit. Deux d'entre eux prirent le général Vaux sur leurs bras, et le rapportèrent au camp, à la faveur de l'obscurité. Ils dirent au général en chef que l'étage supérieur était inexpugnable, et que toutes les tentatives pour s'en emparer seraient infructueuses. Alors il envoya aux soldats qui étaient dans la tour l'ordre d'abandonner leur logement, et ils rentrèrent dans la tranchée.

Le 8 floréal fut un jour de deuil pour l'armée. Caffarelli Dufalga mourut des suites de sa blessure. Pendant 13 jours, il avait semblé s'avancer à grands pas vers sa guérison, lorsqu'il fut atteint d'une fièvre nerveuse et de résorption, que déterminèrent la vivacité de ses passions et l'humidité des nuits. Avant sa mort, il avait eu plusieurs jours de délire. Lorsqu'on lui annonçait Bonaparte, ce nom semblait le rappeler à la vie, il se recueillait, reprenait ses esprits, causait avec

suite, et retombait aussitôt après le départ du général en chef. Ainsi périt à l'âge de 43 ans un général aussi recommandable par ses qualités et ses connaissances civiles, que par ses talens militaires et son dévoûment à la patrie, emportant les regrets de toute l'armée. La tombe qu'elle lui éleva devant Acre, protégée par la renommée de l'homme de bien dont elle renfermait la cendre, fut, dit-on, respectée longtemps après par l'ennemi.

Cependant l'artillerie de siége arriva de Jaffa. Les soldats allaient la voir par curiosité, ne doutant point qu'elle ne décidât du sort de la place. L'ennemi, depuis plusieurs jours, travaillait avec vigueur à des ouvrages extérieurs et avait établi deux places d'armes pour protéger ses sorties, et flanquer la tour d'attaque; sa ligne de défense, protégée par sa nombreuse artillerie des remparts, paraissait formidable. Pour éteindre ses feux, et parvenir à se loger dans ses ouvrages, il aurait fallu avoir une grande supériorité d'artillerie, et beaucoup plus de munitions que n'en avaient les Français. On y pénétrait quelquefois après des prodiges de valeur; mais les moyens de s'y maintenir manquaient, et l'ennemi ne tardait pas à y rentrer.

Le 12 floréal, l'artillerie de siége étant dressée en batterie de brèche, on recommença à canonner cette tour ébranlée, afin de la démolir entièrement. Bientôt elle ne présenta plus qu'une ruine et l'artillerie de l'ennemi fut éteinte. Sentant qu'ils

ne pouvaient plus défendre leurs murailles par le canon les Turcs se bornèrent à occuper les boyaux dont ils avaient couronné leurs glacis. Protégés par leur mousqueterie, ils rendaient difficile l'abord de la place, et semblaient ne plus redouter l'assaut. Vingt-cinq grenadiers eurent ordre de les déloger; ils parvinrent à couronner la brèche; mais, à l'instant même, les Turcs, sortant avec impétuosité de leurs boyaux, repoussèrent les assaillans et descendirent en grand nombre des murailles. On combattit pendant toute la soirée pour les faire rentrer dans la place. Deux compagnies de grenadiers les chargèrent avec la plus grande audace, parvinrent à les couper de la ville, et tout ce qui échappa à leurs coups fut précipité dans la mer. L'ennemi perdit environ 500 hommes; les Français eurent une quinzaine de tués et 30 blessés.

Quoique la tour carrée fût presqu'entièrement rasée, Bonaparte, après avoir été témoin des efforts inouïs de ses soldats pour s'en emparer, sentit qu'il lui serait plus facile de pénétrer dans la place par un autre point. On abandonna cette fatale tour, tombeau de tant de braves, et on dressa les pièces de 24 en batterie pour ouvrir une nouvelle brèche, afin de donner un assaut général et en masse, dès qu'elle serait praticable.

Prévoyant que les rives du Jourdain pourraient être le théâtre de nouveaux combats, le général en chef envoya, le 13 floréal, les ingénieurs-géographes, Jacotin et Faviers, au camp du général

Kléber pour lever le cours de ce fleuve et les gorges qui y aboutissent '.

Il écrivit au général Junot d'assurer le cheyk Daher que son intention était de le nommer cheyk de la ville de Saïde, qui, par son importance, était bien supérieure à Saffet et à Chefamer; que, voulant lui remettre bientôt ce poste entre les mains, il l'engageait à rassembler le plus de monde possible, afin d'être en force pour s'y

maintenir.

Pendant les diverses opérations du siége, les officiers de santé, l'ordonnateur en chef, les commissaires des guerres, rivalisaient de zèle pour le soulagement.des malades et des blessés. Le général en chef et son état-major y concouraient aussi en retranchant de la table la plus frugale ce qui pouvait être utile aux hôpitaux '.

Tous les genres d'héroïme devaient éclater dans cette brave armée. Par le zèle et l'activité qu'il avait constamment déployés depuis le commencement de la campagne, le chirurgien en chef Larrey s'était concilié l'affection de tous les soldats. On le voyait, lui et ses dignes confrères, sous le feu de l'ennemi, panser les malheureux blessés au pied de la brèche. Plusieurs officiers de santé reçurent des blessures à ce poste honorable; l'un d'eux même fut tué; mais rien ne pouvait arrêter leur ardeur et leur dévoûment 3.

'Lettre au commandant du génie, du 13 floréal. 'Histoire médicale de l'armée d'Orient, Desgenettes, p. 86. 3 Relation de Berthier, page 118.

le

Le médecin en chef Desgenettes, par un de ces élans généreux qui caractérisent une ame douée d'un profond amour de l'humanité, eut le courage de s'inoculer publiquement la peste, pour rassurer les imaginations et guérir le moral de l'armée. A l'hôpital, il trempa une lancette dans pus d'un bubon appartenant à un convalescent de la maladie au premier degré, et se fit une légère piqûre dans l'aine et au voisinage de l'aisselle, sans prendre d'autre précaution que celle de se laver avec de l'eau et du savon qui lui furent offerts. Il eut pendant plus de trois semaines deux petits points d'inflammation correspondans aux piqûres, et ils étaient encore très-sensibles, lorsque, pendant la retraite, il se baigna en présence d'une partie de l'armée dans la baie de Césarée.

Néanmoins Desgenettes pensait que cette expérience était incomplète, et qu'elle prouverait peu de chose pour l'art. Elle n'infirmait point la transmission de la contagion, démontrée par mille exemples. Seulement, elle faisait voir que les conditions nécessaires pour qu'elle eût lieu n'étaient pas bien déterminées. Il courut plus de dangers, avec un but moins grand, lorsque, invité par le quartier-maître de la 75°. demi-brigade, une heure avant sa mort, à boire dans son verre une portion de son breuvage, il n'avait point hésité à lui donner cet encouragement. Ce fait, qui eut lieu devant un grand nombre de témoins, fit notamment reculer d'horreur le citoyen Durand,

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