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ces mers, ils ne seraient pas assez dupes pour ne pas venir devant Alexandrie; de dire à l'amiral, comme par inadvertance, que depuis les premiers jours de septembre, le général en chef faisait partir journellement un officier pour la France qu'il avait expédié plusieurs de ses aides-de-camps et entre autres son frère Louis; de iui demander des nouvelles de la frégate la Justice sur laquelle il avait un cousin ; de dire, mais très-légèrement, que le général en chef était à Suez, où il était arrivé de l'Ile-de-France un très-grand nombre de bâtimens ; qu'il désirait que le premier parlementaire anglais qu'on enverrait débarquât à Rosette et vînt au Kaire; que si l'amiral avait de la difficulté à faire de l'eau, ou à se procurer des choses qui pourraient lui être agréables, l'intention du général en chef était de les lui fournir; de raconter que devant Mantoue, sachant que le maréchal Wurmser avait une grande quantité de malades, Bonaparte lui avait envoyé beaucoup de médicamens, et lui faisait passer tous les jours six paires de bœufs et toutes sortes de rafraîchissemens; qu'il était très-satisfait de la manière dont l'amiral traitait les prisonniers français '.

Guibert rendit compte de sa mission par le rapport suivant, dans lequel il justifiait la bonne opinion que Bonaparte avait de son habileté. Il contient un tableau exact et curieux de la situation des affaires du Levant à cette époque.

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« Le 2 frimaire, à la pointe du jour, je partis

Lettre de Bonaparte, du 26 bruinaire.

d'Abouqyr pour me rendre à bord de la flotte anglaise. Un seul vaisseau était mouillé à la pointe; c'était le Swiftshure, commandé par M. Lallowell. Une chaloupe vint au devant de moi. Je lui demandai si le vaisseau commandé par M. le commodore Hood était dans ces parages. On me répondit que non, qu'il croisait devant Alexandrie; que M. Lallowell me priait cependant de me rendre à bord du Swiftshure.

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M. Lallowell me reçut froidement, surtout lorsqu'il me vit accompagné d'un Turc. Je lui exposai avec simplicité le sujet de ma mission auprès de M. Hood; il me répondit que Hassan-Bey ne recevrait pas le Turc; qu'ainsi ma démarche était inutile. Vous me permettrez cependant, monsieur, de me rendre à bord de M. Hood. Il me répondit qu'il avait quelque chose de trèsintéressant à lui communiquer; qu'on voyait à peine le Zealous, mais qu'on venait de lui faire le signal d'approche. Il me proposa d'attendre à son bord. Nous nous rendrons ensemble, me dit-il, auprès de l'amiral.-Il fit apporter le déjeuner, nous nous mîmes à table: peu à peu, il devint plus aimable. Le hasard lui fit rappeler d'anciens rapports avec ma famille. J'eus avec lui une conversation qui, de ma part, fut souvent interrompue par des saillies simples et sans affectation. Nous nous entretenions de la situation politique de l'Europe. Il me dit, avec l'air de la vérité, qu'il y avait plus de sept semaines qu'ils n'avaient reçu de nouvelles, qu'ils en attendaient tous les jours. Il me parla avec assurance des dis

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positions hostiles de la Turquie.-Les nouvelles, lui dis-je, que le général reçoit souvent de Constantinople par terre, ne s'accordent pas avec ce que vous dites. Le général reçoit souvent des nouvelles de Constantinople?-Oui.—Il sourit, mais parut surpris.-Cependant, vous ne pouvez douter que le pacha de Rhodes ne soit devant Alexandrie par les ordres de son gouvernement. -J'allais répondre; il continua. Nous étions à Rhodes lorsqu'il fut forcé de venir. Forcé? Je souriais. —Qui, par les ordres de la SublimePorte. Je n'insistai pas. Il me montra ensuite votre lettre au citoyen Talleyrand, que vous avez chargé de rendre compte des événemens d'Égypte au grand-seigneur, de donner le détail du combat d'Abouqyr, et de dire qu'il nous restait 22 vaisseaux dans la Méditerranée. Il scruta avec ironie le nombre de ceux que nous y avons encore, et ajouta - M. de Talleyrand n'est point arrivé à Constantinople; et puis il n'y aurait plus trouvé vos bons amis, le grand-visir et le reis-effendi. Ils ont été chassés et déportés. — Il s'arrêta. Je feignis de n'avoir point fait attention. Il me parla de l'escadre russe commandée par l'amiral Okzakoff. Où est-elle ? lui demandai-je.-A l'entrée du golfe de Venise; elle attaquera bientôt vos îles. Nous ne pouvons croire à l'existence d'une escadre russe dans la Méditerranée. Vous devriez, dans l'intérêt de la coalition, lui conseiller de se montrer, la faire paraître. Mais, répondit M. Lallowell, d'un air presque piqué, vous avez déjà vu deux de ses frégates; si elle ne tient pas

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des forces plus considérables dans ces eaux, c'est que cela n'entre pas dans son système d'opérations.La conversation tomba sur quelques-uns des officiers de notre marine, sur le contre-amiral Villeneuve.-N'avez-vous pas pris quelquesuns des bâtimens qui l'accompagnaient ? - Non; l'Heureux, qui a été séparé par un coup de vent,

a eu le bonheur de nous échapper et d'entrer à Corfou; le reste est à Malte. Et la Justice? Sans doute aussi.—J'ai un cousin à son bord. S'il eût été votre prisonnier, je vous aurais demandé la permission de lui faire passer quelques fonds. Il appartient à une famille riche.—Mais attendez, reprit-il maladroitement; je me le rappelle à présent, la Justice! elle a coulé à fond. Donnez-moi le nom de votre parent. —Je lui donnai, sans balancer, un nom en l'air. M. Lallowell me parla aussi d'une lettre interceptée qui venait de Toulon et vous était adressée. Elle annonçait le départ d'un convoi ; il doit mettre à la voile dès que les Anglais ne croiseront plus devant le port. Mais Nelson est là.

Il m'assura que quelques-unes de vos dépêches avaient été interceptées par les Tures; et prétendit qu'Ibrahim-Aga n'était qu'un domestique déguisé, que Hassan-Bey l'avait dit. - Le général Bonaparte, lui répondis-je, n'envoie sous des pavillons parlementaires que des hommes revêtus d'un caractère public; Ibrahim-Aga est connu, et faisait partie de la suite du pacha du Kaire.

Je lui parlai de leurs relations avec les Arabes. Je lui appris que les cheyks d'Edkoû et d'Atfeï

neh' étaient fusillés. J'ajoutai que vous saviez parfaitement que l'intendant d'lbrahim-Bey était passé de leur bord en Syrie. Il soutint avec la plus grande affectation que ce fait était faux, et que la flotte n'avait point de relations avec les Arabes; je recueillis presque aussitôt des preuves du contraire. Il me parla de la jonction de 50,000 Grecs. Je n'eus garde de le détromper. Je lui dis qu'en effet ils s'étaient réunis à nous, et se formaient en troupes 2.

Alors arriva Hassan - Bey. Il était suivi d'un Turc qui, dévoué aux Anglais, paraît joindre l'ame la plus féroce au caractère d'ennemi mortel des Français.

M. Lallowell parut étonné de la présence du bey. Nous continuâmes de nous promener en cau sant. Muhammed s'approcha d'Hassan, attendit quelques minutes, et, nous interrompant tout-àcoup, tira sa lettre de sa poche, et me demanda s'il fallait la remettre. M. Lallowell, surpris, s'ar rêta et fixa le bey.-Non, répondis-je à Muhammed, vous ne la remettrez qu'en présence de M. le commodore Hood. Vous voyez, monsieur, dis-je à M. Lallowell, qu'il ne dépend que de la volonté de M. Hood que Hassan la reçoive. Il me demanda la permission de sortir, et appela le bey. Je n'avais pas l'air de faire attention à ce qui

se passait.

Villages de la province de Rosette. Voyez page 13 ci-dessus. ⚫ Les notions des Anglais sur l'Égypte étaient si fausses, qu'après la bataille navale d'Abouqyr, Nelson, en renvoyant nos ma rins à Alexandrie, leurdit: Allez en Égypte y mourir de faim

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