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qu'une grande armée débordait avec fracas par tous les points de la. Tibériade; que ses principaux débouchés étaient les ponts de Jacoub et de Medjameh, et le lieu de ralliement Tabarieh, où elle avait réuni ses magasins. Les habitans du pays disaient qu'elle était aussi nombreuse que les étoiles du ciel et les sables du désert. Kléber la fit reconnaître de nouveau; il fut instruit par des rapports exacts, qu'elle était composée des Naplousains, des janissaires de Damas et d'Alep, des Arabes des différentes tribus de la Syrie, et qu'elle s'élevait au moins à 30,000 hommes, dont plus de 20,000 cavaliers. La renommée la portait à 40 ou 50,000 hommes. Il reçut aussi la confirmation d'un bruit qui avait déjà circulé dans l'armée française. Une dissention avait éclaté entre les Mamluks d'Ibrahim et les janissaires. Après plusieurs démêlés, où le sang avait coulé de part et d'autre, ce bey avait séparé son camp de celui du pacha de Damas, et refusait de prendre part à ses opérations..

En envoyant ces nouvelles au géneral en chef, Kléber lui annonçait son dessein de marcher à l'ennemi, et le priait de lui faire passer des renforts et des munitions pour le mettre en état d'opérer avec succès. Bonaparte fit partir Murat à la la tête de 1,000 hommes d'infanterie et d'un corps de dragons, avec ordre de se porter à marches forcées sur le pont de Jacoub et de s'en emparer; de débloquer le fort de Saffet, et d'opérer, s'il était possible, sa jonction avec Kléber, aux ordres

duquel il se trouverait. Voulant tirer parti de la division qui régnait dans le camp ennemi, Bonaparte envoya un chargé de pouvoirs pour faire des offres à Ibrahim-Bey, et l'attirer dans son parti; mais la cavalerie ennemie qui bloquait Saffet, l'empêcha de passer. Le général en chef l'envoya près de Kléber, d'où il se trouvait plus à portée de remplir sa mission.

Les Naplousains avaient pour cheyk un homme hardi et entreprenant, nommé Ghérar. Il jouissait d'un grand crédit dans la contrée; il parcourait les villages environnans, soulevait les populations contre les Français, entretenait des intelligences avec Djezzar, par l'intermédiaire des Anglais, et, à l'aide de l'or du pacha d'Acre, il recrutait des soldats pour marcher à son secours. Bonaparte manda à Kléber : « Écrivez à Ghérar qu'il a tort de se mêler d'une querelle qui le conduira à sa perte. Comment, lui qui a eu tant à se plaindre d'un homme aussi féroce que Djezzar, peut-il exla fortune et la vie de ses paysans pour un poser homme aussi peu fait pour avoir des amis? Faiteslui connaître que sous peu de jours Acre sera pris, et Djezzar puni de tous ses forfaits. Alors il regrettera, peut-être trop tard, de ne s'être pas conduit avec plus de sagesse et de politique. Si cette lettre est inutile, elle ne peut, dans aucun cas, faire un mauvais effet.

Est-il bien sûr, ajoutait Bonaparte, que le pont de Medjameh soit détruit? Les habitans du pays, dans les différens renseignemens qu'ils me don

nent, me parlent toujours de ce pont comme si les renforts de l'ennemi pouvaient venir par là et dès lors comme s'il n'était pas détruit.

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Le Mont-Thabor est témoin de vos exploits. Si ces gens-là tiennent, et que vous ayez une affaire. un peu chaude, cela vous vaudra les clefs de Damas. Si, dans les mouvemens qui peuvent se présenter, vous trouvez le moyen de vous mettre entre eux et le Jourdain, il ne faudrait pas être retenu par l'idée que cela les ferait marcher sur nous. Nous nous tenons sur nos gardes. Nous serions bien vite prévenus de leur approche, et nous marcherions à leur rencontre. Alors il faudrait que vous les poursuiviez en queue assez vi

vement. »

Kléber reçut cette lettre avec un détachement de cavalerie et 4 pièces de canon dans son camp. de Saffarieh, le 26 germinal. Sa division, complétée par le corps de Junot, s'élevait tout au plus à 2,000 hommes. Conformément au plan que lui avait prescrit le général en chef, il partit sur-lechamp pour se placer entre le Jourdain et l'armée ennemie, la surprendre dans son camp, le 27, avant le jour, s'emparer de ses magasins, et la refouler sous les murs d'Acre. Il marcha pendant toute la journée et toute la nuit, et tourna le MontThabor. Égaré par ses guides, il n'arriva qu'à six heures du matin, le 27 ( 16 avril ), en présence de l'ennemi, dans la plaine de Fouli, et ne put le surprendre. Loin de songer à l'attaquer, Kléber

Lettre du 24 germinal.

eut tout au plus le temps de faire les dispositions nécessaires pour sa propre défense. Dans le premier moment de confusion qu'avait causé son arrivée, il s'empara d'un petit fort inaccessible à la cavalerie, le fit garder par 100 hommes, et y adossa sa division formée en deux carrés. Mais à peine avait-il rectifié ses alignemens, que déjà 4,000 cavaliers ennemis étaient rangés dans la plaine. Ils furent suivis de 3,000 autres, puis d'un troisième corps, et enfin la masse de l'armée ennemie y descendit tout entière. Jamais les Français n'avaient vu tant de cavalerie, assemblage bizarre d'hommes de toutes les nations et de toutes les couleurs, caracoler, charger, se mouvoir dans tous les sens. Kléber recommanda à ses soldats de tenir ferme sur les devans, et de garder le terrain sans avancer ni reculer d'un pas. Il savait que le premier choc des Orientaux était seul redoutable, et que si on parvenait à le soutenir, l'ennemi, découragé par cet échec, ne donnerait plus que des charges partielles et agirait mollement pendant le reste de la journée. L'armée du pacha de Damas, formée en quatre corps, s'ébranla en poussant des cris épouvantables à la manière des barbares, et chargea les Français avec la plus grande impétuosité sur les quatre fronts. Immobiles à leur poste, ces braves opposèrent de toutes parts une trible haie de baïonnettes, contre laquelle vinrent se briser les efforts des cavaliers mahométans. Accueillis à bout portant par la fusillade la plus meurtrière, ces superbes Orientaux tournèrent bride et se virent contraints de rétro

grader. Ils donnèrent une nouvelle charge, et, repoussés avec autant d'intrépidité qu'à la première, ils se rabattirent avec fureur sur l'intervalle qui séparait les deux carrés, dans le dessein de les isoler l'un de l'autre ; mais ils reculèrent devant les feux de file et l'artillerie chargée à mitraille qui portaient dans leurs rangs le ravage et la mort. Kléber, sentant que le carré commandé par Junot n'était pas assez grand pour renfermer les chevaux, les caissons et les autres équipages, saisit ce moment pour réunir ses deux carrés en un seul, malgré les efforts inouis que tenta l'ennemi pour l'en empêcher. Espérant que selon leur coutume religieuse, les Musulmans cesseraient de combattre au coucher du soleil, Kléber ordonna à ses soldats de ménager leurs munitions de manière à pouvoir prolonger le feu jusqu'à la nuit. Retranchés derrière un rempart de cadavres d'hommes et de chevaux, les Français repoussèrent avec le plus grand sang froid les charges multipliées de leurs adversaires. Une confiance inaltérable dans leur chef et dans leur propre valeur les élevait au-dessus de tous les périls. Mais enveloppés par une armée quinze fois plus nombreuse, il était évident que cette troupe de héros, accablée par la fatigue et par le nombre, finirait par trouver, dans la plaine de Fouli, une mort glorieuse. Il était une heure après midi ; on combattait avec acharnement sur tous les points. Tout à coup le bruit du canon se fit entendre dans le lointain : « C'est Bonaparte! s'écrièrent les soldats pleins d'ardeur et d'enthou

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