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Vial leur dit que Nassur était sous ses ordres, et les ramena dans leurs foyers. Les soldats y virent avec plaisir quelques jolies femmes. Les Mutualis étaient une superbe race d'hommes, grands, bien faits, robustes, de bonne mine, et qui paraissaient résolus à tout entreprendre. Le général Vial en passa la revue, et établit des postes composés de Français et de Mutualis qui furent très-flattés de ce mélange. Nassur lui parla d'un air pénétré des malheurs de sa famille, et brûlait de se venger de Djezzar. « Je veux, lui dit-il, faire de Sour une place aussi forte que celle d'Acre. » Sour est l'ancienne Tyr. Sur les ruines de cette ville, qui fut la métropole du commerce de la Syrie, et la mère de Carthage, il n'existait plus que 12 ou 1,500 habitans, dont les trois cinquièmes étaient mahométans, et le reste chrétiens, vivant tous du commerce. L'entrée du port était défendue par deux tours bâties sur deux lits de colonnes. La mer les avait découvertes; on en voyait encore de très-belles, et notamment les deux dont parle Volney. Le mur qui fermait la ville du côté de terre était en très-bon état, et les approches en étaient défendues par une grosse tour isolée, à roo toises en avant sur le rivage. Le général Vial rentra au camp le 16 germinal, laissant à Sour les Mutualis disposés à s'y défendre jusqu'à extinction.

Le général Junot fut envoyé à Nazareth, pour observer les mouvemens de l'ennemi dont on annonçait l'approche, et couvrir les hôpitaux de Chefamer contre les incursions des Naplousains. Il ne découvrit rien qui pût lui faire soupçonner

la présence d'une armée ennemie dans le pays, et resta à Nazareth avec 500 hommes.

Le 12 germinal, une frégate turque avait mouillé dans la rade de Caïffa. Elle avait envoyé son canot dans le port, igrorant que cette ville fût au pouvoir des Français. Lambert s'en était emparé et lui avait fait une vingtaine de prisonniers.

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Djezzar et ses auxiliaires redoublaient d'efforts. Toute la population de la ville travaillait à réunir sur le front d'attaque de nombreux moyens de défense. Des ouvrages immenses étaient construits dans la place; une enceinte nouvelle s'élevait derrière les anciens remparts. Les assiégeans, de leur côté, continuaient à saper les murs de Saint-Jean-d'Acre. Malgré l'échec qu'ils avaient éprouvé le 8 germinal, leur ardeur ne s'était point ralentie. Les guerriers qui avaient vu tomber Mantoue et les forteresses de la Lombardie s'indignaient à la pensée qu'une chétive bicoque de l'Asie pourrait arrêter leurs exploits. Mais l'artillerie de siége n'arrivait point, et, malgré la ruse employée envers les vaisseaux anglais pour se procurer des projectiles, les munitions de guerre étaient insuffisantes pour pousser le siége avec vigueur.

Le général Dugua avait envoyé du Kaire à Damiette 2,000 boulets de 12 et de 8 et des obusiers. Bonaparte envoya l'ordre à l'adjudant-général Almeyras de les expédier au camp devant SaintJean-d'Acre. Dans la crainte que sa lettre fût in

'Lettre du 13 germinal.

terceptée, il lui réitéra cet ordre en lui expédiant un nouveau courrier trois jours après. Il lui demandait toutes les cartouches d'infanterie et toute l'artillerie au-dessus du calibre du 8, dont il pour. rait disposer sans compromettre Damiette. « L'ar mée est abondamment pourvue de tout, ajoutaitil, et tout va fort bien. Les peuples se soumettent. Les Mutualis, les Maronites et les Druses sont avec nous. Damas n'attend plus que la nouvelle de la prise de Saint-Jean-d'Acre pour nous envoyer ses clefs; les Maugrabins, les Mamlouks et les troupes de Djezzar se sont battues entre elles ; il ya eu beaucoup de sang répandu. Par les dernières nouvelles que j'ai reçues d'Europe, les rois de Sardaigne et des Deux-Siciles n'existent plus. L'empereur a désavoué la conduite du roi de Naples, la paix de Rastadt étant sur le point d'être conclue; ainsi, la paix générale n'était pas encore troublée '. »

Bonaparte expédia un bateau à l'adjudant-général Grézieux, à Jaffa, pour lui faire connaître ses besoins en artillerie et en munitions. Il lui demandait les obusiers turcs pris à Jaffa, et lui ordonnait de faire filer à Acre l'artillerie et les munitions qui arriveraient, notamment l'équipage de siége que le capitaine Stanglet avait reçu orde débarquer dans ce port '.

Ainsi, Bonaparte ignorait encore, le 16 germinal, que son artillerie était tombée au pouvoir des Anglais; mais il apprit bientôt qu'elle était

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1 Lettre du 16 germinal.

' Idem.

perdue et employée à défendre contre ses attaques les tours de la ville assiégée. Alors il ne put espérer de la réduire que lorsque le second convoi, conduit par le contre-amiral Perrée, serait

arrivé.

Du reste, Grézieux ne reçut point cette lettre. Attaqué de la peste et frappé de terreur, cet officier s'était renfermé dans une chambre, d'où il ne communiquait que par un trou. Ces précautions avaient été inutiles; son moral était si affecté qu'il mourut le lendemain.

En donnant des nouvelles de l'armée à Marmont, le général en chef lui écrivait : « J'espère que vous n'aurez pas perdu un instant pour l'approvisionnement d'Alexandrie, et que vous serez en mesure pour recevoir les ennemis, s'ils se présentent de ce côté. Je compte, dans le mois chain, être en Égypte, et avoir fini toute mon opération de Syrie '. »

pro

Malgré leurs faibles ressources en artillerie et en munitions, les assiégeans battaient toujours en brèche. Ils parvinrent à faire sauter une partie de la contrescarpe. Le général en chef essaya de faire loger quelques grenadiers dans la grosse tour carrée; mais les assiégés l'avait tellement encombrée qu'on ne pût y parvenir. On attendit des renforts d'artillerie et de munitions, et on poussa -une mine sous la tour pour la faire sauter.

Djezzar avait souvent essayé des sorties pour troubler les travaux des assiégeans; toutes avaient

Lettre du 19 germinal.

échoué. Le 18, à la pointe du jour, il ordonna une sortie sur trois colonnes. En tête se trouvait un détachement anglais tiré des équipages de Sidney Smith. L'ennemi s'avança sous la protection de l'artillerie des remparts, servie par des canonniers anglais. Les trois colonnes attaquèrent avec vigueur les premiers postes et les travaux avancés. Les détachemens qui gardaient ces ou vrages, trop inférieurs pour soutenir leur choc, se replièrent; mais l'artillerie française dirigea des places d'armes et des parallèles un feu si bien nourri sur les Musulmans, que leurs premiers rangs furent renversés Les deux colonnes de droite et de gauche regagnèrent les remparts. Celle du centre s'obstina seule à marcher en avant. Elle était conduite par le capitaine anglais Thomas Asfield, et devait s'emparer de l'entrée du rameau de mine. Asfield s'avançait rapidement, à la tête de quelques soldats de sa nation à travers une grèle de balles et de mitraille; il touchait l'entrée de la mine, lorsqu'il tomba mort aux pieds des siens. Ce fut le signal d'une déroute complète. Les soldats anglais et musulmans perdirent toute audace et rentrèrent précipitamment dans la ville, laissant le terrain couvert de leurs morts et de leurs blessés.

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On a accusé Bonaparte de s'être réjoui en voyant tomber cet officier sur le champ de bataille, et de s'être fait apporter son corps, croyant que c'était celui de Phélippeaux. Cette assertion est fausse et ne peut être la matière d'un reproche.

On connaissait les talens, la bravoure de Phé

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