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plus maîtres de l'armée. Après avoir détruit ses ennemis, elle s'appropriait leurs dépouilles. Pendant 24 heures, Jaffa fut livré au pillage et à tous les excès qui l'accompagnent.

L'armée perdit 50 hommes et eut 200 blessés. Le chef de brigade Lejeune fut tué sur la brèche; il fut vivement regretté, et les soldats de son corps le pleurèrent comme leur père'. On trouva dans la ville 50 pièces de canon dont 30 de campagne, des munitions de guerre, plus de 400,000 rations de biscuit, 2,000 quintaux de riz et quelques magasins de savon. Il y avait dans le port environ 15 petits bâtimens de transport et un de

150 tonneaux.

De la garnison de Jaffa, composée de 4,000 hommes, il périt plus de la moitié dans l'assaut et le sac de la ville; le reste, déduction faite des Égyptiens, Mamlouks, Alepins et Damasquins, fut passé par les armes, du 18 au 19 '.

« Cette ville, écrivit Bonaparte au Directoire, a été livrée pendant 24 heures au pillage et à toutes les horreurs de la guerre qui jamais ne m'a paru si hideuse. J'ai renvoyé à Damas et à Alep plus de 500 individus de ces deux villes, ainsi que 4 à 500 personnes en Égypte. J'ai pardonné aux Mamlouks et aux kachefs que j'ai pris à ElArych; j'ai pardonné à Omar-Makram, cheyk du Kaire. Abdallah-Aga 3, général de Djezzar, a eu

'Lettre de Bonaparte au Directoire, du 23 ventôse.

Lettres de Bonaparte à Dugua, à Kléber, à Marmont et au Directoire, des 19, 20 et 23 ventôse.

3 C'était l'ancien commandant de Jaffa; il avait été remplacé à

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l'adresse de se cacher parmi les gens d'Égypte et de venir se jeter à mes pieds. J'ai été clément envers les Égyptiens autant que je l'ai été envers peuple de Jaffa; mais sévère envers la garnison qui s'est laissée prendre les armes à la main 1. On a fait un crime à Bonaparte d'avoir ordonné de passer par les armes cette partie de la garnison qu'avait épargnée la fureur du soldat. Ce fut un Anglais, son ennemi personnel, ennemi acharné de la France qui le premier l'en accusa, et, pour aggraver encore cette action, accompagna son récit de détails controuvés et d'exagérations dictées par la haine. L'accusation fut répétée sur le continent par les nombreux échos de l'Angleterre. La clameur devint si générale, qu'en France même les amis de Bonaparte passèrent condamnation et gardèrent le silence. Tant qu'il fut puissant et que l'Europe fut à ses pieds, il dédaigna lui-même toute explication; écoutons celle qu'il a donnée quand il fut tombé dans l'adversité :

« Dans la garnison de Jaffa, on découvrit un grand nombre de soldats turcs que j'avais faits prisonniers, peu de temps auparavant, à El-Arych, et envoyés à Bagdad, après qu'ils m'eurent donné leur parole de ne plus servir, ou du moins de ne plus porter les armes pendant l'espace d'un an.

ce poste par Abou-Saab, et dirigeait l'armée active du pacha d'Acre, de concert avec Abdallah, pacha de Damas.

2

'Lettre du 23 ventôse.

Robert-Thomas Wilson, Histoire de l'expédition de l'armée britannique en Égypte. Londres, 1803.

Je les avais fait escorter pendant 12 lieues sur la route de Bagdad; mais ces Turcs, au lieu de s'y rendre, se jetèrent dans Jaffa, défendirent la place à outrance, et furent cause que je perdis un grand nombre de braves avant de n'en emparer. Sans le renfort que ces misérables donnèrent à la garnison de Jaffa, mes soldats n'auraient pas été sacrifiés. D'ailleurs, avant d'attaquer cette ville, j'avais envoyé un parlementaire. Presque aussitôt, nous vîmes sa tête au bout d'un pieu planté sur la muraille. Si je leur avais pardonné, et que je les eusse encore laissé aller sur parole, ils se seraient rendus directement à Saint-Jeand'Acre, pour y recommencer leur conduite de

Jaffa.

Je devais à la sûreté de mes soldats et à ma qualité de père, de veiller à l'intérêt de mes enfans, et de ne pas permettre que ces prisonniers renouvelassent de pareils excès. Il était impossible que je consentisse à laisser une partie de mon armée, déjà réduite par la perfidie de ces misérables, pour les garder. Enfin, agir autrement que je n'ai fait, c'eût été vouloir la destruction de mon armée. En conséquence, usant des droits de la guerre, d'après lesquels j'étais le maître de faire mourir des prisonniers faits dans une semblable circonstance, de ceux qu'a le vainqueur sur une ville prise d'assaut, et des représailles contre les Turcs, j'ordonnai que les prisonniers fussent fusillés. J'en agirais encore de même demain, et tous les généraux qui auraient commandé

une armée, en de semblables circonstances, en auraient fait autant '. »

A ces motifs, des écrivains qui n'ont Bonaparte, en ont ajouté d'autres.

pas

flatté

L'armée déjà affaiblie par les pertes des siéges d'El-Arych et de Jaffa, l'était encore par des maladies dont les ravages devenaient de jour en jour plus effrayans. Elle avait de grandes difficultés pour vivre, et le soldat recevait rarement sa ration complète. Ces difficultés de subsistance devaient s'augmenter à cause des mauvaises dispositions des habitans. Nourrir les prisonniers de Jaffa, en les gardant, était, non-seulement accroître les besoins de l'armée, mais de plus la gêner dans ses mouvemens. Les renfermer dans Jaffa, c'était, sans détruire le premier inconvénient, faire naître celui de la possibilité d'une révolte, vu le peu de monde qu'on pouvait laisser pour garder la place. Les envoyer en Égypte, c'était s'obliger à faire un détachement considérable, qui aurait réduit de beaucoup les troupes de l'expédition; leur laisser la liberté sur parole, c'était, malgré tous les engagemens qu'ils pouvaient prendre, les envoyer grossir les ennemis et particulièrement la garnison de Saint-Jeand'Acre; car Djezzar n'était point homme à respecter les promesses faites par ses soldats, peu religieux eux-mêmes sur un point d'honneur dont ils ignoraient la force. Il ne restait donc qu'un parti qui conciliât tout; il était affreux, et ce

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pendant on se crut, à ce qu'il paraît, obligé de le prendre. La garnison passée au fil de l'épée, présenta l'une de ces scènes d'horreur que justifient les lois nécessaires et terribles de la guerre '.

Nulle considération, même l'impérieuse loi de la nécessité, ne pouvaient justifier, selon les uns, la violation d'une capitulation, ni, suivant d'autres, le contrat tacite, équivalent, qui se forme entre les vaincus et leur vainqueur, lorsqu'ils déposent les armes, et qu'il les fait pri

sonniers.

Comment, dans une ville prise d'assaut, au milieu du carnage, des assiégés, poussés dans leurs derniers retranchemens, renoncent à se défendre, demandent grâce, mettent bas les armes, et sont épargnés par le soldat! Et l'on appelle cela une capitulation!

La suspension des coups du soldat, envers un ennemi qui demande grâce, équivaut-elle à un contrat? Est-elle valable sans la sanction du général? Oui, répondront les moralistes et les philantropes; non, diront le politique et le guerrier. La vie de l'ennemi qui se rend à discrétion, appartient au vainqueur, comme celle des habitans désarmés, innocens, d'une ville emportée d'assaut et livrée au pillage. C'est le droit de la guerre.

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Chez les peuples civilisés, les moeurs et l'usage

Miot, page 144.

Desgenettes, page 45.

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