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que leurs marchandises y seraient respectées et bien vendues; il lai recommandait de faire filer des munitions de bouche et de guerre par toutes les occasions ; de lui écrire souvent, par les moyens les plus sûrs, et de lui envoyer sous bonne escorte les dépêches importantes qui pourraient lui arriver de France ou de la Haute-Égypte.

Pour fêter l'arrivée des drapeaux conquis, Dugua profita de la fête du Beïram ou clôture du rhamadan, qui tombait, cette année, le 18 ventôse (8 mars). Comme au premier jour de l'an en Europe, ce jour est celui des visites et des cadeaux ; les Français en firent aux principaux du Kaire. Des salves d'artillerie furent tirées de tous les forts. On éleva sur les minarets de la mosquée de JémilAzar les drapeaux pris à El-Arych; et, pendant trois jours, des détachemens protégèrent contre les Arabes les pélerinages que les habitans allaient faire à la ville des tombeaux. Quelques jours après, le 26, on fit la belle procession du kesoueh, c'était le grand voile brodé en or que la caravane de la Mekke portait chaque année pour couvrir les tombeaux de Mahomet et de sa fille Fatime. Le peuple manifesta beaucoup de joie. On vit, pour la première fois, les femmes, quoique voilées, se porter avec affluence dans les rues.

Cependant il importait à Bonaparte de sortir promptement du désert, où son armée éprouvait beaucoup de privations. Il laissa la division Reynier à El-Arych avec ordre d'attendre que le fort fùt entièrement évacué et nettoyé, car il était infecté de la peste; d'en augmenter les fortifications et

de ne partir que lorsque le parc d'artillerie serait en marche.

Le 4 ventôse, Kléber, formant l'avant-garde, partit à la tête de sa division et de la cavalerie pour se porter sur Kan-lounes. Les divisions Bon et Lannes se mirent en route pour le suivre à quelque distance.

Le 5 ventôse, Bonaparte partit d'El-Arych avec l'état-major, escorté par 100 guides à cheval et un détachement de 100 dromadaires. Arrivé au santon de Cheyk-Zoé, il remarqua avec étonnement que les fossés dans lesquels les Arabes cachaient leur paille, leurs blés et leurs racines n'avaient pas été fouillés. Il ne trouva pas un soldat, ce qu'il s'expliquait par la crainte que les Bédouins inspiraient aux traîneurs. Arrivé aux deux colonnes de granit rouge qui séparent l'Afrique de l'Asie, et près desquelles se trouve le beau et profond puits de Refah, il fut alarmé de ne pas voir de traces d'eau répandue par les divisions qui avaient dû y passer. Il continua sa route sur KanIounes; mais au lieu d'y trouver son armée, il aperçut un corps de Mamlouks qui gardait ce village, et, dans le lointain, le camp d'AbdalahPacha. Des officiers lui conseillèrent de retourner promptement à El-Arych; mais Bonaparte repoussa cet avis. Il sentit que, s'il prenait la fuite, il attirerait sur lui les Mamlouks, et résolut de faire un coup d'audace. A la tête de ses guides, il marcha rapidement sur Kan-Iounes. Les Mamlouks d'Ibrahim, prenant ce corps pour la tête de l'armée française, se replièrent à la hâte sur

le

camp de Gaza. Lorsque la nuit fut venue, Bonaparte jugea qu'il était imprudent d'occuper plus longtemps ce village en face de l'ennemi, sans avoir de nouvelles de l'armée, et se décida à une prompte retraite. Il revint, à 10 heures du soir, au santon de Cheyk-Zoé, en proie à mille réflexions, et envoya un détachement de ses dromadaires à la découverte. Le 6 ventôse, à deux heures du matin, on lui amena un Arabe qui lui dit qu'une armée française, nombreuse comme les étoiles du firmament, avait pris le chemin de la Mekke. Bonaparte le retint pour guide, monta sur son dromadaire et se mit en marche. Il rencontra quelques dragons harassés de fatigue, qui lui apprirent que Kléber avait été égaré par un guide infidèle qu'il avait fait fusiller; mais qu'ayant trouvé quelques Arabes, il s'était fait remettre dans la vraie route. Le général en chef alla au devant de lui, et rencontra sa division 2 heures après. Elle avait erré pendant 50 heures dans le désert, perdu une journée de marche, et enduré tous les tourmens de la soif. En apercevant Bonaparte sur son dromadaire, les soldats abattus poussèrent des cris d'espérance et de joie. On se rendit au santon de Cheyk-Zoé. Les divisions Bon et Lannes, ayant aussi fait fausse route, avaient été retardées; elles arrivèrent un instant après la division Kléber. Toutes ces troupes qui, d'après les ordres, auraient dû se succéder, se trouvèrent réunies en même temps, eurent bientôt épuisé l'eau des puits du santon, et n'en obtinrent qu'un léger soulagement.

L'armée arriva le 6 à Kan-Iounes. Les Mamlouks, ignorant sans doute que les Français avaient évacué ce village, n'avaient point tenté de l'occuper. Abdallah-Pacha était toujours à la même place. Lorsqu'il vit l'armée réunie, il leva son camp et se replia sur Gaza.

Bonaparte écrivit de Kan-Iounes aux cheyks et ulémas de Gaza pour les rassurer sur les intentions de l'armée française; leur demander les clefs de la ville; leur faire connaître qu'il était l'ami de la religion mahométane, et que leurs personnes, leurs propriétés et leurs femmes seraient respectées '.

L'armée partit de Kan - Iounes le 7 ventôse. Près de Gaza, elle rencontra un corps de 3 ou 4,000 cavaliers. Murat fit passer à sa troupe le torrent de Besor, et s'avança pour l'attaquer. L'ennemi s'ébranla; on crut qu'il allait charger; mais il tourna bride et s'enfuit au galop sur la route de Jaffa. La division Kléber atteignit quelques tirailleurs turcs et en tua une vingtaine, au nombre desquels 'se trouva le kiaya d'AbdallahPacha. L'armée prit position sur les hauteurs qui dominent la ville et regardent Hébron, où l'on rapporte que Samson alla déposer les portes de Gaza. Les habitans envoyèrent faire leur soumission; les Français y furent reçus et s'y conduisirent en amis. On y trouva 100,000 rations de biscuit, du riz et de l'orge en abondance et plus de 16 milliers de poudre. Le fort de Gaza était une

Lettre du 6 ventôse, de Kan-lounes.
GUERRE D'ÉGYPTE,

TOME II.

II

enceinte circulaire flanquée de tours d'environ 40 toises de diamètre. Non loin de là, sur la côte, quelques ruines en marbre blanc indiquaient ce qu'avait été Gaza, autrefois, dit-on, port de mer, maintenant située à une demi-lieue dans les terres, et peuplée seulement de 2,000 ames.

pur et

Après avoir franchi rapidement le vaste désert qui sépare l'Égypte de la Syrie, l'armée éprouvait une vraie jouissance à l'aspect des champs cultivés de la Palestine. Ce n'était plus le ciel brûlant de l'Égypte, l'aridité de ses plaines de sable, la monotonie des palmiers. L'horizon se couvrait de nuages, la chaleur était modérée. Tout, dans le climat et dans la nature du sol, annonçait une contrée plus rapprochée de l'Europe. La pluie fertilisait les vallées et les prairies; on voyait des oliviers et diverses espèces d'arbres; on trouvait dans les jardins la datte, le cédrat, la grenade. Dans la nuit du 8 au 9 ventôse, il y eut un grand orage; pour la première fois peut-être depuis son départ de France, l'armée entendit gronder le tonnerre : il tomba une pluie très-abondante. Le soldat qui n'y était plus accoutumé et qui n'avait pas de quoi s'en préserver, fut obligé d'allumer de grands feux pour se sécher. Après s'être réjoui d'abord de la pluie, il finit par murmurer contre la température de la Palestine qu'il trouvait froide et humide, et sembla regretter l'Égypte.

Bonaparte consacra les journées du 8 et du 9 à l'organisation civile et militaire de la place et du pays. Il forma un divan composé des principaux

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