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quoi avez-vous des grenadiers pour faire le service en ville? Je ne conçois rien à l'obstination du commissaire des guerres Michaut à rester dans sa maison, puisque la peste y est. Pourquoi ne va-t-il pas se camper sur un monticule du côté de la colonne de Pompée ?

Tous vos bataillons sont, l'un de l'autre, au moins à une demi-lieue. Ne tenez que très-peu de chose dans la ville; et, comme c'est le poste le plus dangereux, n'y tenez point de troupe d'élite. Mettez le bataillon de la 75°. sous ces arbres où vous avez été longtemps avec la 4. d'infanterie légère. Qu'il se baraque là en s'interdisant toute communication avec la ville et l'Égypte. Mettez le bataillon de la 85°. du côté du Marabou vous pourrez facilement l'approvisionner par mer. Quant à la malheureuse demi-brigade d'infanterie légère, faites-la mettre nue comme la main, faiteslui prendre un bon bain de mer; qu'elle se frotte de la tête aux pieds; qu'elle lave bien ses habits, et que l'on veille à ce qu'elle se tienne propre. Qu'il n'y ait plus de parade; qu'on ne monte plus de garde que chacun dans son camp. Faites faire une grande fosse de chaux vive pour y jeter les

morts.

Dès l'instant que, dans une maison française, il y a la peste, que les individus se campent ou se baraquent; mais qu'ils fuient cette maison avec précaution, et qu'ils soient mis en réserve en plein champ. Enfin, ordonnez qu'on se lave les pieds, les mains, le visage tous les jours, et qu'on se tienne propre.

Si vous ne pouvez pas garantir la totalité des corps où cette maladie s'est déclarée, garantissez au moins la majorité de votre garnison. Il me semble que vous n'avez encore pris aucune grande mesure proportionnée aux circonstances. Si je n'avais pas à Alexandrie des dépôts dont je ne puis me passer, je vous aurais déjà dit : partez avec votre garnison, et allez camper à 3 lieues dans le désert. Je sens que vous ne pouvez pas le faire. Approchez-en le plus près que vous pourrez. Pénétrez-vous de l'esprit des dispositions contenues dans la présente lettre; exécutez-les autant que possible, et j'espère que vous vous en trouverez bien '.

Les généraux Lagrange et Leclerc, plusieurs officiers de la division Reynier et ce général luimême, désirant augmenter leur bien-être par des moyens que pût avouer leur délicatesse, avaient exprimé au général en chef le désir d'acquérir des terres confisquées sur les Mamlouks'.

Ce fut sans doute sur cette demande que Bonaparte, généralisant plus tard cette idée, chargea, comme on l'a vu, le conseil de finances par lui créé le 26 nivôse, de proposer un plan pour donner aux soldats de l'armée une récompense qu'ils avaient si justement méritée. Le travail de ce conseil n'est point connu ; mais on va voir Bonaparte, comme les anciens conquérans, distribuer à ses lieutenans des terres de l'ennemi vaincu, et

Lettre du 9 pluviôse (28 janvier).
Lettre de Reynier, du 20 vendémiaire.

jeter sur un sol étranger le germe de ce système de dotations qui se développa dans l'empire français sous Napoléon.

Il donna en toute propriété, dans l'île de Roudah, au général Lannes, la maison qu'il occupait avec 20 feddams de terre; aux généraux Murat et Dommartin, les maisons qu'ils habitaient avec les jardins. Il ordonna que la partie qui restait de cette île, excepté les lieux où étaient le Meqyas et une batterie, et l'île vis-à-vis Boulaq où était le lazaret, seraient partagées chacune en dix portions qu'il se réserva de donner à des officiers de l'armée. Le chef de l'état-major-général fut chargé d'annoncer à ces trois généraux que ces biens leur étaient donnés en gratification extraordinaire pour les services qu'ils avaient rendus dans la campagne, et les dépenses qu'elle leur avait occasionées '.

Il donna au même titre et par la même considération 12 actions de la compagnie d'Égypte, appartenant à la République, aux chefs de brigade Boyer de la 18., Darmagnac de la 32°., Conroux de la 61., Lejeune de la 22°., Delorgne de la 13°., Maugras de la 75°., Venoux de la 25., au chef de brigade de la 9°., aux colonels Duvivier du 14. de dragons, Bron du 3°., Pinon du 15°., et à l'adjudant-général Grezieux 2.

Bonaparte écrivit à Marmont : « Vous ferez sortir un parlementaire pour prévenir le commandant anglais que plusieurs avisos de sa nation ont,

'Ordre de Bonaparte, du 3 pluviŝĵse.

*Lettre au payeur-général, du 10 pluviôse (29 janvier).

à différentes époques, échoué sur la côte; que nous avons sauvé les équipages; qu'ils sont dans ce moment au Kaire où ils sont traités avec tous les égards possibles; que ne les regardant pas comme prisonniers, je les lui enverrai incessam

ment1».

:

Ils étaient en effet libres sur parole; ils se mêlaient avec les troupes pour assister aux revues, et s'approchaient de Bonaparte jusqu'à toucher son cheval. Un de ses officiers ayant cherché à lui inspirer quelque crainte, il répondit en souriant: « Si vous craignez pour votre vie, moi je ne crains rien les Anglais ne sont pas des assassins ». Passant un jour auprès de leur logement, il aperçut la feinme d'un matelot allaitant un enfant, lui envoya un pot de lait et du linge, et continua de lui faire remettre chaque jour quelque chose. Un bateau de comédiens qui venait d'Alexandrie, ayant chaviré sur le Nil tout près du Kaire, les officiers et matelots anglais se trouvant sur le rivage se jetèrent à l'eau et sauvèrent sept individus d'une mort certaine. Bonaparte les fit appeler, les loua de leur conduite, fit donner 200 fr. à chaque officier et 50 à chaque matelot, et leur fit délivrer des passeports pour retourner librement à bord de la croisière. Et, comme ils le remerciaient, il leur dit en souriant : « Fortune de guerre ! » Ces faits sont racontés par un des prisonniers même '.

'Lettre du 17 pluviôse.

Jean Monkhouse, officier de marine. Relation des six dernières semaines de la vie de Napoléon.

Bonaparte ordonna à l'aga des janissaires et aux agens de la police de publier au Kaire qu'on jouirait pendant la nuit du rhamadan de toute la liberté d'usage. Il écrivit au divan pour qu'il fit tout ce qui dépendrait de lui, afin que cette fête fût célébrée avec plus de pompe et de ferveur que les autres années. Il assista à cette solennité le 21 pluviôse, et y remplit les fonctions qui appartenaient au pacha. Il en envoya à Marmont une relation avec une proclamation du divan pour les répandre non-seulement dans sa province, mais encore par tous les bâtimens qui partiraient '.

Jetons un coup-d'oeil rapide sur le système de fortification et de défense appliqué par Bonaparte à l'Égypte. Tout y avait été nouveau pour les Français, sol, climat, tactique des Mamluks, mœurs des habitans. Ils avaient eu à combattre non-seulement la force armée du pays, les Mamlouks, mais encore les Arabes et les cultivateurs. Il avait fallu s'établir et se fortifier contre les ennemis intérieurs et extérieurs.

L'Égypte n'offrait point ces lignes naturelles de défense, ces grandes chaînes de montagnes ou ces rivières qui, en Europe, déterminent les systèmes de fortification, d'attaque et de défense d'un pays. Elle n'avait pas de ces postes dont la possession entraîne celle d'une province. La côte de la Méditerranée est plane et accessible. Excepté dans

Lettres de Bonaparte au divan, au Directoire, à Marmont, des 11, 21 et 22 pluviôse.

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