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magistrature dans un sens hostile à la monarchie, en accordant l'inamovibilité aux membres des tribunaux les plus importants. Déjà la cour de Lyon, la première après celle de Paris, avait reçu l'institution royale, et M. Bastard de l'Étang, un des hommes de M. Decazes, avait été nommé premier président de

cette cour.

Ainsi d'une part la majorité de la Chambre, contrairement à ses sentiments, mais par égard pour le Roi, accordait aux ministres les armes les plus fortes et les plus arbitraires, dans le but de fournir au monarque les moyens de contenir ses ennemis, et d'un autre côté, les ministres se servaient du nom et de l'appui de Louis XVIII pour livrer les fonctions les plus importantes du pays aux hommes les plus opposés aux principes monarchiques. L'irritation, que causa dans les rangs de la majorité cette conduite. déplorable, donna naissance à une proposition de M. Hyde de Neuville, qui, sous le prétexte de réduire le nombre des cours et tribunaux, tendait à faire ajourner l'inamovibilité des juges jusqu'au terme d'un an à compter de leur nomination. M. de Bonald fut nommé rapporteur de cette proposition, qui fut adoptée par la Chambre. Ce n'était en réalité qu'un acte de faiblesse et un remède transitoire contre un danger, qu'avec plus d'ensemble et d'expérience, la majorité aurait pu attaquer directement dans sa source. Mais la majorité, comme j'ai eu l'occasion de le faire observer, était sans guide et sans direction; ce n'est pas qu'elle ne se fût nommé des chefs, ce n'est pas non plus qu'il manquât de postulants pour jouer ce rôle honorable, mais, comme il arrive d'or

dinaire, ces prétendants n'étaient pas les plus capables de s'en bien acquitter. Un d'eux, M. de Bouville, ne tarda pas à le montrer; voulant manifester l'indignation que les choix de M. Barbé de Marbois pour la magistrature excitaient dans l'assemblée, il saisit l'occasion d'une loi insignifiante sur la cour des comptes présentée par ce ministre. Cette loi, à laquelle la Chambre n'attachait pas le moindre intérêt, avait d'abord été adoptée au vote ostensible; les menées de M. de Bouville et de quelques députés, qu'il s'était associés, la firent rejeter au vote secret. Une si misérable intrigue souleva l'indignation de Ja Chambre, qu'elle tendait à déconsidérer, et à dater de ce jour son auteur cessa d'exercer sur la majorité la moindre influence. Au contraire, M. de Corbière, pour avoir dans la discussion des lois de sûreté générale repoussé le luxe d'arbitraire, dont les 'ministres les surchargeaient, et plaidé la cause des principes et de la justice, commença à inspirer confiance à tous les hommes loyaux de l'assemblée. De même, m'étant porté le défenseur de nos libertés locales, au sujet de la loi des compagnies départementales, je reçus de tous mes collègues les témoignages les plus flatteurs de leur assentiment; M. Hyde de Neuville lui-même, qui était secrétaire de la Chambre, m'arrêta comme je descendais de la tribune, pour me dire « A merveille, notre collègue, continuez ainsi, et vous serez d'une bien grande utilité à notre cause. »> Depuis lors, l'influence de M. de Corbière et la mienne allèrent toujours croissant, et nous fùmes constamment choisis pour membres et rapporteurs des commissions les plus importantes.

Pendant que les ministres compromettaient leur crédit auprès de la Chambre des députés, ils s'attachaient à capter la bienveillance et à rehausser l'importance de la Chambre des pairs, dont la composition était plus favorable à leurs desseins. Ce fut dans ce but qu'au mépris d'une disposition formelle de la Charte, qui avait rendu secrètes les séances des pairs, on livra, le 26 octobre, pour la première fois aux journaux censurés, les procès-verbaux de ces séances, et ils continuèrent dès lors à paraître concurremment avec ceux de la Chambre des députés.

CHAPITRE XV

Suite de la correspondance de M. de Villèle. La loi d'amLutte entre le ministère et la Chambre introu

nistie.

vable.

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« Il ne faut nullement s'en rapporter aux journaux pour les discours prononcés à la Chambre, je les ai parcourus tous, le jour où j'ai parlé, et aucun n'a rendu compte de ce que j'ai dit; le Moniteur est le seul qui, tout en ne rapportant pas une phrase de mon discours, en ait reproduit à peu près l'esprit.

<«< Vous aurez su que la commission militaire, nommée pour juger le maréchal Ney, a décliné sa compétence; le Roi et les ministres se sont décidés à porter immédiatement l'affaire devant la Cour des pairs; en effet, hier le ministère en corps s'est transporté à la Chambre, qui a reconnu sa compétence et

déclaré qu'elle jugerait Ney, toute autre affaire cessante; l'acte d'accusation y a déjà été lu, et demain Ney y comparaîtra: suivant toutes les apparences, le jugement et la condamnation s'ensuivront de près. Notre Chambre, voyant que les ministres éludaient de lui faire des communications relativement aux grands coupables, a accueilli une proposition d'un de ses membres, tendant à demander au Roi qu'ils fussent tous livrés à la rigueur des lois. Elle a accueilli également hier une seconde proposition moins forte, mais tendant à excepter d'une amnistie, que prononcerait le pouvoir législatif : l'usurpateur et sa famille, les ministres et chefs de section du Conseil d'État en avril dernier, les généraux en chef et le major général des armées de Bonaparte, les officiers généraux, commandants de places et chefs de corps qui à l'époque de la révolution dernière ont tourné leurs armes contre le Roi et entraîné leurs corps ou le pays dans la défection, les préfets qui ont suivi cet exemple, enfin les régicides qui ont accepté des places sous l'usurpation, ou qui ont signé l'Acte additionnel; ces exceptés seraient jugés par les commissions prévôtales. Il nous a été lu une troisième proposition, que l'on croit nous avoir été décochée par les ministres, tendant à bannir la famille Bonaparte et les individus désignés dans la seconde liste des ordonnances du Roi, et à faire juger les officiers et généraux compris dans la première. Enfin une dernière proposition doit être faite demain, pour demander la mise en accusation du ministère Fouché, Talleyrand, Pasquier, etc. Toutes ces propositions ayant trait au

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