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parole; j'étais très bien portant, il n'en doutait pas, mais il venait pour me faire une ouverture d'où devait résulter le bonheur de ma vie. Mù par le désir de m'arracher à un genre de vie trop pénible et trop isolé pour ma santé, pour mon âge, et pour ma position sociale, il me proposa de chercher à me faire obtenir la main de Me Desbassayns, avec laquelle j'avais diné naguère à Sainte-Marie et que j'avais trouvée de retour à Saint-Paul lors de la visite que j'avais faite à sa famille.

Deux années s'étaient déjà écoulées depuis que nos colonies avaient repoussé les agents du Directoire, et la France n'avait tiré aucune vengeance de cet acte de résistance qu'on pouvait facilement qualifier de rébellion. Les croisières anglaises avaient été renforcées de manière à prévenir, mieux encore que par le passé, de nouvelles tentatives hostiles du gouvernement français, dont la faiblesse et la chute prochaine n'étaient du reste que trop évidentes. L'espoir de la conservation de la colonie devenait donc de jour en jour plus fondé, et l'établissement qui se présentait pour moi, en était d'autant plus désirable. Je remerciai M. Leprince de ses bonnes intentions, et je ne perdis pas un instant pour en informer M. de Saint-Félix et lui demander ses avis et son consentement au lieu et place de mes parents.

Tout réussit au delà de mes espérances, grâce à l'amitié de M. Leprince, à la confiance que M. et Mme Desbassayns avaient en sa loyauté à toute épreuve, aux dispositions favorables à mon égard du fils aîné de la famille, grâce enfin à l'estime et

à la bienveillance générales que ma conduite m'avait dès longtemps attirées. Je pus bientôt apprécier mieux encore les heureuses et rares qualités de celle à qui je désirais unir mon sort; elle avait été élevée en France et n'avait aucune répugnance à y retourner et à s'y fixer au sein de ma famille. Je l'épousai enfin le 13 avril 1799, jour où je finissais ma vingt-sixième année.

CHAPITRE IV

L'ile Bourbon. Luttes intestines.

1799-1802

Après avoir rapporté ces événements de ma vie privée, il convient de présenter un aperçu général de la situation politique de Bourbon à l'époque où, par suite de mon entrée dans la famille la plus considérable de l'ile, j'allais être nommé membre de l'assemblée coloniale qui gouvernait en réalité le pays. Cette position m'a fait prendre en effet durant plusieurs années une large part dans l'administration de la colonie; elle m'a fait acquérir la connaissance et l'habitude des affaires publiques dans un gouvernement d'assemblées délibérantes; elle a développé en moi des facultés dont j'ai été par la suite appelé à faire usage sur un bien autre théâtre, dans la position la plus élevée et par suite la plus périlleuse.

J'ai raconté plus haut comment le succès de l'expédition dirigée contre Bourbon, en avril 1794, par

les chaumières de l'île de France, nous avait retenus sous le régime de la Terreur jusqu'en mai 1795. La colonie se trouva ainsi asservie pendant plus d'une année au joug honteux d'une minorité factieuse et ignorante, qui ne pouvait se soutenir que par la force accidentelle que lui donnait l'exemple de l'île de France et de la métropole. Lorsqu'une minorité d'audacieux conspirateurs a usurpé le pouvoir dans un pays par surprise ou par violence, il arrive d'ordinaire que la majorité se trouve entièrement exclue des affaires et s'en tient même volontairement éloignée par un sentiment de dignité et de convenance. C'est ainsi que les choses se passèrent à Bourbon jusque vers la fin de 1795; le mouvement réactionnaire qui avait eu lieu en France, se fit alors sentir dans la colonie avec d'autant plus de force que toutes les autorités, à l'exception du gouverneur, étaient renouvelées chaque année par les assemblées primaires composées de tous les citoyens. Les gens de bien, qui n'avaient pas voulu jusque-là user de leurs droits politiques, se concertèrent pour obtenir de meilleures élections, et grâce à cette entente, les autorités municipales de l'assemblée coloniale se trouvèrent en 1796, composées en majorité d'hommes paisibles et amis de l'ordre. Les événements qui signalèrent le milieu de cette année, la tentative du gouvernement français pour bouleverser les colonies, l'énergie que montra l'île de France en repoussant les troupes et les agents du Directoire, le sentiment du danger auquel on avait échappé et la crainte trop fondé de le voir se renouveler, portèrent les honnêtes gens à s'unir et à se concerter avec

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