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sous les drapeaux malheureux de Beaulieu, de Würmser, d'Alvinzi et de l'archiduc Charles. Ce n'était pas elle qui, sous Melas, perdait en 1800 la bataille de Marengo. Au nom de Bonaparte, et sous les drapeaux d'Arcole, elle s'était couverte de républiques, depuis les Alpes Juliennes jusqu'au détroit de Scylla. Un moment un sénat romain avait reparu au Capitole. Au nom de Napoléon, et sous l'aigle impériale, l'aigle italique avait vu tomber Vienne, Berlin, Madrid, et n'é'tait pas resté captive de l'hiver de Moscou. Il y avait un traité bien fort entre la France et l'Italie, dont Napoléon n'a pas emporté toute la mémoire au tombeau.

CHAPITRE IV.

Retraite de l'armée sous le roi de Naples.

Le départ de l'empereur de son quartier-général de Smorgony avait été bientôt pour l'armée le signal de nouveaux malheurs. Tout concourut à achever sa destruction. L'imprévoyance de son nouveau chef, la défection et la trahison de ses alliés, lui furent plus funestes que les rigueurs de la saison, car l'armée française était à peine suivie par l'armée russe.

L'insouciance du roi de Naples fut telle, que la marche de l'armée ne fut plus qu'une déroute. Il semblait que l'amour du désordre et de l'indiscipline eût remplacé dans les soldats et les officiers le besoin de l'ordre et le sentiment du devoir, si nécessaires à la sûreté, à la conservation et à l'honneur d'une armée trahie et persécutée par la fortune. L'empereur Napoléon avait tout emporté avec lui.

A Wilna devait être le terme des maux de l'armée. On a dit que ses magasins renfermaient pour quarante jours de vivres pour cent mille hommes. Il y avait des administrations, une garnison, des chefs militaires; le roi de Naples y ar

rivait, remplaçait l'empereur. Un ordre suffisait aux magasins pour s'ouvrir aux besoins déchirans de l'armée qui le suivait; cet ordre ne fut pas donné. Toute la foule s'entassa dans une rue de Wilna, qui avait d'autres issues. Confondue avec les équipages, elle fut condamnée à rester stationnaire par sa propre masse dans cette rue, où elle était encombrée; elle y fut décimée par la faim, par le froid, aux pieds des bâtimens qui renfermaient l'abondance qui lui était destinée, le pain qui lui appartenait, les secours de toute espèce que la prévoyance du ministre de l'empereur y avait accumulés. L'ennemi parut, et au milieu du désespoir qui achevait d'anéantir l'armée, la générale réveilla une partie de nos soldats, Ce n'était plus la gloire, c'était l'honneur qui individuellement, ranima ceux qui pouvaient encore porter un fusil. D'autres trouvèrent dans quelques maisons de Wilna une hospitalité plus dangereuse que celle de la guerre elle-même. L'assassinat le plus odieux parcourut les asiles où s'entassèrent ceux que la maladie y avait précipités, Une foule d'officiers et de soldats y fut victime de la cupidité sans pitié des Juifs, ces insatiables spéculateurs des adversités humaines. Après avoir reçu les premiers secours d'une barbare commisération, ils furent rejetés nus par leurs hôtes, par les portes et les fenêtres de leurs maisons, et livrés à la lance des cosaques, qui

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portèrent la dernière mort dans des corps asphyxiés par le froid. Au sein de cet horrible désordre, il fallut évacuer Wilna et se diriger sur Kowno. Aucun ordre ne fut donné pour l'évacuation. Infanterie, cavalerie, artillerie, ambulance, bagages, équipages de toute sorte, tout se précipita pêle-mêle sur une route funeste. A une lieue, on trouva le défilé et les hauteurs de Ponary, que l'on pouvait si facilement tourner par la gauche, mais faute d'un seul guide, ces hauteurs devenues un rempart de glace furent abordées de front, et à défaut d'un piquet de cinquante hommes et de quelques officiers vigoureux, à défaut du moindre ordre du roi de Naples, l'armée, le spectre de l'armée, fut obligé d'abandonner tous ses transports, toute son artillerie, tous ses caissons. Les trophées emportés de Moscou, qui avaient échappé à Krasnoë, ne dépassèrent pas cette fatale barrière que l'hiver venait d'élever, et les soldats, poursuivis par tous les élémens, sans vêtemens et sans vivres, succombaient sous le poids de l'or et de l'argent que l'abandon forcé des équipages avait laissés à leur inutile avidité.

L'entrée à Kowno ne fut pas moins funeste que l'entrée à Wilna. Les besoins étaient encore plus pressans, le désordre fut porté à son comble. La garde, seule de toute l'armée, comme si elle eût toujours été sous les yeux de l'empereur, avait conservé jusque-là ses rangs et sa discipline;

mais à Kowno elle partagea le malheur de la frénésie universelle tous les magasins furent en proie à la fureur des soldats. L'excès des liqueurs fortes combiné avec l'excès du froid, de la fatigue et de la faim, frappa d'une asphyxie mortelle ceux qui s'y livrèrent. L'abandon de toutes les positions dans cette déroute, à laquelle depuis Krasnoë l'ennemi avait pris une part si peu active, compléta le tableau déplorable de la retraite de Moscou.

L'empereur Alexandre, dont les généraux poursuivaient si faiblement l'armée française, fut sans doute aussi étonné de se trouver de sa personne à Wilna le 22 décembre, que Napoléon le fut de l'apprendre à Paris dans les premiers jours de janvier, n'ayant quitté lui-même le point éloigné de Smorgoni que le 5 décembre. Napoléon dut être d'autant plus surpris, qu'à son départ son armée, malgré tant de désastres, était forte encore de près de cent cinquante mille hommes dans toutes les directions, c'est-à-dire depuis Smorgoni jusqu'au Niémen. Il put se souvenir alors du choix qu'il avait fait du roi de Naples. Enfin le Niémen était franchi, et l'incendie de Kowno, le seul que l'on puisse reprocher à notre armée, et dont le désordre seul fut la cause, devait éclairer ce dernier séjour des Français sur le territoire de la Russie. La gloire aussi lui fit ses adieux. A la tête de trente hom

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