forces pour offrir, au lieu d'une armistice une bataille à ses ennemis, et s'il eût manœuvré ensuite de manière à déborder Breslau, il eût fait voir qu'il allait au-devant d'un, engagement décisif; il eût frappé de stupeur la ligue du nord, au lieu de l'encourager et de lui dévoiler sa faiblesse par la demande réitérée qu'il fit de la suspension d'armes. Ainsi, loin d'avoir le secret de ses ennemis, il leur donna le sien, et ils se promirent bien de profiter de cette confidence si inattendue, après la série de triomphes qui les avait en vingt jours chassés du royaume de Saxe. >> La grande faute de l'empereur Napoléon fut le motif qui le décida à proposer l'armistice. Il croyait pouvoir faire la paix. Cette erreur ne fut pas de longue durée, et dépassa de bien peu de jours la négociation de la suspension d'armes. Les conférences de Reichenbach et de Trachenberg lui ouvrirent les yeux sur la conspiration des cabinets. Alors son génie politique dut se reployer entièrement sur son génie militaire, et opposer au million d'hommes qui l'appelaient L'ENNEMI COMMUN, toute la force d'âme et toute la capacité guerrière dont il était doué. Mais il est bien remarquable que le grand homme de la guerre ait été trompé par la guerre elle-même, et qu'il ait vu l'avenir de la paix dans une proposition qui devait laisser à son ennemi le temps de doubler ses forces. Napoléon aurait dû cependant être éclairé sur ce fait important par les supercheries du cabinet russe, qui n'avait fait parvenir que le soir de la bataille de Wurtschen sa réponse à la lettre que le major-général de l'armée française avait envoyée à ses avantpostes l'avant-veille de la bataille de Bautzen. Par le retard qu'il mit à faire donner cette réponse, l'empereur Alexandre annonçait suffisamment qu'il avait l'espérance de prendre une revanche décisive de la journée de Lutzen. Mais il perdit les deux batailles de Bautzen et de Wurtschen, et malgré ces deux nouveaux succès, la fatale destinée ou plutôt la fatale confiance de Napoléon dans la possibilité de la paix, l'entraîna à faire donner suite à la réponse si équivoque du comte de Nesselrode, et à la lettre si claire du comte de Stadion, au lieu de retarder à son tour sa réponse, et de l'ajourner également pour le moment où ayant replacé son ennemi sur un quatrième champ de bataille, il pourrait, avec plus de confiance que lui, devoir au sort de ses armes journellement victorieuses la conquête de cette paix, à laquelle il sacrifiait tous les élémens connus de son caractère. Ainsi, en dix jours, la Saxe, dont l'occupation était le premier but, le résultat infaillible du plan de campagne des alliés, la Saxe avait été délivrée, et son souverain, échappé à la protection autrichienne, était rentré dans sa capitale à la voix de son allié! En huit jours la haute Silésie était au pouvoir des Français ! Breslaw va tomber. L'armée ennemie est acculée dans la basse Silésie, où Napoléon peut porter le théâtre de la guerre, où une seule bataille peut-être doit refouler sur ellemême l'invasion du Nord, ou plutôt lui fermer le retour dans sa patrie. Dans la trente-deuxième division militaire, la chute de Hambourg est attendue à chaque instant : ce grand événement ouvrira une autre route sur Berlin à une autre armée française. Encore deux jours, l'Elbe et l'Oder sont conquis! Encore deux jours, les chemins sont ouverts pour marcher sur Custrin, sur Varsovie, sur Dantzick! Dans cette dernière ville, une belle armée de trente mille Français et alliés est la prisonnière de la victoire qui couronne Napoléon, si elle n'est pas à l'instant délivrée; et si elle ne reprend pas sous ses aigles sa place de combat, après le perfide repos que va lui donner l'armistice, elle attendra vainement de la glorieuse capitulation due à son courage son retour dans la patrie. Le fatal armistice va produire un lien terrible, une loi barbare. La foi de la guerre, cette religion de l'honneur et de l'adversité, sera détruite. La société humaine va être suspendue. Là où il y aura capitulation, il y aura captivité, il y aura exil sous les glaces du pôle. La guerre s'arrête mais la trahison va coucher sous les : tentes, et empoisonner les armes qui dorment au TOME I. 31 même faisceau. Il n'y a plus qu'une loi politique, celle de l'abaissement de la France; il n'y a plus qu'un lien social, celui de la destruction de Napoléon. Les empereurs, les rois, les princes, ont juré par ces deux sermens. Le moment est venu d'acquitter les alliances, les traités, les couronnes, les provinces, dettes importunes, dont le poids fatigua long-temps l'orgueil des vaincus; il est temps d'affranchir la mémoire des champs de bataille. L'Angleterre est pure de ces souvenirs du continent; elle n'a pérdu que le Hanovre, et n'a pas à se venger d'un seul bienfait. Sa guerre contre Napoléon n'a jamais été troublée par le don d'une province, par une alliance, par un lien de famille; elle n'a jamais ni perdu de vue, ni embrassé, ni renié son ennemi, et elle a eu le génie d'en faire L'ENNEMI COMMUN. FIN DU PREMIER VOLUME. TABLE DES CHAPITRES DU PREMIER VOLUME. PRÉFACE. CHAPITRE PREMIER. Départ de l'empereur Napoléon de mouvement de la nouvelle armée. Pages. j Composition et 26 35 CHAPITRE IV. Retraite de l'armée sous le roi de Naples. 80 CHAPITRE V. Défection des Prussiens. CHAPITRE VI. Retraite de l'armée sous le vice- roi d'Italie. CHAPITRE VII. Affaires d'Autriche. 96 116 Négociations à Paris. Départ de Napoléon pour Mayence. . CHAPITRE VIII. Dispositions arrêtées par Napoléon pour le service général et l'organisation de l'armée.. CHAPITRE IX. Négociations à Paris avec le prince de Schwartzenberg. CHAPITRE X. Arrivée et séjour de l'empereur à Mayence. CHAPITRE XI. Départ de Mayence. Séjour de l'empereur à Erfurth. 219 238 · Ouverture de la |