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qu'elles allaient perdre leurs noms de peuples et jusqu'au langage de leur patrie! Ainsi, pendant que Napoléon était trahi sous son drapeau par ceux qui étaient venus solliciter dans sa tente l'honneur de concourir avec lui à la dernière conquête du continent européen, il était recherché, assiégé dans ses revers par la fidélité de ceux à qui ces mêmes revers n'ôtaient rien, et qui ne pouvaient gagner, au retour des prospérités de l'empereur des Français, que la continuation de leur soumission. Ces innombrables et pathétiques adresses que Napoléon reçut après le désastre de Moscou sont sans doute le monument le plus éloquent de la conscience des hommes. Ce sont de terribles documens historiques à opposer aux arrêts des cabinets contre l'ennemi commun.

CHAPITRE III.

Concordat de Fontainebleau.

NAPOLÉON avait conçu le projet d'investir les papes d'une immense puissance spirituelle, à l'exclusion de toute puissance temporelle. Cette grande idée était une des bases principales de cette réformation européenne, à laquelle il travaillait sans relâche et sans témoins depuis son avénement à l'empire. Un seul Code, une seule cour de cassation, un seul poids, une seule monnaie étaient des élémens déjà préparés pour établir cette puissance nouvelle. La loi du blocus continental ne devait donner également à l'Europe qu'un seul ennemi, et après la soumission de la Russie, la loi d'une seule croyance religieuse eût complété peut-être ce vaste système d'unité qu'aucun conquérant des temps anciens et modernes n'avait encore aperçu. La réunion de l'église grecque à l'église latine n'était point une combinaison étrangère à Napoléon, qui avait depuis long-temps médité l'affranchissement de la Grèce; cette réunion était un résultat aussi probable à espérer de la campagne de Moscou, que celle de l'église réformée. Victorieux en Russie, Napoléon revenait maître de l'Allemagne protes

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tante, et aurait eu tout à coup pour auxiliaires tous ses co-religionnaires d'Autriche, d'Italie, d'Espagne et de Portugal; il aurait rendu alors à l'église catholique sa signification primitive d'église universelle.

Le procès de la Turquie d'Europe était jugé depuis long-temps. La sentence avait été renouvelée à Tilsitt par des articles secrets. L'odieux mahométisme eût disparu à jamais de la terre européenne, et l'empire du christianisme, reconquis et réédifié par Napoléon, eût placé sur sa tête la couronne d'un nouvel empire d'Occident.

En grand tacticien politique, déjà Napoléon préparait les approches du lutheranisme par le projet qu'il avait eu de proposer à l'ambition du Vatican l'établissement de plusieurs évêchés sur les côtes occidentales de l'Allemagne. C'était un blocus catholique qu'il méditait contre la patrie luthérienne. Dans les premiers jours de 1808, il avait demandé au pape l'établissement d'un patriarche en France, et l'abolition du célibat des prêtres; c'était largement expliquer sa pensée à la cour de Rome. Depuis, cette idée grandit encore dans sa vaste tête, et il conçut celle du patriarche universel de la chrétienté, celle du pape résidant près de lui dans la future capitale de l'Europe.

On s'est étonné pourquoi Napoléon n'avait pas établi le protestantisme en France sous le consulat! La réponse à laquelle on s'attend le moins

est peut-être la plus forte, c'est que Napoléon était lui-même très-catholique. De plus il avait retrouvé la France telle, malgré les opinions philosophiques et les persécutions révolutionnaires, et il avait pour la guerre civile une horreur, qui ne lui permettait pas de donner luimême le signal d'une guerre religieuse. La Vendée avait été le théâtre de ces deux fléaux, qui avaient marché de front constamment contre la révolution; et malgré la pacification de cette malheureuse contrée, ses plaies étaient encore loin d'être fermées. Napoléon devait craindre encore de se rendre ennemi de la classe populaire, qu'il attacha depuis à son gouvernement et à sa gloire par des liens si forts, que sa mémoire n'y périra jamais. Enfin, sans doute aussi, le protestantisme, religion toute républicaine, ne lui présentait-il pas les moyens dont il avait besoin pour exécuter ses projets sur l'Europe et sur la France elle-même ?

L'idée mère de tous les démêlés entre Napoléon et le souverain pontife n'était donc pas l'expédi→ tion des bulles en trois mois ou en six mɔis pour les évêques nouvellement nommés; c'était la séparation éternelle du temporel et du spirituel dans la royauté pontificale. L'élévation extraordi

aire de la puissance spirituelle du pape, sa prédomination sur les diverses communions de l'Europe, étaient la compensation de ce sacrifice, et le moyen de rendre cette dernière création directement

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utile au plan que Napoléon avait formé de recréer la vieille Europe, était l'établissement du saint siége devenu universel, dans le palais métropolitain de la capitale du grand empire. « J'allais relever le pape outre mesure, disait Napoléon à Sainte-Hélène, l'entourer de pompes et d'hommages, je l'eusse amené à ne plus regretter son temporel, j'en aurais fait une idole; il fût demeuré près de moi, Paris fût devenu la capitale du monde chrétien, et j'aurais dirigé le monde religieux ainsi que le monde politique. C'était un moyen de plus de resserrer toutes les parties fédératives de l'empire, et de contenir en paix tout ce qui demeurait au dehors. J'aurais eu mes sessions religieuses comme mes sessions législatives. Mes conciles eussent été la représentation de la chrétienté; les papes n'en eussent été que les présidens; j'eusse ouvert et clos les assemblées, approuvé et publié leurs décisions, comme l'avaient fait Constantin et Charlemagne; et si cette suprématie avait échappé aux empereurs, c'est qu'ils avaient fait la faute de laisser résider loin d'eux les chefs spirituels, qui ont profité de la faiblesse de ces princes, ou de la crise des événemens, pour s'en affranchir et les soumettre à leur tour. >> Cette confidence importante éclaircit une partie de la scène où se cache l'histoire secrète de ce géant politique.

Ainsi Napoléon avait voulu être à la fois César,

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