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Avant d'entrer à Varsovie, Napoléon visita les fortifications de Praga; le peu d'heures qu'il passa dans cette ville fut employé à travailler avec le président du conseil et les ministres du grand duché, auxquels il donna des instructions; il leur assura aussi des secours en argent, pour satisfaire à ce qu'exigeaient les circonstances. Le 14, dans la nuit, l'empereur arriva à Dresde; il descendit chez le baron de Serra, son ministre, où le roi de Saxe vint le voir immédiatement après son arrivée.

L'empereur dicta au duc de Vicence et au baron de Serra des dépêches aux différentes cours et des ordres de toute nature, qui furent expédiés à l'armée, à Wilna, à Berlin, à Vienne. Il envoya aussi un courrier porteur de la lettre suivante à S. M. l'empereur d'Autriche.

Dresde, 14 décembre 1812.

«Monsieur mon frère et mon très-cher beau-père,

»Je m'arrête un moment à Dresde pour écrire à votre majesté et lui donner de mes nouvelles. Malgré d'aussi grandes fatigues, ma santé n'a jamais été meilleure. Je suis parti le 5 de ce mois, après la bataille de la Bérésina, de Lithuanie, laissant la grande armée sous les ordres du roi de Naples, le prince de Neufchâtel continuant à faire les fonctions de major-général. Je serai dans quatre jours

à Paris ; j'y resterai les mois d'hiver pour vaquer aux affaires les plus importantes. Peut-être votre majesté jugera-t-elle utile d'y envoyer quelqu'un en l'absence de son ambassadeur (le prince de Schwartzemberg) dont la présence est utile aux

armées.

» Les différens bulletins que le duc de Bassano n'aura pas manqué d'envoyer au comte Otto auront instruit votre majesté de la marche des affaires. Il serait important, dans ces circonstances, que votre majesté rendit mobile un corps de Gallicie et de Transylvanie, en portant ainsi vos forces entières à soixante mille hommes. J'ai une pleine confiance dans les sentimens de votre majesté. L'alliance que nous avons contractée forme un système permanent dont nos peuples doivent retirer de si grands avantages, que je pense que votre majesté fera tout ce qu'elle m'a promis à Dresde pour assurer le triomphe de la cause commune, et nous conduire promptement à une paix convenable.

» Elle peut être persuadée que, de mon côté, elle me trouvera toujours prêt à faire tout ce qui pourra lui être agréable, à la convaincre de l'importance que j'attache à nos relations actuelles, et à lui donner des preuves de la plus parfaite estime et haute considération avec laquelle je suis, de V. M. le bon frère et beau-fils.

>> NAPOLÉON. >>>

L'empereur Napoléon ignorait encore ce qui se passait au contingent autrichien, commandé par le prince de Schwartzemberg. La confiance qu'il témoigne à son beau-père dans une position aussi grave est pleine de dignité, et le rappel des promesses de Dresde, où l'empereur d'Autriche était venu le voir à son passage, est d'une éloquence de situation bien remarquable. La cause était commune à Dresde au mois de mai, sous la condition du succès. Au mois de décembre, à Vienne, elle était déjà séparée. La confiance de Napoléon malheureux, dans la fidélité de son beau-père, n'est point une faiblesse, elle est le témoignage d'une grande générosité de caractère.

Peu de jours après, Napoléon, dans le même sentiment de confiance que lui avaient laissé sans mélange d'aucune inquiétude, et l'abondance de Wilna et l'alliance de la maison de Prusse, également incapable de douter de lui-même et de ses alliés dans une situation où il croyait avoir le plus de droits à leur fidélité, écrivit de Paris au prince de Neufchâtel :

« Mon cousin, je vois avec peine que vous ne vous soyez pas arrêté à Wilna sept à huit jours, afin de profiter des effets d'habillement, et rallier un peu l'armée. J'espère que vous aurez pris position sur le Pregel. Nulle part il n'est possible d'avoir autant de ressources que sur cette ligne et à Koenigsberg. J'espère que les généraux Schwart

zemberg et Régnier auront couvert Warsovie. La Prusse se prépare à envoyer des renforts pour couvrir son territoire. Sur ce, etc. >>

Ainsi Napoléon, loin de douter de la Prusse et de l'Autriche, comptait sur ces deux puissances comme sur deux solides auxiliaires. Habitué qu'il était à ce que son cabinet ne fût que l'action de sa pensée, à son exemple il établissait toutes ses espérances, toutes ses certitudes sur le caractère personnel des souverains ses alliés. Sa prévoyance si exercée ne pouvait aller jusqu'à deviner que les rois seraient égarés par leurs cabinets, les cabinets entraînés par les armées, et les armées poussées et recrutées volontairement par les peuples. Ces grandes défections de nations donneront un caractère particulier aux événemens qui vont suivre.

Le 15, avant le jour, l'empereur était sur la route de Leipsick et de Mayence. Il s'arrêta à Erfurth, où l'attendait le baron de Saint-Aignan, son ministre près les cours ducales de Saxe. Ce fut dans cette ville qu'il quitta son traîneau pour prendre la voiture de M. de Saint-Aignan, et continuer son voyage.

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M. DE MONTESQUIOU, qui avait été expédié de Molodetschno pour Paris, y était arrivé le 15, èt après avoir reçu les ordres de l'impératrice, il s'était remis en route peu d'heures après, et avait, à son grand étonnement, rencontré l'empereur à une lieue au delà de Mayence. Le 19, après minuit, Napoléon arriva aux Tuileries. Le lendemain, à la pointe du jour, la salve accoutumée annonça son retour à la capitale, et le lever eut lieu suivant l'usage : ce lever fut nombreux. Une impatience inquiète était peinte dans tous les regards; ils se portaient avec avidité sur l'empereur pour deviner le fatal secret dont personne n'osait demander la révélation. Toutes les familles de la grande-armée semblaient représentées à cette audience par les personnages qui avaient le droit d'y assister. Ce jour il n'y eut pas de courtisans, le palais ne vit que des Français malheureux. Dans les conversations que l'empereur eut avec ses ministres, il aborda franchement le récit des malheurs de l'armée. Le vingt-neuvième bulletin

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