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entraîner à l'impulsion vraiment révolutionnaire de son pays, sans être bien certain des intentions secrètes de l'Autriche, et des dispositions de tous les états allemands, qui combattaient sous le drapeau francais? Certes, cette conduite de la Prusse fut pour tout observateur un trait de lumière jeté sur l'avenir, et ce ne fut sans doute qu'une confiance extraordinaire en lui-même, dans la fidélité de son beau-père, dans celle de ses alliés d'Allemagne, qui put dérober au plus grand politique du siècle, ce nouvel éclair de la tempête européenne. · Cependant les édits royaux des 3, 9 et 10 février avaient appelé aux armes toute la population virile de la Prusse, au nom du salut de la patrie, et le 12 du même mois, le général d'York publia à Koenigsberg, une proclamation qui contenait ces passages remarquables : « Les représentans de la nation assemblés ont décrété outre l'armement général l'organisation d'un corps national de cavalerie pour renforcer l'armée....... Citoyens de la Prusse, formons ce corps pour servir d'exemple aux autres provinces de la monarchie, et réunissons tous nos efforts pour montrer à l'Europe qui a les yeux fixés sur nous, ce que peut produire l'amour pour le roi et pour l'indépendance de la patrie. » On peut demander à présent ce que sont devenus ces représentans et ́ ces citoyens de la Prusse. Peu de jours après cette proclamation, le général Bulow avait imité, le gé

néral d'York, et par cette nouvelle trahison il avait livré aux Russes le bas Oder. Le 11 mars, une ordonnance également émanée de Breslau, et signée du roi lui-même, proclama la justification des généraux d'York et Massenbach, et se terminait ainsi : « Non-seulement nous confirmons le susdit général d'York dans le commandement du corps d'armée qui était sous ses ordres, mais en outre, pour lui donner une preuve de notre satisfaction et de notre confiance illimitée, nous lui confions encore le commandement en chef des troupes du général major de Bulow.» Enfin, le lendemain de l'arrivée de l'empereur Alexandre à Breslau, le 16 mars, une note du ministre d'état du roi de Prusse signifia au comte de Saint-Marsan, ministre de France à Berlin, le traité d'alliance qui avait été signé le 27 avril à Breslau par le baron de Hardenberg, et le 28 à Kalisch par le maréchal prince Kutusof.

La même notification fut faite à Paris le 27 mars par le baron de Krusemarck, ministre de Prusse au duc de Bassano ministre des relations extérieures, qui y répondit le 1er avril. Le duc de Bassano retraca d'une manière noble et énergique les singulières vicissitudes qui ayant armé, en 1792, le royaume de Prusse contre la république française, le rendirent ami de la France en 1799; celles qui, en 1805, livrèrent la Prusse à la politique russe et autrichienne, et six

à

semaines après, éclairée que fut cette puissance par le triomphe d'Austerlitz, la ramenèrent tout coup à l'amitié française ; celles qui, en 1806, provoquant une nouvelle infidélité de la Prusse, virent tomber à léna les derniers soldats du grand Frédéric, et cependant la firent admettre à signer à Tilsitt un traité où elle recevait tout, et où elle ne donnait rien; celles qui, en 1809, menacèrent encore la Prusse d'une nouvelle fluctuation dans sa politique, à laquelle les défaites de l'Autriche purent seules rendre alors sa stabilité; celles enfin qui, en 1812, aux préparatifs de la Russie, ayant admis la Prusse dans l'alliance de la France, et ayant entraîné sa nouvelle fidélité sous les drapeaux de Napoléon, la rendirent après la retraite de Moscou si justement suspecte au gouvernement français par la défection des trois généraux qui commandaient son contingent, par le départ du roi pour Breslau, par l'appel de ce prince à tous les Prussiens en âge de porter les armes, et enfin par ses communications journalières avec le quartier général de l'empereur Alexandre.

Après cette récapitulation de toutes les modifications, que la fidélité prussienne avait éprouvées depuis la révolution française le duc de Bassano ajoutait : « Une puissance dont les traités ne sont que conditionnels ne saurait être un intermédiaire utile: elle ne garantit rien : elle n'est

qu'un sujet de discussion : elle n'est pas une barrière. >>

Une grande faute avait été commise. A Tilsitt, il n'y avait que deux bons partis à prendre: ou rendre tout à la maison de Hohenzollern de son propre mouvement, sans l'intervention russe, et en faire par là un puissant ami de la France; ou

renverser entièrement cette maison. Dans l'un ou l'autre cas, il fallait ériger la Prusse en grand état intermédiaire; ce pays s'accroissant, prenant en Europe une haute situation politique, eût promptement oublié les événemens qui avaient compromis jusqu'à son existence. Le Prussien, doué d'une imagination ardente, fatigué du poids de ses souvenirs et avide de reprendre rang dans les supériorités européennes, eût embrassé avec ardeur tout système qui aurait réédifié sa patrie sur une base véritablement politique, et qui lui eût donné une place plus élevée dans la prépondérance des nations. Au lieu d'une telle position dont elle était manifestement impatiente, le traité de Tilsit n'avait pas destiné la Prusse à être même une barrière. La forme bizarre des localités auxquelles elle dut s'assujettir, en vertu de ce traité, fit dire alors ce que l'on a tant répété depuis, que cette monarchie n'était qu'une façade sur l'Europe.

Cependant un acte de la plus haute et de la plus dangereuse importance pour la France se

l'An

pa

rattachait subsidiairement au traité de Kalisch, et renfermait tout le secret de la tempête que gleterre, la Russie, la Prusse et l'Autriche conjuraient contre elle : c'était la convention conclue à Breslau le 19 mars par le comte de Nesselrode et le baron de Stein pour la Russie, et pour la Prusse par le comte de Hardenberg et le général de Scharnhorst. Il fut stipulé que tous les princes allemands seraient appelés à concourir sans aucun délai à l'affranchissement de leur trie, faute de quoi ils seraient privés de leurs états. Cette singulière législation, digne des temps barbares, a été depuis rigoureusement exercée à Vienne contre le vénérable roi de Saxe. Par d'autres articles, un conseil central d'administration qui fut composé, pour la Russie, du comte de Kotchoubey et du baron de Stein, pour la Prusse, de deux conseillers d'état, devait gouverner les provinces conquises au profit des alliés, et une armée de ligne et une levée en masse seraient organisées dans tous les états de la confédération du Rhin. En complément de cette convention tyrannique, et pour servir de manifeste à la conspiration allemande ourdie à Breslau contre Napoléon le 25 mars, le maréchal Kutusow annonça à Kalisch par une proclamation, que la confédération du Rhin était dissoute.

Répétée par tous les échos du Tugenbud déjà en action, cette proclamation devait servir d'effroi

TOME I.

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