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1801. Mort de

Les Anglois, de leur côté, firent une perte qu'ils auroient voulu racheter au prix de leur victoire. Nelson, le héros de leur marine, reçut, à bord du Victory, une Nelson. blessure mortelle à laquelle il ne survécut que le temps de remettre le baton du commandement à l'amiral Collingwood. Sa mort excita un deuil général en Angleterre. Son corps y fut transporté dans le cercueil qu'il avoit toujours près de lui dans ses expéditions. Il fut exposé pendant trois jours à l'hôtel de Grenwich, et inhumé avec la plus grande pompe dans l'église de St.-Paul. On lui a élevé, dans la même église, un monument, pour la construction duquel la nation entière a voulu souscrire. C'est ainsi qu'en honorant la mémoire des grands hommes, on excite aux grandes actions et on entretient l'esprit public.

Ce ne fut que deux mois après l'événement que l'Argus, journal écrit en anglois, mais rédigé dans les bureaux du ministre des relations extérieures (1), apprit aux François que les amiraux Villeneuve et Gravina avoient eu, avec l'amiral Nelson, un engagement, dans lequel les deux flottes avoient été plus maltraitées par la tempête que par le feu de l'ennemi.

Mais ni ce silence, ni ces versions infidéles ne remédioient au mal. Il seroit difficile de savoir si, nonobstant la perte des deux flottes, Buonaparte crut encore à la possibilité d'une descente en Angleterre ; mais il est certain qu'il feignit d'y croire, et continua d'agir sur le même plan.

quelque suite des événements qui s'enchaînent et se compliquent tout à-la fois, il est difficile de suivre exactement l'ordre chronologique.

(1) Par MM. Goldsmith et André.

1801. Conjectures du

le succès

cente.

Les opinions étoient partagées, en Europe comme en France, sur le succès éventuel de cette expédition. « Elle réussira, disoient les uns, si tous les calculs public sur de la prudence humaine ne sont pas trompeurs. D'abord, de la des- les forces avec lesquelles on l'entreprend sont immenses, et celui qui les commande n'a jamais rien épargné pour arriver à ses fins: ensuite l'expérience a prouvé que les Anglois ne savent pas se défendre dans leurs foyers, soit que, comptant beaucoup sur la mer, qui les protège de tous côtés, ils n'aient sur aucun point de places fortes qui puissent arrêter l'ennemi; soit que la jalousie de la liberté entretienne chez eux le germe des discordes, qui sont toujours favorables aux étrangers : enfin les François, excités par l'espoir d'un immense butin autant que par l'amour de la gloire, ne connoissent point d'obstacles, et peuvent franchir la Manche pour arriver en Angleterre, aussi facilement qu'ils ont franchi la Méditerranée pour s'emparer de l'Égypte. Ils éprouveront de grandes pertes; ils s'y attendent, elles sont prévues et calculées. « Je perdrai, a dit Buonaparte, une première, une seconde, une troisième division: je m'y attends. » Mais la quatrième passera, et suffit pour faire sauter la banque de Londres, et avec la banque le gouvernement. »

« Laquatrième division ne passera pas plus que les trois premières, répondoient les partisans de l'opinion contraire. Aucune ne franchira le détroit, parcequ'elles trouveront les mêmes obstacles, devant lesquels elles viendront échouer les unes après les autres. Tous les genres de courage sont inutiles devant des obstacles insurmontables. Toutes les péniches, tous les bateaux, toutes ces coquilles de noix serout feudroyées et submergées

par le feu des vaisseaux de ligne. Et quand quelques unes de ces péniches échapperoient au danger commun, quand elles transporteroient sur les côtes d'Angleterre quinze ou vingt mille hommes, que feroit cette foible armée contre la population entière de l'Angleterre, que la crainte du pillage a réunie sur un point, et que vos provocations impolitiques ont soulevée ? Les Anglois ne sont, pas plus que les Allemands, que les Suisses, que les Espagnols, disposés à se laisser tranquillement outrager, piller et enchaîner. Ils se défendront; ils se battront pro aris et focis, c'est-à-dire avec courage et désespoir: ils repousseront dans la mer et les péniches et les soldats qui auront eu l'imprudence de s'y embarquer; et de cette expédition si coûteuse et si formidable, il restera dans la mémoire de nos neveux les souvenirs de honte et de regrets qui restent dans celle des Espagnols de la fameuse invincible, qui devoit détrô.ner la reine Élisabeth. »

Quoi qu'il en soit de ces conjectures, Buonaparte avoit plus d'un motif pour entretenir dans l'esprit du soldat l'espoir de la descente d'une part, il vouloit tenir son armée en haleine; de l'autre, il craignoit, et non sans raison, l'effet qu'auroit produit sur elle l'aveu de son impuissance.

Sa flottille et son armée de Boulogne présentoient, au reste, une apparence capable d'éblouir d'autres yeux que ceux de la multitude. L'armée se composoit de deux cent mille hommes bien vêtus, bien nourris, bien exercés, et tous déterminés à le suivre par-tout où il voudroit les conduire. Cent mille hommes devoient, dit-on, s'embarquer à Boulogne; dix mille à Calais, vingt mille à Étaples, vingt mille à Ambleteuse;

1801.

1801.

cinquante mille devoient rester au camp, comme armée de réserve. Une autre armée de cent cinquante mille hommes étoit disposée en échelons, depuis Boulogne jusqu'à Metz. Celle-ci étoit destinée à renforcer celle de la descente, si elle avoit lieu; sinon, à frapper les premiers coups en Autriche, si, comme tout portoit à le croire, le traité de Lunéville étoit rompu.

La flottille se composoit d'environ trois mille bâtiments de toute grandeur et de toute espèce, parmi lesquels on comptoit soixante prames à trois mâts, qui portoient chacune six canons de trente-six, et cent hommes de débarquement; sept cent cinquante canonnières à trois mâts et pontées, qui portoient douze pièces de six et quatre-vingts hommes de débarquement; deux cent soixante grandes embarcations hollandoises, destinées à transporter la cavalerie, les fourrages et les munitions. Le reste étoit composé de chaloupes et de bateaux plats, armés de quatre pierriers chacun, et montés par vingt-cinq, trente et quarante hommes.

Tout cela étoit en mouvement depuis quatre mois, et offroit un coup d'œil superbe et imposant.

Buonaparte crut devoir en augmenter l'éclat par sa présence. Il alla s'établir avec toute sa cour au milieu du camp. Il y donna des fêtes et des spectacles; il passa des revues, distribua des croix d'honneur, et n'épargna aucune de ces séductions dont il possédoit mieux que personne le secret, quand il vouloit éblouir ou tromper la multitude.

Il donna ordre au ministre de la police de lui envoyer tous les François qui savoient la langue angloise, ou qui avoient quelques notions sur l'Angleterre. Ce fut

dans ce temps-là qu'il nomma le général Clarke, Irlandois d'origine, secrétaire de son cabinet. Il fit venir des savants de l'Institut, des poëtes du Vaudeville, des journalistes, des imprimeurs, des banquiers, qui tous devoient le suivre à Londres, et y former des établissements. On ne sait s'il se moquoit intérieurement de leur crédulité, mais il encourageoit publiquement leurs espérances.

Cependant il faisoit embarquer des chevaux et des troupes: lui-même s'embarqua un matin sur une péniche, qui fit naufrage au port, et faillit l'engloutir avec ses projets gigantesques. Un autre jour, il fit sortir cent de ces péniches, pour aller s'essayer contre un vaisseau de ligne et trois frégates, qui étoient en croisière à deux portées de canon. L'engagement eut lieu à la vue de toute l'armée. Les trois vaisseaux ennemis se retirèrent, après avoir échangé quelques boulets avec l'escadrille françoise.

Nous raconterons la suite de cette expédition après les grands événements qui se préparoient dans l'intérieur, et qui vont bientôt s'accomplir.

Les projets que Buonaparte avoit formés contre l'Angleterre ne détournèrent pas un moment son attention de l'Italie, sur laquelle il avoit toujours fondé ses plus chères espérances, qu'il regardoit dès-lors comme son domaine privé, et qui pouvoit, en cas de besoin, deve nir son dernier asile.

On a trouvé dans ses papiers le développement d'un système qu'il rêva dans un moment de découragement, et qui nous a paru assez curieux pour étre rapporté, au moins en abrégé :

1802.

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