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leur tombeau. Soldats! nous aurons des marches forcées à faire, des batailles à livrer, des périls à courir; mais, avec de la constance, la victoire nous restera. Les droits, l'honneur et le bonheur de la patrie seront reconquis. Pour tout François qui a du cœur, le moment est arrivé de vaincre ou de périr.

Le 15, à la pointe du jour, l'armée s'ébranla pour entrer dans la Belgique. Les premiers ennemis qu'elle rencontra furent les avant-postes de l'armée prussienne. Ils furent aussitôt attaqués et vivement poursuivis jusqu'à Marchiennes. Ils allèrent se retrancher, ainsi que l'armée, derrière Fleurus.

En arrivant dans la Belgique, les François furent reçus par les habitants avec des transports de joie qui ne tardèrent pas à se changer en désespoir, quand ceuxci virent que le pillage et la dévastation suivoient partout les pas de leurs hôtes. Aussitôt qu'une brigade avoit pris position autour d'un village, elle se débordoit, comme un torrent, sur toutes les habitations qui s'offroient à sa vue. Boissons, comestibles, meubles, linge, vêtements, tout disparoissoit à l'instant. Les campagnes, qui, la veille encore, étoient couvertes des. plus riches moissons, paroissoient avoir été abymées par un déluge de gréle le lendemain du passage. Les places des feux de bivouacs, éparses au milieu des champs, et les prairies, réduites en litières, ressembloient à des lieux frappés de la foudre. Puisse ce tableau, tracé par un témoin oculaire, dégoûter les peuples des vaines fumées de la gloire militaire! Bataille Le 16 juin, l'armée françoise, en débouchant de Fleurus, découvrit l'armée prussienne rangée en bataille sur toute la longueur d'un coteau, au bas duquel

de Ligny.

se trouvoit un profond ravin. On croit qu'elle déployoit une force de 90,000 hommes; sa droite étoit appuyée au village de Saint-Amand, son centre à Ligny, sa gauche s'étendoit sur la route de Namur.

Reconnoître l'ennemi, faire ses dispositions pour l'attaquer et le charger sur toute la ligne, tout cela fut pour Buonaparte l'affaire d'un instant. La charge fut terrible, et la mêlée fut bientôt générale. Il sembloit que des deux côtés les soldats avoient une injure particulière à venger; il sembloit que chacun d'eux retrouvoit un implacable ennemi dans l'inconnu qu'il avoit devant lui : les François ne vouloient faire aucun quartier; les Prussiens n'en faisoient pas davantage. Des deux côtés l'acharnement étoit égal, et le massacre horrible (1). Les villages de Saint-Amand et de Ligny furent pris et repris plusieurs fois, et toujours disputés avec la plus sanglante opiniâtreté. Les succès se balancèrent pendant les trois premières heures; dans ce moment le feu des François parut se ralentir, les Prussiens avoient un avantage décidé ; le maréchal Ney, qui commandoit l'aile gauche, crut devoir faire dire à Buonaparte qu'il étoit temps de songer à faire retraite ; ce n'étoit nullement le projet de celui-ci ; c'étoit au contraire le moment qu'il attendoit pour faire avancer sa garde, qui, marchant au pas de charge au milieu d'une grêle de balles et de mitrailles, franchit audacieusement le ravin, rétablit l'équilibre, aborde à la baïonnette

(1) Cette haine violente et réciproque date de la campagne d'Jéna; et on en concevra les motifs, si on se rappelle les notes outrageantes que Buonaparte fit publier contre la reine et l'armée de Prusse, et celles que la reine de Prusse fit insérer dans tous les papiers étrangers contre l'empereur et l'armée des François.

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les carrés prussiens et les attaque avec une impétuosité qui jeta le désordre dans leurs rangs. Étonnés au dernier point et enfoncés de toutes parts, les Prussiens prirent la fuite et nous abandonnèrent le champ de bataille couvert de morts et de mourants. Le maréchal Blücher, qui les commandoit, eut un cheval tué sous lui, et ne dut son salut qu'à l'obscurité de la nuit.

La perte fut considérable de part et d'autre, mais sans aucun de ces résultats qui signalent une grande victoire. « Notre perte, dit le général Gourgaud, fut d'environ 8,000 hommes (1). Le brave général Gerard termina glorieusement sa carrière dans cette journée. Les bulletins de l'ennemi ont évalué la sienne à 15,000 hommes. »

Les avantages que Buonaparte recueillit de cette victoire furent d'abord de séparer l'armée prussienne de l'armée angloise, ensuite de rendre à la sienne la confiance qui justifia si souvent sa témérité. Mais son heure dernière étoit sonnée. Ces deux avantages ne purent le sauver.

Tandis que le maréchal Grouchy suivoit et observoit les Prussiens sur la route de Namur, Buonaparte alla reconnoître l'armée angloise, qui lui parut en position sur le terrain dit des Quatre-Bras; et, sans prendre un moment de repos, il résolut de l'attaquer le lendemain à la pointe du jour. Il donnoit ses ordres, toutes ses dispositions étoient faites, quand on vint lui apprendre que les masses qu'il voyoit sur les plateaux, celles qui défendoient l'entrée de la forêt, celles qui étoient rangées sur la route de Bruxelles, étoient autant de voiles

(1) Campagne de 1815, par le général Gourgaud.

destinés à lui cacher le mouvement rétrograde que le duc de Wellington avoit cru devoir faire, en consé- 1815. quence de la défaite des Prussiens à Ligny. H fut doublement fâché, et de son erreur et de son désappointement. Toute la journée du 17 fut employée à débusquer et à poursuivre ces trois divisions d'arrière-garde qui ne se battoient qu'en retraite et pour gagner du temps, et qui ne s'arrêtèrent que le soir, sur le MontSaint-Jean, où Buonaparte se promettoit de les forcer le 18 (1).

La nuit fut affreuse. Une pluie continuelle et qui tomboit par torrents fit cruellement souffrir l'armée françoise, que la marche du 17 et la bataille du 16 avoient déja extrêmement fatiguée. Mais Buonaparte avoit le secret de communiquer son infatigable ardeur à ses soldats. Ils supportèrent non seulement avec patience, mais avec gaieté, la pluie, la chaleur, les marches, les privations, dans la ferme croyance où ils étoient que la retraite des Anglois étoit une déroute, et dans l'espoir flatteur qu'ils iroient coucher le lendemain à Bruxelles. Des déserteurs, qui n'étoient que des espions, avoient annoncé que l'armée belge, qui faisoit partie de celle des Anglois, n'attendoit que l'engagement pour passer tout entière du côté des François.

Le jour, en paroissant, laissa voir les Anglois dans Bataille les mémes positions qu'ils occupoient la veille. Buona- de Waterparte s'en félicita; il avoit craint qu'ils ne lui échap

(1) On a écrit dans le temps que, par ce mouvement rétrograde, le duc de Wellington avoit tendu un piège à Buonaparte, et qu'en se présentant en bataille sur le terrain de Quatre-Bras, son intention étoit de dérober une marche à son ennemi, et de l'attendre au MontSaint-Jean, derrière des retranchements que des travaux continués pendant plusieurs jours avoient rendus inexpugnables.

loo.

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passent pendant la nuit. Il dit au maréchal Ney: Je les tiens; sur dix chances, nous en avons neuf pour nous.

Sans s'inquiéter davantage de leurs forces et de leurs positions, il presse avec son impétuosité ordinaire la marche des colonnes de son armée qui étoient restées en arrière, il les range en bataille à mesure qu'elles arrivent; il donne ses dernières instructions, et va se placer sur un mamelon, d'où sa vue pouvoit embrasser un vaste horizon et le mouvement des deux armées.

La sienne présentoit un effectif de 70,000 combattants partagés en quatre corps d'infanterie, y compris celui de la garde, et en trois corps de cavalerie. A dix heures du matin, elle étoit en position sur les hauteurs parallèles à celles qu'occupoit l'ennemi.

Celui-ci laissoit voir de moindres forces en apparence; mais ne devoit-on pas supposer, comme on ne tarda pas à s'en convaincre, qu'il y en avoit d'autres cachées dans la gorge qui séparoit les plateaux de la forêt de Sorgues, et dans la forêt? On a su depuis que le duc de Wellington avoit déployé $5,000 hommes dans cette journée; son quartier général étoit à Waterloo, derrière ses lignes.

Les deux armées s'observoient depuis deux heures. A midi l'action s'engagea par les tirailleurs ; à une heure les Anglois firent un mouvement en arrière. L'artillerie françoise se porta en avant sur toute la ligne, et fut suivie des colonnes.

Les deux points d'appui des deux ailes de l'armée angloise furent emportés à la baïonnette. Les François passèrent le ravin et s'approchèrent du centre de l'ennemi, qui, étant fortement retranché, ne bougeoit pas. Tandis que des masses d'infanterie françoise s'avan

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