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cher sur Rome. Elle entra dans cette ville le 2 février 1808, désarma la garnison, s'empara du château St.-Ange, et plaça une batterie de canons devant la porte du palais Quirinal, où le saint-père s'étoit retiré.

Le saint-père n'avoit ni les moyens, ni le desir de s'opposer à ces violences, mais il fit les protestations qu'il devoit faire : il écrivit à l'empereur avec une fermeté, que jusqu'alors il n'avoit pas montrée.

« Foulant aux pieds tous les devoirs sacrés, lui dit-il, vous abusez de la force que vous avez entre les mains pour faire tous les jours de nouvelles victimes; mais songez-y bien, nous pouvons nous lasser de l'injustice, et faire usage à notre tour de cette force morale que Tout-puissant a remise entre les nôtres, pour arrêter ou punir les entreprises des méchants, et vous serez responsable de tous les maux qui en résulteront. »

le

L'empereur répondit à cet avertissement par une note, dans laquelle il prévenoit le saint-père qu'il regarderoit comme une déclaration de guerre le refus de quiconque ne s'uniroit pas à lui contre les Anglois. La note étoit terminée par ces mots :

« Le premier résultat de la guerre est la conquête ; et le premier résultat de la conquête, c'est le changement de gouvernement. »

Ce langage étoit clair. Le saint-père l'entendit, et fit dire pour toute réponse, « qu'en sa qualité de prince temporel il ne reconnoissoit pour ennemis que ceux qui, au milieu de la paix, étoient entrés dans la capitale de ses états à main armée, et qui le retenoient prisonnier dans son palais; mais qu'en sa qualité de ministre d'un Dieu de paix, il ne pouvoit et ne vouloit faire la guerre à personne. »

1808.

1808.

Napoléon n'attendit pas même cette réplique ; il étoit las de ce qu'il appeloit des ménagements. Par une dernière décision, en date du 17 mai 1809, il prononça du pape à l'arrêt suivant :

Réunion

des états

l'empire françois.

« Les états du pape sont réunis à l'empire françois. « Le gouvernement constitutionnel y sera mis en vigueur avant le 1er janvier 1810.

« Les revenus du saint-père seront portés à deux millions de francs, libres de toute retenue.»

Ce fut alors que le saint-père adressa à toutes les puissances de l'Europe cette lettre fameuse qui désola si fort son ennemi, et dans laquelle il disoit :

« Ils sont enfin accomplis, les desseins ténébreux des ennemis du saint-siege. Ils nous ont dépouillé de nos états et de notre pouvoir temporel, avec lequel notre indépendance spirituelle étoit étroitement liée.

« Nous protestons contre cette nouvelle et violente spoliation, et nous déclarons nulle l'occupation qui vient d'être faite de nos domaines.

« Nous rejetons, de la manière la plus formelle, toute rente ou pension que l'empereur des François prétendroit faire à nous et aux membres du sacré collège..... Nous nous couvririons d'opprobre à la face de la terre, si nous consentions à tirer notre subsistance des mains de l'usurpateur de nos états..... »

Le saint-père ne se contenta pas cette fois-ci d'une simple protestation. Le temps des ménagements étoit passé pour lui, comme pour son ennemi : il s'arma des foudres de l'église, et lança contre lui l'excommunication dont il l'avoit menacé.

On croira facilement que celui qui avoit renić Dieu à l'Institut, et Jésus-Christ au pied des Pyramides,

devoit, pour son compte, faire très peu de cas des foudres de l'église; mais il craignit l'effet qu'elles pouvoient produire sur l'esprit des peuples: il défendit sévère ment qu'on en parlât, soit en public, soit en particulier; et ses ordres furent exécutés ponctuellement.

Il craignoit également que le saint-père, dont les malheurs immérités et la noble résignation excitoient le plus vif intérêt dans toute l'Europe, ne se retirât en Autriche ou en Espagne. Il le fit enlever secrétement par un détachement militaire, et conduire d'abord à Grenoble, puis à Savone, puis enfin à Fontainebleau. Nous verrons plus tard ce qu'il fit de son prisonnier.

Mais, avant d'aller plus loin, nous devons remarquer les tristes effets que ce dernier attentat contre le pape produisit dans l'église de France. Il donna naissance à un schisme beaucoup plus scandaleux que celui qu'avoit produit, en 1792, la constitution civile du clergé ; parcequ'alors les schismatiques avoient au moins pour excuse une doctrine qui admet des controverses. Mais ici ce fut une basse cupidité qui détacha un grand nombre d'ecclésiastiques de leur chef spirituel, et qui les détermina à vendre leur conscience et leurs services au tyran qui les méprisoit. Ils le célébrèrent dans leurs prones et dans leurs catéchismes, comme l'envoyé de Dieu, l'instrument de ses décrets et le représentant de la Providence sur la terre.

Que l'empereur se fût intitulé pape, muphti ou grandlama, peu importoit à ces prêtres de Baal, pourvu qu'ils fussent nommés par lui évêques, aumôniers de cour, ou sénateurs. Mais ce qui importoit à l'honneur de la nation, c'étoit que le clergé françois, jadis renommé par ses lumières et par ses mœurs, ne s'avilit pas au

1808.

1808.

Invasion

point de devenir l'organe et l'instrument de la tyrannie.

Ce qui alarmoit les amis de l'ordre et de la morale, c'est le mépris que cette apostasie faisoit rejaillir sur la religion; c'est la tendance que les opinions religieuses, refoulées dans les consciences par la conduite abjecte des prêtres, prenoient vers un déisme qui n'a besoin ni de culte ni de ministres; c'est enfin la crainte qu'une guerre religieuse ne vînt mêler ses horreurs à celles de la guerre civile.

On ne peut se dissimuler que la religion n'ait perdu une grande partie de son empire au moins sur l'esprit des hommes ; mais à qui faut-il s'en prendre, sinon aux gouvernements qui, depuis trente ans, n'ont fait de la religion que le jouet ou l'instrument de leur politique ; et aux prêtres eux-mêmes, qui, trop dociles aux ordres et aux séductions des puissances de la terre, ont toujours oublié les intérêts du ciel ; et qui, prêchant tourà-tour des doctrines contradictoires, ont perdu l'ascendant qu'ils tenoient jadis de leur auguste ministère?

L'invasion de l'Espagne ne fut pas moins odieuse de l'Espa- dans son principe que celle de Rome, mais fut bien plus

gne.

désastreuse dans ses effets.

On a peine encore aujourd'hui à concevoir l'étrange aveuglement de Napoléon, dans une entreprise qui fut non seulement la plus criante injustice de son régne, mais la plus grande faute de sa vie.

Qu'avoit-il besoin de porter la guerre et tous ses fléaux dans un pays depuis long-temps soumis à ses ordres, dévoué même à ses caprices, et dont les trésors, les armées et les flottes étoient entièrement à sa disposition? Il avoit tous les bénéfices du royaume sans en avoir les charges.

C'est de cette faute capitale que datent les premiers symptômes de sa décadence. Il étoit dans l'ordre des choses que le plus grand de ses crimes politiques devînt la première et la principale cause de sa chute.

La cour d'Espagne étoit devenue, depuis plusieurs années, la proie des dissentions domestiques qu'entretenoient à l'envi la foiblesse du roi, l'insolence d'un favori sans mérite, et les intrigues du gouvernement françois. Don Manuel Godoï, duc de la Alcudia, prince de la Paix, gouvernoit le roi, la reine et le royaume, mais étoit lui-même gouverné par Napoléon (1).

Le prince des Asturies n'avoit jamais voulu fléchir sous le favori. De là une haine profonde que celui-ci lui voua, et les persécutions sans fin qu'il lui fit éprouver. Il l'entoura d'espions ; il le fit insulter par ses créatures; il le tint prisonnier dans son palais. Il le représenta au roi non seulement comme un ambitieux qui ne soupiroit qu'après sa mort, mais comme un parricide disposé à l'accélérer.

Ces horribles imputations produisirent leur effet sur l'esprit du trop foible Charles IV. Il ordonna l'arrestation de son fils. Une telle sévérité, qui rappeloit les malheurs de don Carlos et la cruauté de Philippe II, alarma la ville et indigna la cour. Les plaintes arrivèrent de tous côtés; aux plaintes succédèrent les menaces. L'in

(1) Le principal mérite du prince de la Paix consistoit dans les avantages qui font les héros de roman, une haute taille, une belle hgure, une voix agréable et une grande habileté à jouer de la guitare. Il eut le bonheur de plaire à la reine, et, par elle, au roi. Sa fortune fut rapide. En très peu de temps, de simple garde-du-corps, il devint secrétaire d'état, grand d'Espagne, duc de la Alcudia, prince de la Paix, allié de la famille royale, premier ministre, et plus puissant' que le roi lui-même.

1808.

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