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Le projet de passer la mer, tout imposant qu'il étoit, ne l'occupoit cependant pas assez pour l'empêcher de suivre celui qu'il avoit conçu depuis long-temps de se faire couronner roi d'Italie. Le moment lui parut favorable.

Cette belle contrée, si favorisée de la nature et si maltraitée par les hommes, étoit depuis dix siècles la proie des étrangers, et depuis dix ans le théâtre des plus sanglantes révolutions.

Soumise aux François depuis la bataille de Marengo, elle n'en étoit ni plus heureuse, ni plus tranquille. L'esprit révolutionnaire y faisoit tous les jours de nouveaux progrès, mais il avoit tous les jours à soutenir des assauts contre les anciennes traditions, qu'on appeloit de vieux préjugés.

On peut se rappeler que Napoléon avoit, en 1802, convoqué à Lyon une consulte extraordinaire, composée des principaux habitants de la Lombardie, du Bolonois et des états vénitiens; qu'il leur avoit donné de nouvelles constitutions, et à leur pays le nouveau nom de république italienne, dont il voulut bien accepter la présidence. Cet état de choses, que rien n'empêchoit de croire définitif, n'étoit que provisoire dans la pensée de Napoléon, et devoit être remplacé par un autre, que dès-lors il avoit en vue, mais qu'il n'osa mettre au jour; c'est ce qui lui donna tant d'humeur.

1805.

la cou

ronne

Trois ans après, M. de Melzi, vice-président de cette Il accepte république éphémère, vint à Paris à la tête d'une nombreuse députation, dans le dessein d'annoncer à l'empe- d'Italie. reur que la république italienne ne pouvoit plus subsister, sous peine de rester en arrière dans la marche rapide des évènements qui caractérisent l'époque actuelle.

1805.

En partant de ce point, la marche des Italiens étoit tracée par celle des François. Le système de la monarchie, que ceux-ci avoient adopté, devenoit celui de tous les peuples soumis à leur influence, ou conquis par leurs

armes.

Le 17 mars 1805, Napoléon étant sur son trône au palais des Tuileries, et entouré des grands- dignitaires de l'état, reçut la députation italienne, composée de MM. de Melzi, Marescalchi, Caprara, Paradisi, Fenaroli, Costabili, Guicciardi, Carlotti, Dabrowski, Rangone, Calepia, Litta, Salinbeni.... M. de Melzi porta la parole en ces termes :

"

Sire, la constitution de Lyon avoit tous les caractères de provisoire. Ce ne fut qu'un ouvrage de circonstance, un système trop foible pour répondre aux vues de durée et de conservation. L'urgente nécessité de le changer est démontrée à la réflexion, comme elle est généralement sentie.

<< En partant de ce point, tout étoit simple. Le système de la monarchie nous étoit indiqué par le progrès des lumières et par les résultats de l'expérience (1), le monarque par tous les sentiments de la reconnoissance de l'amour et de la confiance.

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Sire, dans un pays que vous avez conquis, reconquis, créé, organisé, gouverné jusqu'ici; dans un pays où tout rappelle vos exploits, tout atteste votre génie, tout respire vos bienfaits, on ne pouvoit former qu'un seul vœu; et ce vœu a été exprimé. Vous avez voulu sire, que la république italienne existât; elle a existé.

(1) Cinq ans auparavant, le système des républiques étoit indiqué par le même progrès des lumières...!

Veuillez que la monarchie italienne soit heureuse, elle le sera. »

M. de Melzi lut ensuite le décret de la consulte, lequel portoit en substance:

a Que, vu la situation de l'Europe et celle de l'Italie, « 1o Le moment est arrivé de donner la dernière main aux institutions dont les bases ont été posées à Lyon, et à cet effet de déclarer le gouvernement de la république italienne monarchique héréditaire, suivant les mêmes principes que ceux qui constituent l'empire françois ;

« 2o Que l'empereur Napoléon, fondateur de la république italienne, soit déclaré roi d'Italie;

« 3° Que le trône d'Italie soit héréditaire de mâle en mâle dans sa descendance directe et légitime;

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4°. Que la couronne d'Italie ne puisse être réunie à celle de France que sur sa tête;

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« 5° Qu'il ait le droit de se donner de son vivant un successeur parmi ses enfants légitimes, soit naturels, soit adoptifs;

« 6o Qu'il soit prié de venir à Milan, pour y prendre la couronne, et donner au royaume une constitution définitive. "

L'empereur répondit:

« Depuis le moment où nous parûmes pour la première fois dans vos contrées, nous avons toujours eu la pensée de créer indépendante et libre la nation italienne. Nous avons poursuivi ce grand objet au milieu des incertitudes et des événements: c'est pourquoi nous avons d'abord formé les peuples de la rive droite du Pô

1805.

1805.

en république cispadane, et ceux de la rive gauche en république transpadane.

« De plus heureuses circonstances nous ont permis depuis de réunir ces états et d'en former la république italienne. Les statuts de Lyon remirent la souveraineté entre les mains de la consulte et des collèges, où nous avions réuni les différents éléments qui constituent les nations.

« Vous crûtes alors nécessaire à vos intérêts que nous fussions le chef de votre gouvernement, et aujourd'hui, persistant dans la même pensée, vous voulez que nous soyons le premier de vos rois. J'accepte la couronne que vous m'offrez, et je la garderai tout le temps que vos intérêts l'exigeront.... >>

Le lendemain, l'empereur se rendit au palais du Luxembourg, où les membres de la députation italienne s'étoient réunis à ceux du sénat, pour être témoins de l'acte solennel qui alloit confirmer l'abandon de leur liberté.

Cette séance mémorable s'ouvrit par la lecture d'un décret impérial par lequel Napoléon cédoit et donnoit en toute propriété la principauté de Piombino à la princesse Elisa sa sœur, qui depuis fut grande-duchesse de Tos

cane.

Ensuite, M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures, monta à la tribune, et lut un rapport dont voici l'extrait :

« Sire,

Depuis plusieurs mois, l'Europe entière a les yeux fixés sur l'Italie. Les plus grands souvenirs, une longue suite de malheurs et l'immense gloire que votre majesté

ya recueillie, attachent tous les esprits à sa destinée. On se demande si le sort de cette belle contrée, qui si longtemps gouverna le monde, et qui depuis est devenue le jouet de toutes les ambitions, sera enfin déterminé.

« De toutes parts on entend éclater le vœu généreux que l'Italie soit indépendante. C'est par suite de ce vœu que vingt peuples réunis, impatients de consolider leur liberté, reçurent à Lyon une organisation commune, et déférèrent à votre majesté la première magistrature. Cette institution, indéterminée par sa dénomination, et indécise par sa durée, ne répondoit qu'à l'intérêt et au besoin d'associer les affections et d'apaiser les inquiétudes du moment. Mais si l'organisation de la France avoit permis à ces peuples de s'ouvrir sans réserve sur le gouvernement qu'ils préféroient, dès-lors ils auroient exprimé à votre majesté tout ce que, depuis la fondation de l'empire, l'armée italienne, les autorités constituées et des réunions nombreuses de citoyens lui ont unanimement exposé dans leurs adresses....

<< Ainsi votre majesté régnera en Italie, et pendant quelque temps l'empire et le royaume que vous avez institués, liés par les mêmes affections, engagés par les mêmes intérêts, s'élèveront, s'affermiront à l'abri du même pouvoir.

«Tout n'est pas incertain dans l'avenir: les ames fortes et les esprits élevés savent y distinguer ce qui est du domaine de leur prudence et ce qui appartient au grand arbitre des événements. votre majesté prévoit avec certitude l'événement futur de l'affranchissement de Malte (1) et l'indépendance légitime de la république

(1) Occupée par les Anglois.

1805.

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