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nistres avoit depuis deux jusqu'à trois cent mille 1804. francs de traitement; les frais de bureau étoient le

double ou le triple de cette somme et l'énormité de

cette charge pour l'état en étoit le moindre inconvénient.

Ministre Le ministre secrétaire d'état étoit, sous un nom mo

secrétaire

d'état. deste, le premier ministre de l'empereur : c'étoit par ses

Grandjuge mi

nistre de

mains que lui parvenoit le travail de tous les autres. C'étoit lui qui revoyoit tout et qui signoit tout. Avec du caractère et du talent il auroit pu partager le pouvoir du maître. Mais celui qui exerça long-temps ce ministère n'étoit qu'un homme bon', facile, complaisant, et dont la première qualité fut un dévouement entier aux volontés de Napoléon, et la seconde de deviner promptement et d'expliquer avec clarté ses pensées, qui étoient souvent inintelligibles à force de précision.

Le ministère du grand-juge, ministre de la justice, étoit une superfétation dans la hiérarchie des pouvoirs, la justice. puisque le chef de l'état exerçoit lui-même la justice dans son conseil, que les lois n'étoient que les actes de sa volonté, que nous avions un archichancelier, qui, par son état et ses talents, avoit tous les moyens de régler en dernier ressort tous les droits et toutes les juridictions.

Pour envoyer le bulletin des lois aux tribunaux, pour écrire quelques lettres aux greffiers et aux procureurs-généraux, pour recevoir des mémoires, pour régler des recours en grace, il suffisoit d'un commis de plus dans les bureaux de l'archichancelier; et cela ne valoit pas les frais d'un ministère à part.

Celui des cultes n'étoit pas moins inutile, et auroit pu avoir des conséquences plus fâcheuses pour l'état, si

l'esprit qui présida à son établissement n'eût pas changé peu de jours après son établissement, et par des circonstances imprévues.

Buonaparte avoit eu l'intention d'établir en France un catholicisme exclusif, intolérant et absolu comme lui-même. Ce projet lui fut suggéré par ces écrivains mercenaires qui livrent leur conscience à tous ceux qui veulent l'acheter, et font servir la religion au triomphe de toutes leurs passions. En lui répétant souvent cette maxime des temps d'ignorance, un roi, une loi, une foi, ils étoient venus à bout de lui persuader que l'unité en matière de religion n'étoit pas moins nécessaire au salut des princes, que l'est au repos des peuples cette même unité en matière de gouvernement.

Il se préparoit à faire de cette doctrine la règle de sa conduite politique et religieuse, lorsque ses querelles avec le pape et les suites imprévues qu'elles eurent, tant pour l'Europe que pour la France, changèrent le cours de ses idées, et lui firent adopter un système tout différent.

Ce système, qui ne se développa que peu-à-peu, et dont le défaut de temps seul a pu empêcher l'établissement, consistoit d'abord à reconnoître toutes les religions, ensuite à les réunir dans une seule fondée sur la doctrine de l'évangile, et qu'il eût fait déclarer nationale par un sénatus-consulte organique; enfin, à l'exemple d'Auguste, de Henri VIII et de Pierre-le-Grand, à prendre le gouvernement de cette nouvelle église, et à le réunir à celui de l'état.

Dès que ce plan fut arrêté, on ne parla plus que de tolérer tous les cultes. Ses confidents, ses apôtres, ses prêtres se mirent à prêcher ouvertement une es

1804.

1804.

pèce de fatalisme religieux et moral, aussi favorable à ses vues que contraire aux principes de la religion ro

maine.

Ce fut alors qu'il donna de nouvelles instructions à son ministre des cultes, et que celui-ci fut chargé spécialement de lui rendre un compte exact de ce que faisoient, de ce que disoient, de ce que pensoient les évêques, les curés et les vicaires des campagnes les plus éloignées; et, par leur ministère, de ce que disoient et de ce que pensoient de son gouvernement les dévots et les dévotes, les royalistes et les républicains qui fréquentoient les temples catholiques.

Ce fut alors que la plupart des ecclésiastiques, placés entre l'indigence et l'infamie, n'eurent pas le courage de se réfugier dans l'indigence, se firent les apôtres du despotisme et les espions d'un gouvernement qui les avilissoit.

Ce fut alors que la religion, dont il se vantoit d'avoir relevé les autels, ne fut plus pour lui qu'un moyen d'inquisition, un gage d'obéissance aveugle pour le clergé, et un objet d'indifférence pour la nation.

Les catéchismes et les livres élémentaires, rédigés dans cet esprit, mélèrent le profane au sacré, assimilèrent le prince à Dieu, érigèrent le pouvoir absolu en dogme, et l'obéissance aveugle en devoir.

C'étoit autant de blasphèmes et d'impiétés; car la religion chrétienne, ses dogmes sacrés, sa discipline la plus pure, ses traditions les plus respectables, réprouvent et condamnent ces doctrines monstrueuses. Le plus beau triomphe de la religion chrétienne est d'avoir affranchi les hommes du joug du fatalisme et de la nécessité.

1804.

Ministère

rieur.

Tandis que par le ministre des cultes, l'empereur s'efforçoit de rattacher les consciences à son gouvernement, il employoit avec plus de succès le ministre de de l'intél'intérieur à concentrer à Paris toutes les branches de l'administration. Que le chef de ce ministère eût exercé une surveillance attentive sur la comptabilité des départements et des communes, sur les prisons et les hôpitaux, sur la confection et l'entretien des routes, des ports marchands, des ponts et des canaux, sur les manufactures, l'agriculture, les arts et l'instruction publique, sur les théâtres et les sociétés savantes, etc...... il n'en pouvoit résulter que du bien; il eût été dans ces cas-là l'œil d'une providence bienfaisante qui voit tout, qui préside à tout, et qui ne se montre nulle

part.

Mais attirer dans ses bureaux toutes les comptabilités, faire administrer par ses commis les biens communaux et le patrimoine des pauvres, gêner, entraver, décourager le commerce, l'agriculture et l'industrie, sous prétexte d'en connoître les produits et d'en régler les intérêts; réduire les maires, les sous-préfets et les préfets à n'être que les commis de ses commis, etc...... c'étoit vouloir tout encombrer et ne rien finir.

A l'exemple du maître, le ministre exerçoit un pouvoir absolu; à l'exemple du ministre, les préfets étoient de véritables tyrans. Rien ne se faisoit dans les départements sans leur permission: ils gouvernoient arbitrairement les autorités communales par leurs instructions; ils intimidoient les autorités judiciaires par leur police; ils corrompoient l'esprit public par leurs journaux. On ne pouvoit ni replacer un pavé dans une grande route, ni allumer une lanterne dans une petite ville, sans l'agrément de M. le préfet.

Dans les gouvernements bien réglés, l'administration 1804. est à découvert. Dans celui de Buonaparte, l'administration, comme tout le reste, étoit sombre et mystérieuse. Le même mystère enveloppoit la pensée du maître et les opérations de ses ministres.

Ministère de la

guerre.

Les bureaux de l'intérieur se composoient de demiphilosophes, de demi-hommes de lettres, de demi-patriotes, d'hommes enfin qui n'avoient rien d'entier que la morgue de l'orgueil et l'obstination de la sottise, compagnes ordinaires de ces demi-lumières aujourd'hui si répandues.

Au milieu des monopoles, des vexations et d'une oppression froidement calculée par tous les agents du pouvoir, le ministre de l'intérieur publioit annuellement un tableau magnifique de la prospérité de notre agriculture, de l'accroissement de la population, du progrès des sciences et des arts, de l'activité de l'industrie, et de la richesse de notre commerce.

Ce fut par ce canal que nous apprîmes un jour, à notre grand étonnement, les heureux effets de la conscription militaire. «< Sire, disoit le ministre, plus on enlève d'hommes à la France pour le triomphe de vos armes, et plus la population augmente!»>

On a dit de Louis XIV qu'il avoit été son premier ministre, et que Colbert, Louvois, Le Tellier et tous les autres, malgré leur mérite, n'avoient été que ses secrétaires. On pourroit en dire autant de Buonaparte, quant au ministère de la guerre.

Non seulement il fit la guerre en conquérant, mais il voulut la conduire en administrateur. Son ministre ne fut que son premier commissaire - général. La

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