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1804.

sante qui vous est décernée n'est donc qu'un tribut que la nation paye à sa propre dignité, et au besoin qu'elle şent de vous donner chaque jour un nouveau témoignage de son respect.

« Et comment le peuple françois pourroit-il mettre des bornes à sa reconnoissance, lorsque vous n'en mettez aucune à votre sollicitude pour lui?

« Les armées étoient vaincues, les finançes en désordre, les factions en présence, tous les principes anéantis: votre majesté a paru, elle a rappelé la victoire sous nos drapeaux, l'ordre dans les finances, le repos dans l'intérieur, les principes dans la morale et dans la religion....

« Le peuple françois a, pendant plusieurs siècles, goûté les avantages attachés à l'hérédité du pouvoir.

« Il use librement de ses droits pour déléguer à votre majesté impériale une puissance que son intérêt lui défend d'exercer par lui-même.

« Il stipule pour les générations à venir; il confie le bonheur de ses neveux à des rejetons de votre race (1).

« Heureuse la nation qui, après tant de dissentions, a trouvé dans son sein celui qui peut apaiser la tempête des passions, concilier tous les intérêts, réunir toutes les voix !

« Heureux le prince qui tient son pouvoir de la

(1) En principe général, et abstraction faite de l'expérience, comment M. Cambacérès pouvoit-il, au nom des hommes qui avoient fait et qui prolongeoient la révolution, pouvoit-il, dis-je, stipuler pour les générations à venir, et confier le bonheur d'une nation à des rejetons éventuels?

volonté, de la confiance et de l'affection des citoyens (1)!»

L'empereur répondit en ces termes :

« Tout ce qui peut contribuer au bien de la patrie est essentiellement lié à mon bonheur. J'accepte le titre que vous croyez utile à la gloire de la nation.

« Je soumets à la sanction du peuple la loi de l'hérédité. J'espère que la France ne se repentira jamais des honneurs dont elle environne ma famille.

<< Dans tous les cas, mon esprit ne sera plus avec ma postérité le jour où elle cesseroit de mériter l'amour et la confiance de la grande nation. »

empe

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Nomination des

Cette grande affaire ainsi terminée, le nouvel reur se hâta de composer sa cour, de nommer ses grands-digrands-dignitaires et de distribuer des récompenses en guitaires. proportion des services qu'on lui avoit rendus. Savoir récompenser en pareil cas, c'est déja prouver qu'on est digne de régner. Il nomma MM. Joseph Buonaparte grand-électeur;

Louis Buonaparte, connétable;

Le général Murat, grand-amiral;
Cambacérès, archichancelier de l'empire;
Lebrun, architrésorier;

Eugène Beauharnais, archichancelier d'état;
Talleyrand-Périgord, vice-grand-électeur;
Duroc, gouverneur du palais;

Les généraux Moncey, Jourdan, Masséna, Augereau,
Bernadote, Soult, Brune, Lannes, Mortier, Ney, Da-

(1) Ce n'est donc pas seulement d'aujourd'hui, et avec une bonhomie qui fait pitié, qu'on peut compter, pour la stabilité des empires, sur l'affection des peuples!

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voust, Bessières, Kellermann, Lefebvre, Pérignon,
Serurier, maréchaux de l'empire;

MM. de Montesquiou, grand-chambellan;
de Caulaincourt, grand-écuyer;

Berthier, grand-veneur;

de Ségur, grand-maitre des cérémonies, etc. etc.

Nous terminerons cette nomenclature par une réflexion extraite du rapport que M. Lacépède fit au sénat à ce sujet.

« Ces constitutions, dit-il, rendent l'hommage le plus éclatant à la souveraineté nationale. Elles font plus : elles consacrent et fortifient par de sages institutions le gouvernement que la nation françoise a voulu dans les plus beaux jours de la révolution, et lorsqu'elle a manifesté sa volonté avec le plus d'éclat, de force et de grandeur.»

En prononçant ces paroles, M. Lacépède pouvoit bien être l'interprète du sénat, mais certes le sénat n'étoit alors ni l'interprète ni le représentant de la nation.

FIN DE LA CINQUIÈME ÉPOQUE.

DE FRANCE

DEPUIS LA MORT DE LOUIS XVI
Jusqu'au traité de paix du 20 NOVEMBRE 1815.

SIXIÈME ÉPOQUE.

EMPIRE.

depuis l'élévATION DE BUONAPARTE AU TRÔNE IMPÉRIAL JUSQU'A SA CHUte.

QUELQUE étonnante que nous paroisse aujourd'hui l'élévation de Buonaparte, il arriva que personne alors 1804. n'en fut surpris, parcequ'elle se fit par degrés, et qu'il sut y accoutumer les esprits.

Un des traits les plus remarquables de son caractère, naturellement impétueux, étoit de savoir attendre ; et un de ses secrets étoit de se faire donner par le public l'éveil des mesures qu'il avoit depuis long-temps résolues dans la profondeur de ses desseins.

C'est ainsi qu'avant le 18 brumaire il parut inactif,

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Buonaparte et

solitaire et studieux ; et que néanmoins toute la France, hors lui, disoit qu'il alloit prendre la place du directoire.

C'est ainsi qu'avant de se faire nommer consul à vie, chacun répétoit que les gouvernements temporaires étoient des gouvernements orageux; et il n'y avoit pas un maire de village qui ne fit des vœux et ne préparât une adresse pour le prier d'accepter un titre inamovible, qui faisoit l'objet de toute son ambition.

Et le jour qu'il osa mettre sur sa tête la couronne de Charlemagne, la nation étoit déja, je ne sais comment, tout accoutumée à voir en lui le successeur de ce grand monarque.

Les hommes à qui les souvenirs tiennent souvent lieu Charle de jugement ont trouvé beaucoup de traits de ressemmagne. blance entre Charlemagne et lui. Ils ont dit qu'ils avoient

franchi l'un et l'autre de grands obstacles pour arriver au plus haut degré d'élévation, auquel de simples mortels puissent parvenir; que l'un et l'autre avoient été créateurs du vaste empire qu'ils ont gouverné; qu'ils durent leur puissance à leur génie et à leur audace, et non à leurs ancêtres ; qu'ils se jouèrent également des périls qui menacent les conquérants et les usurpateurs ; ¡ qu'ils firent enfin les plus grandes choses avec facilité, et les plus difficiles avec promptitude (1).

Tout cela peut être vrai, sans que le parallèle soit exact. Et il suffiroit de la différence qui distingue les temps, les mœurs, les circonstances au milieu desquelles ces deux princes ont vécu, non seulement pour en prouver l'inexactitude, mais encore pour éloigner toute induction sur leurs motifs, sur leurs actions, sur leurs

(1) Montesquieu. Esprit des Lois.

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