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par suite de cette résolution qu'il avait fait donner aux officiers de la marine anglaise les ordres éventuels dont j'ai parlé.

Que doivent penser les Français en voyant à quoi a tenu leur destinée ? Ne doivent-ils pas convenir que, dans le cas même où ils auraient gagné la bataille et fait éprouver à l'armée anglaise des pertes qui l'eussent mise dans l'obligation de traiter avec l'empereur, la lettre que M. Fouché avouait avoir écrite le 15 juin à M. de Wellington eût suffi seule pour ranimer les espérances de ce général? Dès-lors, quelque grande qu'eût été la défaite, il ne pouvait considérer la partie comme décidément perdue, puisque l'homme qui veillait à la sûreté de l'empereur était à lui,...Que ne méritait pas une telle perfidie!

Examinons maintenant comment l'armée de l'empereur a opéré, et par quelle suite de circonstances malheureuses la bataille de Waterloo a été perdue.

CHAPITRE V.

L'armée passe la Sambre.-Conduite de l'empereur basée sur le caractère des généraux ennemis.—Bataille de Fleurus.-Mouvemens du premier corps.— Ses conséquences.-L'empereur marche aux Anglais.-Les Prussiens sont mollement poursuivis. -- Dépêches de Grouchy. Observations sur la lettre dont il se prévaut.-M. de Bourmont.-Détails sur la manière dont l'empereur conduisait une bataille.

L'EMPEREUR avait ouvert le premier les hostilités, et avait eu le bonheur de surprendre les ennemis en mouvement pour se concentrer; c'était un grand avantage qu'il se proposait de suivre vivement.

Son plan d'attaque était arrêté. Il connaissait les généraux qu'il avait en tête; il savait que Blucher, bouillant, emporté, courrait aux armes dès qu'il aurait vent de notre approche, et que, n'eût-il que deux bataillons sous la main, il viendrait, dans son abnégation patriotique, nous affronter, chercher à ralentir nos masses, afin de donner aux Anglais le temps de se réunir. Il n'en était pas de même de Wellington: méthodique, circonspect, on était sûr qu'il ne hasarderait pas d'engagement que tous ses corps ne fussent concentrés. L'empereur se régla sur ces données. Il avait ouvert la campagne avec cent dix à cent treize mille hommes; il en forma deux masses, porta la principale, qui comptait environ soixante-dix mille combattans, sur Fleurus, où il savait que se rassemblait l'armée prussienne. Il chargea le maréchal Ney de s'avancer avec le reste sur la route de Bruxelles, et de s'emparer de la position des Quatre-Bras, afin d'empêcher les Anglais de secourir leurs alliés.

Blucher était déjà en

L'empereur avait deviné juste. position à Fleurus ; quatre-vingt-dix mille combattans couverts par un ravin escarpé s'étendaient de Saint-Amand à Sombref, tout annonçait une action meurtrière.

Ces dispositions néanmoins décelaient les motifs qui avaient décidé le général ennemi. Il était évident qu'il cherchait à imposer à l'armée française, et qu'il ne hasardait un engagement que pour donner aux masses alliées le temps de se mettre en ligne. Le maréchal Ney avait été détaché sur les Quatre-Bras; il devait, comme je l'ai dit, empêcher les Prussiens de recevoir les secours qu'ils attendaient. La fortune ne pouvait être douteuse; l'action commença. Vandamme se porta sur Saint-Amand, Gérard s'avança sur Ligny, Grouchy sur Sombref; de la gauche à la droite, en un instant, tout fut aux mains. La résistance fut aussi opiniâtre que l'attaque avait été impétueuse. Elle commençait cependant à mollir, et le général Gérard allait emporter Ligny lorsqu'on signala

une colonne nombreuse qui débouchait sur notre gauche. La garde impériale, qui devait appuyer Gérard, suspendit son mouvement pour s'avancer à la rencontre des masses ennemies qu'on lui annonçait. On ne tarda pas à reconnaître qu'on avait eu une fausse alerte, que les troupes dont l'approche répandait l'anxiété dans nos rangs étaient celles du premier corps qui arrivaient au canon. La garde reprit son mouvement, Ligny fut emporté, et l'armée prussienne obligée de vider le champ de bataille. Mais l'apparition du comte d'Erlon nous avait coûté deux heures. La nuit vint et couvrit de son ombre les vaincus. Ce ne fut pas tout le faux mouvement du premier corps, qui fit, pour ainsi dire, évanouir les résultats de la bataille, ou du moins transforma en une affaire ordinaire une action qui devait être décisive, eut une autre conséquence non moins fâcheuse. Le maréchal Ney, qui était chargé de s'emparer des Quatre-Bras, avait été devancé; la position était couverte de troupes lorsqu'il se présenta pour l'occuper. Il avait laissé le deuxième corps à Frasne, et n'avait avec lui que dix-sept à dix-huit mille hommes. Il ne balança pas néanmoins; il marcha aux masses qu'il avait en tête, les rompit, et se disposait à les suivre, lorsque deux divisions de troupes fraîches vinrent les recueillir. Accablé par ce surcroît de forces, il appela les troupes du premier corps à lui. Elles s'étaient éloignées, et exécutaient le mouvement qui eut une si funeste influence sur les combinaisons de l'empereur. Elles rebroussèrent chemin vers la nuit et rentrèrent à Frasne sur les neuf heures; mais alors tout était décidé, et ce corps, qui, aux QuatreBras comme à Fleurus, eût dû consommer la perte des ennemis, ne contribua qu'à les sauver. Ainsi le voulut la fortune.

Les efforts du maréchal ne furent cependant pas inutiles ; car on l'a su depuis, les Prussiens n'avaient accepté la bataille que sur l'assurance qu'ils seraient soutenus. Wellington, accouru à leur quartier-général avant que l'action

s'engageât, leur avait annoncé que son armée serait réunie à deux heures aux Quatre-Bras, et déboucherait à quatre sur Saint-Amans. Il devait nous prendre en flanc, culbuter notre aile gauche, et la refouler au loin. Ses colonnes se mirent effectivement en marche, mais le maréchal s'avançait lui-même à leur rencontre, il les ébranla, les contint et les empêcha d'aller joindre leurs efforts à ceux des Prussiens.

Blucher était en fuite, l'empereur fit ses dispositions pour marcher aux Anglais. La déroute de Fleurus les obligeait d'évacuer la position qu'ils avaient si obstinément défendue : il résolut de les suivre en toute hâte, et de marcher sur Bruxelles en deux colonnes. L'une, composée des corps de Gérard, de Vandamme, et de la cavalerie d'Excelmann sous les ordres de Grouchy, fut chargée de suivre l'armée prussienne, qui se retirait dans la direction de Wavres; l'autre, à la tête de laquelle il se mit lui-même, se porta sur les Quatre-Bras. Il joignit le maréchal, et le chargea de poursuivre l'arrière-garde ennemie, qui se jeta dans la forêt de Soignes. L'armée anglaise y était tout entière; mais la nuit approchait, il était trop tard pour commencer l'attaque: on prit position. Malheureusement la colonne de droite n'avait pas, à beaucoup près, fait autant de chemin que celle de gauche. Celle-ci avait parcouru un espace d'environ six lieues; celle-là s'était arrêtée à Gembloux qui n'est pas à plus de deux lieues du champ de bataille,

Quelque fâcheuse que fût cette circonstance, Wellington ne se fût peut-être pas encore décidé à en venir aux mains; mais Blucher, que son adversaire laissait paisiblement rallier ses colonnes éparses, avait repris courage et voulait courir les chances d'une nouvelle action. Il manda généreusement au général anglais, que, s'il consentait à la tenter, il ne marcherait pas avec deux corps, comme il le désirait, mais avec son armée entière pour l'appuyer. Il n'y mettait qu'une condition, c'est que si les Français n'attaquaient pas le 18, es troupes alliées réunies iraient les chercher le lendemain.

L'assurance du vieux Blucher en donna à son collègue, et la bataille fut résolue.

Pendant que les alliés se concertaient ensemble, la colonne de gauche restait toujours inactive, et consumait le temps à observer, à faire reconnaître les mouvemens de l'armée prussienne. La population nous était dévouée; le pays comptait une foule d'individus qui avaient servi dans nos rangs, et offrait, sous tous les rapports, beaucoup plus de facilités d'informations que n'en présentaient les contrées où nous avions long-temps fait la guerre, telles que l'Allemagne et la Pologne. Cependant Grouchy se laissa dérober les manœuvres qu'il devait déjouer, et annonça, au milieu de la nuit, qu'il était encore à Gembloux, ignorant si les Prussiens s'étaient portés sur Bruxelles ou sur Liége. Il prévenait, du reste, qu'il allait manœuvrer de manière à ne leur laisser ni gagner la première de ces deux villes ni se rallier à Wellington.* L'empereur, quoique satisfait de cette résolution,

SIRE,

Gembloux, le 17 juin 1815, à 10 heures du soir.

J'ai l'honneur de vous rendre compte que j'occupe Gembloux, et que ma cavalerie est à Sauvenières. L'ennemi, fort d'environ trente mille hommes continue son mouvement de retraite. On lui a saisi ici un parc de quatre cents bêtes à cornes, des magasins et des bagages.

Il paraît, d'après tous les rapports, qu'arrivés à Sauvenières, les Prussiens se sont divisés en deux colonnes; l'une a dû prendre la route de Wavres en passant par Sar-à-Valain, l'autre paraît s'être dirigée sur Perwisse.

On peut peut-être en inférer qu'une portion va joindre Wellington, et que le reste, qui est l'armée de Blucher, se retire sur Liége, une autre colonne avec de l'artillerie ayant fait son mouvement de retraite sur Namur.

Le général Excelmann a ordre de pousser ce soir six escadrons sur Sar-àValain et trois sur Perwisse.

D'après leur rapport, si la masse principale des Prussiens se retire sous Wavres, je la suivrai dans cette direction, afin qu'ils ne puissent pas gagner Bruxelles, et tácherai de les séparer de Wellington. Si, au contraire, mes

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