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venir de la vérité de cette opinion, que la sécurité de son avenir lui commandait de sacrifier l'empereur à tout prix; car il est bon de le remarquer encore, les instigateurs à Vienne ne voulaient rien entreprendre, qu'au préalable ce prince n'eût été enlevé de l'île d'Elbe.

Aussi Fouché n'avait-il garde d'avouer les bruits qu'il mettait toute son industrie à propager. Il avait trop de sens pour s'imaginer que l'empereur n'était venu expulser les Bourbons que pour livrer la France à quelques intrigans, et trop de sagacité pour se flatter de lui dérober le but de ses manœuvres. Je crois bien que si, dès l'arrivée de ce prince, il lui avait dit où en était la négociation qu'il conduisait avec ces mêmes étrangers, et qu'il eût pu lui démontrer que sans son retour il eût réussi; je crois, dis-je, que l'empereur n'aurait pas voulu qu'il fût versé une goutte de sang pour obtenir ce que l'on pouvait avoir sans lui. Si Fouché en était aussi persuadé qu'il a affecté de le dire, rien ne peut l'excuser de n'en avoir pas fait la confidence à l'empereur. Il est d'autant plus coupable, que l'aveu, loin de lui nuire, pouvait même devenir un moyen de crédit près de ce prince, en même temps qu'il en devenait un de popularité près de la nation.

Ne peut-on pas penser qu'il n'a gardé le silence sur une matière aussi délicate, que parce qu'il ne se fiait pas aux promesses qu'on lui faisait de Vienne, et qu'alors il lui importait de s'attacher à l'empereur? D'un autre côté, s'il avait divulgué le projet dont il était occupé avant le retour de l'île d'Elbe, et que l'empereur n'eût pas réussi, il aurait infailliblement gâté sa position vis-à-vis du nouveau gouvernement, qui n'eût pas manqué de lui demander compte de sa conduite.

L'empereur avait entendu parler de la négociation de Fouché, et la lettre qu'il avait saisie sur le courrier de Vienne lui avait donné à penser; mais comme le ministre ne lui en par

lait pas, il dut regarder cela comme une intrigue, sur la réussite de laquelle les meneurs ne comptaient pas trop euxmêmes, car il n'y avait aucun motif de faire mystère d'une chose dont il était simple de convenir, puisque l'empereur, qui n'avait fait part de son retour à qui que ce fût, ne pouvait pas trouver extraordinaire que l'on eût entrepris de secouer le joug dont on se plaignait.

Fouché ne se dissimulait pas que les destinées de la France dépendaient des résolutions du congrès: mais la campagne allait s'ouvrir en Flandre; il considéra que, si l'on y éprouvait un revers, les armées anglaises arriveraient les premières à Paris, et qu'ainsi le sort de cette capitale dépendrait plus du général anglais que de ceux des autres nations qui se trouvaient encore au-delà du Rhin. Dès-lors, il n'y avait pas de temps à perdre. Il se mit en relation avec lui. A l'aide de cette précaution, il se trouvait en mesure pour toutes les hypothèses. Si l'empereur avait triomphé, il lui réservait les embarras qu'il pouvait lui susciter dans la chambre des députés et parmi les hommes à mouvemens de la révolution. Il n'y a nul doute qu'il serait parvenu à rendre la marche du gouvernement lente, en éteignant l'espérance de le voir se consolider. Enfin il restait une dernière ressource, celle de l'assassiner; cela lui était d'autant plus facile, que le meurtrier était sûr de l'impunité, parce que l'on ne serait pas parvenu à le saisir, si le ministre ne l'avait pas voulu.

J'ai eu occasion de parler de cela avec plusieurs personnes qui connaissaient Fouché depuis vingt ans, et qui étaient tout-à-fait de mon opinion.

La profondeur de la dissimulation de Fouché était telle, qu'ayant été moi-même le voir dans les premiers jours du départ de l'empereur pour la Flandre, il me dit dans le cours de la conversation: "On ne peut pas s'attacher à l'empereur, il "n'y a avec lui de sûreté pour personne, il croit toujours qu'on

"le trahit." C'était après avoir écrit à M. de Wellington qu'il tenait ce langage.

On ne peut revenir de son étonnement en songeant que l'empereur ait de nouveau employé un tel homme. Une erreur semblable prouve à quel point il était resté étranger à tout ce qui avait pu se tramer à Paris.

CHAPITRE IV.

Départ de l'empereur pour l'armée.-Répartition de nos forces.-Les Bavarois.-Jactance de Castlereagh.-L'assurance qu'il affichait n'était pas réelle. -Anecdote de Smyrne.-Ce qu'eût pu faire l'empereur, si la fortune l'eût secondé.-Que n'a pas mérité la perfidie de Fouché !

L'EMPEREUR partit le 10 ou le 11 juin pour aller se mettre à la tête de l'armée.

Il se rendit d'abord à Avesnes, et fit assembler les troupes sur les bords de la Sambre, entre Maubeuge et Charleroi. Je n'étais point à l'armée, et je ne puis en conséquence retracer que sommairement les événemens de cette malheureuse campagne.

L'armée de l'empereur n'était pas extrêmement nombreuse, mais elle était bonne, animée de la meilleure volonté. Elle était inférieure en cavalerie à l'armée ennemie, qu'elle surpassait par la qualité de ses troupes d'infanterie, et surtout par son artillerie.

Le temps qui lui restait pour mettre la frontière en sûreté par un coup d'éclat était compté.

L'empereur devait s'attendre à voir arriver au mois de juillet les armées russe et autrichienne sur le Rhin; il fallait de toute nécessité qu'il se trouvât sur ce fleuve à cette époque.

Les corps de Suchet à Lyon, celui du général Lecourbe à Béfort étaient faibles; mais ils se grossissaient chaque jour par l'arrivée successive des hommes provenant des levées que l'on activait au nom du salut de la patrie: si l'empereur ne les déplaça pas plus tôt, c'est qu'il gagnait à les laisser se compléter pour les utiliser dans la seconde partie de ses opérations.

L'armée bavaroise, qui était forte d'environ vingt-cinq mille hommes, occupait le pays de Deux-Ponts; elle venait de se rallier à l'armée combinée anglo-prussienne. L'empereur, qui était autorisé à compter sur les sentimens de ces troupes qu'il avait fait pratiquer depuis un mois, voulait vider la querelle avec l'armée anglaise, avant que les Bavarois pussent prendre part à ses opérations, parce que le lendemain de la bataille ils étaient à lui, soit par un retour d'affection de leur part, soit par la nécessité dans laquelle la fortune de guerre les aurait placés.

Ils s'avançaient à marches forcées pour joindre les AngloPrussiens, et plus ils s'approchaient de la Basse-Meuse, plus ils se seraient trouvés dans nos filets, si la fortune nous avait été favorable à Waterloo.

Le corps qui était en Lorraine, où il se grossissait chaque jour, suivit le long de la frontière le mouvement que les Bavarois faisaient en dehors; l'empereur le fit concentrer dans les environs de Thionville, et l'on verra bientôt pourquoi il le laissait là.

Toutes les places de la frontière, depuis la mer jusqu'au Rhin, étaient pourvues de garnisons composées de gardes nationaux. On ne pouvait sûrement pas les considérer comme de bonnes troupes sur un champ de bataille; mais on aurait trouvé mille bonnes manières de les employer dans des opérations qui deviennent faciles à la suite d'une bataille gagnée.

Quand un événement ne répond pas aux espérances que

l'on avait conçues, on ne manque jamais de blâmer les conceptions du chef. On critique sa tactique, on déprécie ses combinaisons, on ne trouve de plausible que ce qu'il n'a pas fait. C'est ce qui est arrivé à l'empereur. On l'a traité sans pitié : des officiers inconnus jusques-là se sont tout à coup tranformés en foudres de guerre; il n'y avait, à les entendre, qu'à les laisser faire les armées eunemies ne leur eussent pas échappé.

Il est bien vrai que la bataille de Waterloo a tout perdu; mais elle-même a-t-elle été perdue par suite des manœuvres qui l'ont préparée, par l'imprévoyance de celui qui les dirigeait, ou avons-nous succombé par un concours de faux mouvemens, d'incidens fâcheux auxquels on ne pouvait s'attendre ? C'est ce que je vais tâcher d'expliquer.

Hormis le corps du général Rapp, l'empereur avait emmené sur le principal théâtre de ses opérations tout ce qu'il avait de troupes disponibles, à portée d'y être employées.

Il n'a assurément pas livré la bataille pour la perdre, et il avait plus de chances de succès que de revers. Le désastre a été grand sans doute, plus grand peut-être encore qu'on ne s'imagine; car ce n'est qu'en le comparant à l'éclat qu'aurait eu la victoire, que l'on peut sonder la profondeur de l'abîme dans lequel on est tombé. Les Français qui aiment leur pays verseront des larmes de sang en apprenant tout ce qui pouvait être la suite de quelques généreux efforts de plus. Pour moi, j'ai perdu le repos depuis que j'ai appris d'une manière certaine combien il s'en est peu fallu que l'édifice de gloire que nous avions été vingt ans à construire ne fût à jamais consolidé.

Le premier ministre d'Angleterre a fait au parlement un long rapport sur les opérations des différentes armées combinées pendant cette courte campagne. Il avait dit, quelques mois auparavant, à cette assemblée pour la déterminer à prendre part à la guerre qu'il faisait rallumer à la suite

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