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les grands hommes, tous les élémens de notre véritable gloire, et toutes les espérances de notre véritable prospérité.

Comment votre marche triomphale de Cannes à Paris n'a-t-elle pas dessillé tous les yeux ? Dans l'histoire de tous les peuples et de tous les siècles, est-il une scène plus nationale, plus héroïque, plus imposante? Ce triomphe, qui n'a point coûté de sang, ne suffit-il pas pour détromper nos ennemis ?.... En veulent-ils de plus sanglant? Eh bien! Sire, attendez de nous tout ce qu'un héros fondateur est en droit d'attendre d'une nation fidèle, énergique, généreuse, inébranlable dans ses principes, invariable dans le but de ses efforts, l'indépendance à l'extérieur et la liberté au dedans.

Les trois branches de la législature vont se mettre en action; un seul sentiment les animera. Confians dans les promesses de Votre Majesté, nous remettons à nos représentans et à la chambre des pairs le soin de revoir, de consolider, de perfectionner de concert, sans précipitation, sans secousse, avec maturité, avec sagesse, notre système constitutionnel et les institutions qui doivent en assurer la garantie.

Et cependant, si nous sommes forcés de combattre, qu'un seul cri retentisse dans tous les cœurs: "Marchons à l'ennemi qui veut nous traiter “comme la dernière des nations! Serrons-nous autour du trône, où siége le "père et le chef du peuple et de l'armée."

Sire, rien n'est impossible, rien ne sera épargné pour nous assurer l'honneur et l'indépendance, ces biens plus chers que la vie. Tout sera tenté, tout sera exécuté pour repousser un joug ignominieux. Nous le disons aux nations. Puissent leurs chefs nous entendre! S'ils acceptent nos offres de paix, le peuple français attendra de votre administration forte, libérale, paternelle, des motifs de se consoler des sacrifices que lui aura coûtés la paix. Mais si on ne nous laisse que le choix entre la guerre ou la honte, la nation tout entière se lève pour la guerre; elle est prête à vous dégager des offres, trop modérées peut-être, que vous avez faites pour épargner à l'Europe un nouveau bouleversement; tout Français est soldat; la victoire suivra vos aigles; et nos ennemis, qui comptaient sur nos divisions, regretteront bientôt de nous avoir provoqués.

Réponse de l'Empereur.

Messieurs les électeurs des colléges de département et d'arrondissement ; Messieurs les députés de l'armée de terre et de mer au Champ-de-Mai ; Empereur, consul, soldat, je tiens tout du peuple. Dans la prospérité, dans l'adversité, sur le champ de bataille, au conseil, sur le trône, dans l'exil, la France a été l'objet unique et constant de mes pensées et de mes actions.

Comme ce roi d'Athènes, je me suis sacrifié pour mon peuple, dans l'espoir

de voir se réaliser la promesse donnée de conserver à la France son intégrité naturelle, ses honneurs et ses droits.

L'indignation de voir ces droits sacrés, acquis par vingt-cinq années de victoires, méconnus et perdus à jamais, le cri de l'honneur français flétri, les vœux de la nation m'ont ramené sur ce trône qui m'est cher, parce qu'il est le palladium de l'indépendance, de l'honneur et des droits du peuple.

Français, en traversant au milieu de l'allégresse publique les diverses provinces de l'empire pour arriver dans ma capitale, j'ai dû compter sur une longue paix; les nations sont liées par les traités conclus par leurs gouvernemens, quels qu'ils soient.

Ma pensée se portait alors tout entière sur les moyens de fonder notre liberté, par une constitution conforme à la volonté et à l'intérêt du peuple; j'ai convoqué le Champ-de-Mai.

Je ne tardai pas à apprendre que des princes qui ont méconnu tous les principes, froissé l'opinion et les plus chers intérêts de tant de peuples, veulent nous faire la guerre. Ils méditent d'accroître le royaume des Pays-Bas, de lui donner pour barrières toutes nos places frontières du nord, et de concilier les différends qui les divisent encore, en se partageant la Lorraine et l'Alsace.

Il a fallu se préparer à la guerre.

Cependant, devant courir personnellement les hasards des combats, ma première sollicitude a dû être de constituer sans retard la nation. Le peuple a accepté l'acte que je lui ai présenté.

Français, lorsque nous aurons repoussé ces injustes agressions, et que l'Europe sera convaincue de ce qu'on doit aux droits et à l'indépendance de vingt millions de Français, une loi solennelle, faite dans les formes voulues par l'acte constitutionnel, réunira les différentes dispositions des constitutions aujourd'hui éparses.

Français, vous allez retourner dans vos départemens: dites aux citoyens que les circonstances sont grandes, qu'avec de l'union, de l'énergie et de la persévérance, nous sortirons victorieux de cette lutte d'un grand peuple contre ses oppresseurs; que les générations à venir scruteront sévèrement notre conduite; qu'une nation a tout perdu lorsqu'elle a perdu l'indépendance. Dites-leur que les rois étrangers que j'ai élevés sur le trône, ou qui me doivent la conservation de leur couronne, qui, tous, au temps de ma prospérité, ont brigué mon alliance et la protection du peuple français, dirigent aujourd'hui tous leurs coups contre ma personne. Si je ne voyais que c'est à la patrie qu'ils en veulent, je mettrais à leur merci cette existence contre laquelle ils se montrent si acharnés. Mais dites aussi aux citoyens que tant que les Français me conserveront les sentimens d'amour dont ils me donnent tant de preuves, cette rage de nos ennemis sera impuissante.

Français, ma volonté est celle du peuple, mes droits sont les siens; mon

honneur, ma gloire, mon bonheur ne peuvent être autre chose que l'honneur, la gloire et le bonheur de la France.

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Instructions données par le Ministre de la Marine aux Capitaines Philibert, commandant la Saale, et Poncé, commandant la Méduse.

(Très-secrètes.)

Les deux frégates sont destinées à transporter celui qui naguère était notre empereur aux Etats-Unis d'Amérique.

Il s'embarquera sur la Saale avec telles personnes de sa suite qu'il désignera. Les autres seront embarquées sur la Méduse.

Les bagages seront répartis sur les frégates ainsi qu'il l'ordonnera.

Si, soit avant le départ, soit dans la traversée, la Méduse était reconnue beaucoup meilleure marcheuse que la Saale, il s'embarquerait sur la Méduse, et les capitaines Philibert et Poncé échangeraient de commandement.

Le plus grand secret doit être gardé sur l'embarquement, qui doit se faire par les soins du préfet maritime, ainsi que sur la personne à bord.

Napoléon voyage incognito, et il fera connaître lui-même le titre et le nom sous lesquels il veut être appelé.

Aussitôt après son embarquement, toute communication doit cesser avec la terre.

Les commandans des frégates, les officiers et les équipages trouveront dans leurs cœurs qu'ils doivent traiter sa personne avec tous les égards et le respect dus à sa situation et à la couronne qu'il a portée.

A bord, les plus grands honneurs lui seront rendus, à moins qu'il ne s'y refuse. Il disposera de l'intérieur des frégates pour ses logemens, selon sa plus grande commodité, sans nuire aux moyens de leur défense. Sa table et son service personnel auront lieu comme il l'ordonnera.

Il disposera, et le préfet maritime en a reçu l'ordre, tout ce qui pourra contribuer aux commodités de son voyage, sans regarder à la dépense.

Il sera envoyé à bord par le préfet autant d'approvisionnemens pour lui et sa suite que le comporte le secret impénétrable à observer sur son séjour et son embarquement à bord.

Napoléon étant embarqué, les frégates devront appareiller dans les vingtquatre heures au plus tard, si les vents le permettent, et si les croisières ennemies ne s'opposent pas au départ.,

On ne resterait vingt-quatre heures en rade, après l'embarquement de Napoléon, qu'autant qu'il le désirerait, car il est important de partir le plus tôt possible.

Les frégates se porteront le plus rapidement possible aux Etats-Unis d'Amérique, et elles débarqueront Napoléon et sa suite soit à Philadelphie, soit à Boston, soit dans tel autre port des Etats-Unis qu'il serait plus prompt et plus facile d'atteindre.

Il est défendu aux commandans des deux frégates de s'engager dans les rades dont la sortie deviendrait lente et difficile. Elles ne sont autorisées à le faire que dans le cas où cela serait nécessaire pour le salut du bâtiment.

On évitera tous les bâtimens de guerre qu'on pourrait rencontrer. Si l'on est obligé de combattre des forces supérieures, la frégate sur laquelle ne sera pas embarqué Napoléon se sacrifiera pour retenir l'ennemi, et pour donner à celle sur laquelle il se trouvera le moyen de s'échapper.

Je n'ai pas besoin de rappeler que les chambres et le gouvernement ont mis la personne de Napoléon sous la sauve-garde de la loyauté française.

Une fois arrivé aux Etats-Unis, le débarquement devra se faire avec toute la célérité possible; et sous quelque prétexte que ce soit, à moins que les frégates n'en soient empêchées par des forces supérieures, elles ne pourront y rester plus de vingt-quatre heures, et elles devront immédiatement faire leur retour en France.

Les lois et réglemens sur la police des vaisseaux à la mer et sur la subordination militaire des personnes embarquées comme passagers, à l'égard des commandans de ces bâtimens, seront observés dans toute leur rigueur.

Je recommande au sentiment que les capitaines ont de leurs devoirs et à leur délicatesse, tous les objets qui pourraient n'être pas prévus par les présentes.

Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit précédemment, que la personne de Napoléon est mise sous la sauve-garde de la loyauté du peuple français, et ce dépôt est confié spécialement dans cette circonstance aux capitaines de la Saale et de la Méduse, et aux officiers et équipages de ces deux bâtimens.

Tels sont les ordres que la commission de gouvernement m'a chargé de transmettre aux capitaines Philibert et Poncé.

Le duc DECRÈS.

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