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s'il lui était possible d'abuser ses troupes, il n'en était pas ainsi des généraux; il savait qu'il dépendait d'eux de faire tout manquer ou tout réussir. Il se détermina en conséquence à leur communiquer les propositions qui lui étaient faites, sous prétexte que cela les intéressait personnellement, et qu'il ne voulait pas décider de la principale action de leur vie sans leur assentiment; il les appela à une espèce de conseil, où assistèrent entr'autres Compans, Souham et Bordesoulle. Le dernier était à coup sûr un des hommes les plus braves qui aient existé. Pour passer dans une armée ennemie, il faut qu'il ait été étrangement abusé, car il était capable d'entreprendre de la combattre à lui seul. Marmont, qui exerçait une certaine puissance d'opinion, puissance qui dérivait d'ailleurs du commandement dont il

Réponse du Maréchal Duc de Raguse.

MONSIEUR LE MARECHAL,

J'ai reçu la lettre que V. A. m'a fait l'honneur de m'écrire, ainsi que tous les papiers qu'elle renfermait. L'opinion publique a toujours été la règle de ma conduite. L'armée et le peuple se trouvent déliés du serment de fidélité envers l'empereur Napoléon par le décret du sénat. Je suis disposé à concourir à un rapprochement entre l'armée et le peuple, qui doit prévenir toute chance de guerre civile et arrêter l'effusion du sang; en conséquence, je suis prêt à quitter avec mes troupes l'armée de l'empereur Napoléon aux conditions suivantes, dont je vous demande la garantie par écrit :

ART. 1. Moi, Charles, prince de Schwarzemberg, maréchal et commandant en chef les armées alliées, je garantis à toutes les troupes françaises qui, par suite du décret du sénat du 2 avril, quitteront les drapeaux de Napoléon Bonaparte, qu'elles pourront se retirer librement en Normandie avec armes, bagages et munitions, et avec les mêmes égards et honneurs militaires que se doivent réciproquement les troupes alliées;

2. Que si, par suite de ce mouvement, les événemens de la guerre faisaient tomber entre les mains des puissances alliées la personne de Napoléon Bonaparte, sa vie et sa liberté lui seraient garanties dans un espace de terrain et dans un pays circonscrit au choix des puissances alliées et du gouvernement français,

savait faire sentir le poids, communiqua à ses généraux ce qui venait de se passer entre lui et M. de Montessuis. Il leur fit un long et affligeant détail de tous les maux qui allaient accabler la patrie, si quelqu'un ne donnait pas l'exemple de la réunion à un pouvoir qui pourrait se consolider et préserver la France de l'anarchie. Il leur dit que ce pouvoir était la maison de Bourbon, que les alliés rappelaient au trône, et avec laquelle Paris était déjà entré en arrangement; que la France ni les Français n'y perdraient rien; qu'il n'y aurait que l'empereur de sacrifié. Il leur annonça que, quant à lui, son parti était pris; qu'il les avait assemblés pour le leur communiquer, les laissant les maîtres de leurs déterminations. Il n'ignorait pas qu'un esprit supérieur entraîne toujours les faibles, particulièrement dans des circonstances hors de la portée des intelligences communes.

Les généraux de son armée ne pouvaient d'ailleurs suspecter les intentions de leur chef, dès qu'il s'agissait de

Réponse de M. le Maréchal Prince de Schwarzemberg.

MONSIEUR LE MARECHAL,

Je ne saurais assez vous exprimer la satisfaction que j'éprouve en apprenant l'empressement avec lequel vous vous rendez à l'invitation du gouvernement provisoire, de vous ranger, conformément au décret du 2 de ce mois, sous les bannières de la cause française.

Les services distingués que vous avez rendus à votre pays sont reconnus. généralement; mais vous y mettez le comble en rendant à leur patrie le peu de braves échappés à l'ambition d'un seul homme.

Je vous prie de croire que j'ai surtout apprécié la délicatesse de l'article que vous demandez, et que j'accepte relativement à la personne de Napoléon. Rien ne caractérise mieux cette belle générosité naturelle aux Français, et qui distingue particulièrement le caractère de V. Exc.

Agréez les assurances de ma haute considération.

A mon quartier-général, le 4 avril 1814.

Signé: SCHWARZEMBERG.

l'empereur. Ils crurent qu'il n'obéissait qu'à une rigoureuse nécessité, et adoptèrent le parti qu'il avait pris, déplorant toutefois d'être réduits à abandonner leur souverain.

On suivit les relations qu'avaient ouvertes Schwarzemberg. Les conditions de la défection furent discutées, convenues, sans néanmoins être signées.* Marmont conserva en conséquence la position qu'il occupait. Il continua de faire tête de colonne, soit qu'il balançât encore, soit même qu'il voulût revenir sur la surprise qu'on lui avait faite.

* ARTICLE ler.-Les troupes françaises qui, par suite du décret du sénat du 2 avril, quitteront les drapeaux de Napoléon Bonaparte, pourront se retirer en Normandie avec armes, bagages et munitions, et avec les mêmes égards et honneurs militaires que les troupes alliées se doivent réciproquement.

Article 2.—Si, par suite de ce mouvement, les événemens de la guerre faisaient tomber entre les mains des puissances alliées la personne de Napoléon Bonaparte, sa vie et sa liberté lui seraient garanties dans un espace de terrain et dans un pays circonscrit au choix des puissances alliées et du gouvernement français.

Chevilly, 4 avril, 1814.

CHAPITRE VII.

L'empereur de Russie hésite.-Consternation des conspirateurs.-Le gouvernement provisoire est sur le point de se dissoudre.-Conseil.-Le général Dessoles; ses sollicitudes pour mademoiselle de Dampierre.-M. de Pradt. -L'empereur se dispose à marcher sur Paris.-Ce qui l'arrête.-Abdication. Encore Marmont.-Projet coupable.-Ce que c'est que les garanties que veulent les alliés.-Etonnement de M. de Nesselrode.-En Russie on n'hésiterait pas tant.

LES choses allaient moins bien à Paris. L'empereur de Russie s'était tellement ménagé les moyens de changer de résolution, que je tiens de M. Anglès lui-même que les conspirateurs crurent un instant la partie perdue. La chose fut au point qu'au sortir d'une conférence qui avait eu lieu chez l'empereur de Russie, il fit charger sa voiture de voyage, persuadé que tout était fini. Ce fut l'engagement pris par Marmont qui ramena la sécurité dans toutes ces consciences coupables.

Il y avait à Paris de bons esprits qui, sans être bien contens du gouvernement impérial, se trouvaient humiliés d'être l'objet de la spéculation et du trafic de quelques intrigans accoutumés à tout servir et à tout trahir.

On remarquait une direction indiquée au mouvement, que l'on excitait sans faire connaître la puissance qui l'appuyait. On avait l'exemple récent de Bordeaux: lorsque le maire de cette ville s'était déclaré pour le duc d'Angoulême, on avait usé de son influence pour faire arborer les couleurs royales. Les notables s'étaient assemblés et avaient été en corps demander au général commandant les troupes anglaises qui avaient pris possession de la ville, si c'était par son ordre que l'on y déployait des signes propres à allumer la guerre civile ;

et celui-ci avait répondu qu'il ne protégeait particulièrement aucun parti, qu'il laissait chacun libre d'en agir comme il l'entendait.

A Paris, on voyait le corps municipal qui était excité à s'immiscer dans le changement de gouvernement. Quelquesuns de ses membres même, tels que l'avocat Bellart et l'ancien notaire Pérignon, n'avaient pas craint de se mettre en avant. Tout cela avait fait penser ceux qui redoutaient de nouveaux orages, ou ne voulaient pas servir de marchepied à quelques intrigans. Plusieurs bonnes têtes imaginèrent d'écrire à l'empereur Alexandre, en conservant l'anonyme, mais en employant le style qui porte la conviction, On ne lui épargna pas les représentations sur l'estime ou la confiance que méritaient les hommes qui travaillaient en

son nom.

Peut-être aussi lui-même chercha-t-il, par d'autres voies, à s'assurer au juste du véritable état de l'opinion. Soit que la masse d'intérêts qu'il fallait froisser l'ébranlât, soit toute autre considération, toujours est-il qu'il fut sur le point de répudier les casse-cous politiques qui s'attachaient à ses pas. Quelle influence ne pouvait pas avoir, dans cet état d'indécision, la présence de l'impératrice à Paris !

M. de Talleyrand, voyant les incertitudes de l'empereur Alexandre, craignit que ce prince ne lui échappât. Il jugea bien que l'on ne parviendrait pas à décider qui que ce fût à se prêter aux mesures nécessaires pour prévenir tout retour de l'empereur, si Marie-Louise restait sur le trône. Comme le danger était imminent et le devenait chaque jour davantage, il abandonna l'idée de la régence et se rallia aux Bourbons. Ce parti n'était pas sans inconvéniens pour lui, mais il excluait toute idée de retour après une transaction aussi étrange, aussi subite; il ne pouvait pas manquer de lui offrir des moyens de revenir à son premier thême, en faisant mouvoir le parti de la révolution avant de laisser les Bour

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