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ses ce qu'elles sont, et les conséquences ce qu'elles peuvent devenir.

La peur

La

a uni tous les souverains, le mécontentement a rallié tous les Allemands. partie est trop bien liée pour la rompre. En acceptant le ministère dans les circonstances où je l'ai pris, en me chargeant ensuite de cette négociation, je me suis dévoué pour vous servir, pour sauver mon pays; je n'ai point eu d'autre but, et celui-là seul était assez noble, assez élevé pour me paraître au-dessus de tous les sacrifices. Dans ma position, je ne pouvais qu'en faire, et c'est ce qui m'a décidé. V. M. peut dire de moi tout le mal qu'il lui plaira; au fond de son cœur, elle ne pourra en penser, et elle sera forcée de me rendre toujours la justice de me regarder comme l'un de ses plus fidèles sujets, et l'un des meilleurs citoyens de cette France que je ne puis être soupçonné de vouloir avilir, quand je donnerais ma vie pour lui sauver un village.

Je suis, etc.

Signé, CAULAINCOURT, duc de Vicence.

Séance du 7 Février 1814.

Les protocoles de la séance du 5 ayant été expédiés en double et collationnés dans la journée d'hier, MM. les plénipotentiaires, à l'ouverture de la présente séance, ont muni ces expéditions de leurs signatures, en observant l'alternative entre le plénipotentiaire de la France d'un côté, et les plénipotentiaires des cours alliées de l'autre, les derniers y ayant procédé entre eux, en adoptant la voie de pêle-mêle, tout préjudice sauf.

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Cette formalité remplie, les plénipotentiaires des cours alliées consignent au protocole ce qui suit :

"Les puissances alliées réunissant le point de vue de la sûreté et de l'indépendance future de l'Europe avec le désir de voir la France dans un état de possession analogue au rang qu'elle a toujours occupé dans le système politique, et considérant la situation dans laquelle l'Europe se trouve placée à l'égard de la France, à la suite des succès obtenus par leurs armes, les plénipotentiaires des cours alliées ont ordre de demander:

"Que la France rentre dans les limites qu'elle avait avant la révolution, sauf des arrangemens d'une convenance réciproque sur des portions de territoire au-delà des limites de part et d'autre, et sauf des restitutions que l'Angleterre est prête à faire pour l'intérêt général de l'Europe, contre les rétrocessions ci-dessus demandées à la France, lesquelles restitutions seront prises sur les conquêtes que l'Angleterre a faites pendant la guerre ; qu'en conséquence la France abandonne toute influence directe hors de ses limites futures, et que la renonciation à tous les titres qui ressortent des rapports de souveraineté et de protectorat sur l'Italie, l'Allemagne et la Suisse, soit une suite immédiate de cet arrangement."

Après que M. le duc de Vicence a entendu la lecture de cette proposition il

établit de part et d'autre entre les plénipotentiaires une conversation explicative de l'objet, à la suite de laquelle S. Exc. le plénipotentiaire français observe que la proposition étant de trop grande importance pour pouvoir y répondre immédiatement, il désire à cet effet que la séance soit suspendue.

Les plénipotentiaires des cours alliées n'hésitent pas à déférer à ce désir, et l'on convient de continuer la séance à huit heures du soir.

Les plénipotentiaires reprenant la séance à l'heure convenue, M. le duc de Vicence déclare ce qui suit :

Le plénipotentiaire de France renouvelle encore l'engagement déjà pris par sa cour de faire, pour la paix, les plus grands sacrifices, quelque éloignée que la demande faite dans la séance d'aujourd'hui, au nom des puissances alliées, soit des bases proposées par elles à Francfort et fondées sur ce que les alliés euxmêmes ont appelé les limites naturelles de la France; quelque éloignée qu'elle soit des déclarations que toutes les cours n'ont cessé de faire à la face de l'Europe; quelque éloignée que soit même leur proposition d'un état de possession analogue au rang que la France a toujours occupé dans le système politique, bases que les plénipotentiaires des puissances alliées rappellent encore dans leur proposition de ce jour. Enfin quoique le résultat de cette proposition soit d'appliquer à la France seule un principe que les puissances alliées ne parlent point d'adopter pour elles-mêmes, et dont cependant l'application ne peut être juste, si elle n'est point réciproque et impartiale, le plénipotentiaire français n'hésiterait pas à s'expliquer sans retard de la manière la plus positive sur cette demande, si chaque sacrifice qui peut être fait et le degré dans lequel il peut l'être ne dépendaient pas nécessairement de l'espèce et du nombre de ceux qui seront demandés, comme la somme des sacrifices dépend aussi nécessairement de celle des compensations; toutes les questions d'une telle négociation sont tellement liées et subordonnées les unes aux autres, qu'on ne peut prendre parti sur aucune, avant de les connaître toutes. Il ne peut être indifférent à celui à qui on demande des sacrifices de savoir au profit de qui il les fait et quel emploi on veut en faire, enfin si, en les faisant, on peut mettre tout de suite un terme aux malheurs de la guerre. Un projet qui développerait les vues des alliés dans tout leur ensemble remplirait ce but.

Le plénipotentiaire renouvelle donc de la manière la plus instante la demande que les plénipotentiaires des cours alliées veuillent bien s'expliquer positivement sur tous les points précités.

Après avoir pris lecture de ce qui vient d'être inséré au protocole de la part de M. le plénipotentiaire de France, les plénipotentiaires des cours alliées déclarent qu'ils prennent sa réponse ad referendum.

Signé, CAULAINCOURT, duc de Vicence. Signé, Le comte de STADION, Aberdeen, HUMBOLDT, le comte de RAZOUMOWSKI, CATHCART, Charles STEWART,

Châtillon-sur-Seine, le 7 février 1814.

Séance du 10 Mars, 1814.

Le plénipotentiaire de France commencé la conférence par consigner au protocole ce qui suit :

Le plénipotentiaire de France avait espéré, d'après les représentations qu'il avait été dans le cas d'adresser à MM. les plénipotentiaires des cours alliées, et par la manière dont LL. EE. avaient bien voulu les accueillir, qu'il serait donné des ordres pour que ses courriers pussent lui arriver sans difficulté et sans retards. Cependant le dernier qui lui est parvenu, non seulement a été arrêté très long-temps par plusieurs officiers et généraux russes, mais on l'a même obligé à donner ses dépêches, qui ne lui ont été rendues que trente-six heures après, à Chaumont, Le plénipotentiaire de France se voit donc à regret forcé d'appeler de nouveau sur cet objet l'attention de MM. les plénipotentiaires des cours alliées, et de réclamer avec d'autant plus d'instance contre une conduite contraire aux usages reçus et aux prérogatives que le droit des gens assure aux ministres chargés d'une négociation, qu'elle cause réellement les retards qui l'entravent.

Les plénipotentiaires des cours alliées n'étant point informés du fait, promettent de porter cette réclamation à la connaissance de leurs cours.

Le plénipotentiaire de France donne ensuite lecture de la pièce suivante, dont il demande l'insertion au protocole, ainsi que des pièces y annexées no 1, 2, 3, 4 et 5.

Le plénipotentiaire de France a reçu de sa cour l'ordre de faire au protocole les

observations suivantes:

"Les souverains alliés, dans leur déclaration de Francfort, que toute l'Europe connaît, et LL. EE. MM. les plénipotentiaires, dans leur proposition du 7 février, ont également posé en principe que la France doit conserver par la paix la même puissance relative qu'elle avait avant les guerres que cette paix doit finir; car ce que, dans le préambule de leur proposition, MM. les plénipotentiaires ont dit du désir des puissances alliées de voir la France dans un état de possession analogue au rang qu'elle a toujours occupé dans le système politique, n'a point et ne saurait avoir un autre sens. Les souverains alliés avaient demandé, en conséquence, que la France se renfermât dans les limites formées par les Pyrénées, les Alpes et le Rhin, et la France y avait acquiescé. MM. les plénipotentiaires ont au contraire, et par leur note du 7, et par le projet d'articles qu'ils ont remis le 17, demandé qu'elle rentrât dans ses anciennes limites. Comment, sans cesser d'invoquer le même principe, a-t-on pu, et en si peu de temps, passer de l'une de ces demandes à l'autre ? Qu'est-il survenu depuis la première qui puisse motiver la seconde ?

"On ne pouvait pas le 7, on ne pouvait pas plus le 17, et à plus forte raison

ne pourrait-on pas aujourd'hui la fonder sur l'offre confidentielle faite par le plénipotentiaire de France au ministre du cabinet de l'une des cours alliées; car la lettre qui la contenait ne fut écrite que le 9, et il était indispensable d'y répondre immédiatement, puisque l'offre était faite sous la condition absolue d'un armistice immédiat, pour arrêter l'effusion du sang, et éviter une bataille que les alliés ont voulu donner; au lieu de cela, les conférences furent, par la seule volonté des alliés, et sans motifs, suspendues du 10 au 17, jour auquel la condition proposée fut même formellement rejetée. On ne pouvait, on ne peut donc, en aucune manière, se prévaloir d'une offre qui lui était subordonnée. Les souverains alliés ne voulaient-ils point, il y a trois mois, établir un juste équilibre en Europe? N'annoncent-ils pas qu'ils le veulent encore aujourd'hui ? Conserver la même puissance relative qu'elle a toujours eue, est aussi le seul désir qu'ait réellement la France. Mais l'Europe ne ressemble plus à ce qu'elle était il y a vingt ans; à cette époque, le royaume de Pologne, déjà morcelé, disparut entièrement, l'immense territoire de la Russie s'accrut de vastes et riches provinces. Six millions d'hommes furent ajoutés à une population déjà plus grande que celle d'aucun Etat européen. Neuf millions devinrent le partage de l'Autriche et de la Prusse. Bientôt l'Allemagne changea

de face. Les Etats ecclésiastiques et le plus grand nombre des villes libres germaniques furent réparties entre les princes séculiers. La Prusse et l'Autriche en reçurent la meilleure part. L'antique république de Venise devint une province de la monarchie autrichienne; deux nouveaux millions de sujets, avec de nouveaux territoires et de nouvelles ressources, ont été donnés depuis à la Russie, par le traité de Tilsitt, par le traité de Vienne, par celui d'Yassi, et par celui d'Abo. De son côté, et dans le même intervalle de temps, l'Angleterre a non seulement acquis, par le traité d'Amiens, les possessions hollandaises de Ceylan et de l'île de la Trinité; mais elle a doublé ses possessions de l'Inde, et en a fait un empire que deux des plus grandes monarchies de l'Europe égaleraient à peine. Si la population de cet empire ne peut être considérée comme un accroissement de la population britannique, en revanche, l'Angleterre n'en tire-t-elle pas, et par la souveraineté et par le commerce, un accroissement immense de sa richesse, cet autre élément de la puissance? La Russie, l'Angleterre, ont conservé tout ce qu'elles ont acquis. L'Autriche et la Prusse ont, à la vérité, fait des pertes; mais renoncent-elles à les réparer, et se contentent-elles aujourd'hui de l'état de possession dans lequel la guerre présente les a trouvées? Il diffère cependant peu de celui qu'elles avaient il y a vingt

ans.

Ce n'est pas pour son intérêt seul que la France doit vouloir conserver la même puissance relative qu'elle avait; qu'on lise la déclaration de Francfort, et l'on verra que les souverains alliés ont été convaincus eux-mêmes que c'était aussi l'intérêt de l'Europe. Or, quand tout a changé autour de la France,

comment pourrait-elle conserver la même puissance relative en étant replacée au même état qu'auparavant ? Replacée dans ce même état, elle n'aurait pas même le degré de puissance absolue qu'elle avait alors; car ses possessions d'outre-mer étaient incontestablement un des élémens de cette puissance, et la plus importante de ces possessions, celle qui, par sa valeur, égalait ou surpassait toutes les autres ensemble, lui a été ravie; peu importe par quelle cause elle l'a perdue, il suffit qu'elle ne l'ait plus, et qu'il ne soit pas au pouvoir des alliés de la lui rendre.

Pour évaluer la puissance relative des Etats, ce n'est pas assez de comparer leurs forces absolues, il faut faire entrer dans le calcul l'emploi que leur situation géographique les contraint ou leur permet d'en faire.

L'Angleterre est une puissance essentiellement maritime, qui peut mettre toutes ses forces sur les eaux. L'Autriche a trop peu de côtes pour le devenir; la Russie et la Prusse n'ont pas besoin de l'être, puisqu'elles n'ont pas de possessions au-delà des mers: ce sont des puissances essentiellement continentales. La France est, au contraire, à la fois essentiellement maritime à raison de l'étendue de ses côtes et de ses colonies, et essentiellement continentale. L'Angleterre ne peut être attaquée que par des flottes. La Russie, adossée au pôle du monde et bornée presque de tous côtés par des mers ou de vastes solitudes, ne peut, depuis qu'elle a acquis la Finlande, être attaquée que d'un seul côté. La France peut l'être sur tous les points de sa circonférence, et à la fois du côté de la terre, où elle confine partout à des nations vaillantes, et du côté de la mer, et dans ses possessions lointaines.

Pour rétablir un véritable équilibre, sa puissance relative devrait donc être considérée sous deux aspects distincts: pour en faire une estimation juste, il la faut diviser, et ne comparer ses forces absolues à celles des autres Etats du continent, que déduction faite de la part qu'elle en devra employer sur mer, et à celles des Etats maritimes, que déduction faite de la part qu'elle en devra employer sur le continent.

Le plénipotentiaire de France prie LL. EE. MM. les plénipotentiaires des cours alliées de peser attentivement les considérations si frappantes de vérité qui précèdent, et de juger si les acquisitions que la France a faites en-deçà des Alpes et du Rhin, et que les traités de Lunéville et d'Amiens lui avaient assurées, suffiraient même pour rétablir entre elle et les grandes puissances de l'Europe l'équilibre que les changemens survenus dans l'état de possession de ces puissances ont rompu.

Le plus simple calcul démontre jusqu'à l'évidence que ces acquisitions, jointes à tout ce que la France possédait en 1792, seraient encore loin de lui donner le même degré de puissance relative qu'elle avait alors, et qu'elle avait constamment eue dans les temps antérieurs, et cependant on lui demande, non pas d'en abandonner seulement une partie quelconque, mais de les abandonner

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