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pendant trop d'années pour lui reporter une sincère affection.

L'Autriche, en protégeant l'indépendance administrative de l'Italie, aurait empêché l'agrandissement de ses autres voisins, auxquels elle a laissé faire des acquisitions incomparablement plus avantageuses qu'une bonne partie de celles dans lesquelles elle est rentrée; il ne faut, pour s'en convaincre, que comparer ce que la France et l'Italie présentaient de forces avant 1814 à ce que pourraient présenter aujourd'hui cette même France, la Belgique, les pays du Rhin qui ont été donnés à plusieurs princes différens, et enfin la Toscane et le Piémont.

L'ancien royaume d'Italie a à peine augmenté l'armée autrichienne de quatre régimens, et il en faut huit ou dix autrichiens pour imposer à l'esprit de mécontentement du

pays.

La Prusse, et surtout la Russie, ont fait des acquisitions qui n'ont pas ces inconvéniens. Cette dernière puissance, en obligeant les autres à se replacer dans leurs anciennes ornières, n'a pas adopté ce principe pour elle-même; elle s'est au contraire tracé une route nouvelle par laquelle nous la verrons encore s'approcher du soleil au milieu des ruines de plus d'une nation, et amener ainsi de nouveaux bouleversemens sur la scène du monde.

Il n'y a que contre la France que l'on prêcherait une nouvelle croisade, si elle voulait tenter seulement de reprendre Landau ou de reconstruire Huningue. Il y a peu d'années qu'un article de journal appelait vingt batailles, et aujourd'hui les cabinets de l'Europe sont indifférens à tout ce qui prépare l'asservissement du monde. On se demande où sont les hommes d'Etat qui ont fait tant de bruit pour abaisser la France, et ce que la tranquillité de l'Europe a gagné à lui substituer une puissance plus dangereuse, contre laquelle il ne reste pas même la ressource des alliances pour s'opposer

à ses entreprises de domination universelle. C'est par là qu'elle-même a commencé à s'assurer d'avance de toutes les positions, il n'y qu'à voir ce qu'il en reste. Par les femmes, l'empereur de Russie est un des prétendans à la couronne de Suède, car si celle-ci, à la mort de Charles XIII, passe à Bernadotte, elle n'arrivera pas assurément à son fils; de plus, l'empereur de Russie est beau-frère du roi de Bavière, du grand-duc de Bade, du prince héréditaire de Hesse-Darmstadt, du roi de Wurtemberg, est qui plus est, neveu de tous les princes de cette maison; il est beau-frère du roi des Pays-Bas, du duc de Mecklembourg-Schwerin, du prince héréditaire de Saxe-Weimar, qui, comme l'on sait, est la branche aînée de Saxe; elle n'a été dépossédée de l'électorat de ce nom, aujourd'hui royaume de Saxe, que par la puissance d'un empereur d'Allemagne, qui mit l'électeur au ban de l'empire pour lui avoir fait la guerre, et le fit condamner à céder son électorat à la branche cadette de Weimar, avec laquelle on l'obligea de permutter. Enfin, l'empereur de Russie est beau-frère du prince héréditaire de Prusse, dont la soeur vient d'épouser un grand-duc de Russie; il est en outre allié à la maison de Saxe-Cobourg par le mariage du grand-duc Constantin, son frère, avec une princesse de cette maison. Pouvait-on tirer un meilleur parti de ses moyens d'alliance, que n'a fait la Russie? Non assurément. Cette position est le complément des travaux de Catherine II; que l'on aille détrôner une de ces princesses, et l'on trouvera à qui parler.

C'est ici le cas de rappeler qu'aux époques où la Russie traitait avec la France sur des bases peu avantageuses, on ne fit point cet outrage aux princesses de son sang dont les maris s'étaient déclarés contre nous, et dont les Etats pouvaient, en 1807, être employés à indemniser la Prusse. L'Autriche a plus de princesses et surtout de princes dans les deux branches de Lorraine et d'Est que n'en avait la

Russie. Tous sont capables de commander, il s'en faut bien cependant qu'elle en ait tiré un parti aussi avantageux pour sa gloire et sa puissance. Ils occupent, pour la plupart, des emplois militaires au gouvernement des provinces où ils se font aimer; mais, en général, ils vivent si retirés, que sans les vertus du grand-duc de Toscane on douterait de l'existence de ses frères: on n'entend au contraire parler que des voyages des grands-ducs de Russie. Si on ne les destinait qu'à gouverner en Sibérie, au Caucase, ou au Kamtschatka, on ne les enverrait pas faire des reconnaissances à Paris, Londres, Vienne et Berlin.

Quelles que soient les raisons politiques qui déterminèrent au parti que l'on prit, il est plus essentiel d'en prévenir les suites que de chercher à les approfondir; c'est aux Etats menacés à sentir le besoin de se rapprocher et à se donner

secours.

Les Français n'ont assurément pas un mot à dire sur ce qu'on leur a imposé, et ils ne sont pas à la fin des maux qu'ils - ont cru éviter en se jetant entre les mains de leurs ennemis. Ils supportèrent encore le poids des puissances qui se sont agrandies aux dépens de la France. Telle pourra être la conséquence de l'erreur dans laquelle ils

sont tombés en je

tant le gouvernail à la mer au plus fort du danger, et si telle est leur destinée, qu'ils aient encore à gémir sur de nouveaux malheurs, on aura le droit de leur dire (tout esprit de parti mis à part): Comment avez-vous pu douter du but qu'avaient les puissances alliées? Lorsqu'elles vous firent la guerre en 1792, ce n'était pas pour vous arracher vos conquêtes; c'était donc pour vous asservir, et si à la suite des sanglantes querelles qui eurent lieu entre cette époque, et le traité de Campo-Formio, vous n'avez pas subi le joug qu'on voulait vous imposer, ce n'est que parce que les immortelles campagnes d'Italie avaient mis vos ennemis dans l'impuissance de vous nuire, et dans l'obligation de respecter

l'organisation sociale que vous veniez d'adopter. A qui deviez-vous les victoires qui avaient fait reconnaître votre indépendance? La renommée répondra, à l'empereur. Et lorsqu'il fut parti pour l'Egypte, d'où il paraissait impossible qu'il revînt jamais, comment pâtes-vous vous méprendre sur le motif qui fit recourir vos ennemis aux armes ? Pourriez-vous encore douter quels étaient leurs projets alors, et ce qui aurait été fait de vous sans la bataille de Zurich, et la défense de Gênes, qui donna au premier consul le temps de réorganiser l'intérieur et d'aller vaincre à Marengo? En quel état vous avait-il retrouvés à son retour d'Egypte ? Comparez-le à celui dans lequel il vous avait replacés après les traités de Lunéville et d'Amiens. Si à cette dernière époque vous n'avez pas subi le joug, c'est qu'il fut ramené par la fortune pour vous sauver de nouveau.

Lorsqu'il était uniquement occupé des soins que demandait l'entreprise formée à Boulogne pour terminer nos différends avec l'Angleterre, on ne pouvait assurément pas accuser son ambition: il doit vous souvenir de toutes les circonstances de l'agression de l'Angleterre, et combien la France entière faisait de vœux pour l'empereur, qu'elle excitait à franchir le détroit, au-delà duquel semblait être l'événement qui devait nous amener une paix profonde.

Vous ne pouvez pas non plus avoir oublié comment il fut tout à coup obligé d'abandonner ce projet pour courir en Allemagne à la rencontre de la plus honteuse comme de la plus injuste des agressions dont l'histoire nous ait transmis le souvenir. Quel était l'ambitieux dans cette circonstance, ou au moins l'agitateur des discordes, le perturbateur de la paix? N'était-ce pas ce même empereur Alexandre que vous venez d'encenser comme un libérateur? Si vous n'avez pu juger des projets des puissances coalisées contre vous à cette époque, les révélations du général en chef de l'armée autrichienne, que la fortune abandonna dans les champs

d'Ulm, et surtout les plans concertés entre l'Angleterre et la Russie* pour ramener la France dans ses limites de 1792, plans connus, avoués dès-lors, ne devaient-ils pas vous en

* Extrait de la Communication Officielle faite par le Gouvernement de la Grande-Bretagne à l'Ambassadeur de Russie, à Londres, le 19 Janvier 1805.

On a mis sous les yeux de Sa Majesté le résultat des communications faites par le prince Czartorinski à l'ambassadeur de Sa Majesté à Pétersbourg, et des explications confidentielles données par Votre Excellence. Sa Majesté a vu avec une satisfaction inexprimable le plan de politique sage, grand et généreux que l'empereur de Russie est disposé à adopter dans la situation calamiteuse de l'Europe. Sa Majesté est encore heureuse de s'apercevoir que les vues et les sentimens de l'empereur, par rapport à la délivrance de l'Europe et à sa tranquillité et à sa sûreté future, répondent entièrement aux siens. En conséquence, le roi désire entrer dans l'explication la plus claire et la plus franche sur chaque point qui tient à ce grand objet, et de former avec Sa Majesté impériale l'union de conseil et le concert le plus intime, afin que, par leur influence et leurs efforts réunis, on puisse s'assurer de la coopération et de l'assistance d'autres puissances du continent dans une proportion analogue à la grandeur et à l'importance de l'entreprise, du succès de laquelle dépend le salut futur de l'Europe.

Pour cela, le premier pas doit être de fixer aussi précisément que possible les objets vers lesquels un tel concert doit tendre.

Il paraît, d'après l'explication qui a été donnée des sentimens de l'empereur, auxquels Sa Majesté adhère parfaitement, qu'ils se rapportent à trois objets, 1o de soustraire à la domination de la France les contrées qu'elle a subjuguées depuis le commencement de la révolution, et de réduire la France à ses anciennes limites, telles qu'elles étaient avant cette époque; 2o de faire, à l'égard des territoires enlevés à la France, des arrangemens qui, en assurant leur tranquillité et leur bonheur, forment en même temps une barrière contre les projets d'agrandissement futur de la France; 3° d'établir, à la restauration de la paix, une convention et une garantie pour la protection et la sûreté mutuelle des différentes puissances, et pour rétablir en Europe un système général de droit public.

Le premier et le second objet sont énoncés généralement et dans des termes qui admettent la plus grande extension; mais ni l'un ni l'autre ne peuvent être considérés en détail, sans avoir égard à la nature et à l'étendue des moyens par lesquels ils peuvent être obtenus. Le premier est certainement celui que les vœux de Sa Majesté et ceux de l'empereur voudraient voir établi sans aucune modification ni exception, et rien de moins ne pourrait complètement satisfaire les vues que les deux souverains ont pour la délivrance et la sécu

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